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27/05/2021 | FRANCE | N°19VE02994

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 mai 2021, 19VE02994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Colombes à lui verser les sommes de 11 812,40 euros et de 5 906,20 euros en réparation des préjudices résultant, d'une part, du non-renouvellement de son contrat de travail et, d'autre part, de la discrimination qu'il a subie du fait de son appartenance syndicale et de mettre à la charge de la commune de Colombes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admini

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Par un jugement n° 1704140 du 18 juin 2019, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Colombes à lui verser les sommes de 11 812,40 euros et de 5 906,20 euros en réparation des préjudices résultant, d'une part, du non-renouvellement de son contrat de travail et, d'autre part, de la discrimination qu'il a subie du fait de son appartenance syndicale et de mettre à la charge de la commune de Colombes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704140 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 14 août 2019 et le 2 décembre 2020, M. C..., représenté par Me F..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Colombes à lui verser les sommes de 11 812,40 euros et de 5 906,20 euros ;

3°) d'assortir ces condamnations des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la demande de première instance et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Colombes la somme de 3 500 euros assortie de la TVA à verser à Me F... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que la somme de 1 000 euros sauf à parfaire pour les frais de déplacement de première instance et d'appel et les entiers dépens.

Il soutient que :

- le non-renouvellement de son contrat est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé d'un entretien préalable alors qu'il était susceptible d'être renouvelé pour une période indéterminée ; contrairement à ce qu'allègue la commune, il n'a jamais été convoqué à un entretien ; il répondait à tous les critères de " stagiairisation ", puis éventuellement de titularisation ; l'absence d'entretien a pu avoir une influence sur le sens de la décision de non-renouvellement ;

- le non-renouvellement de son contrat n'est pas justifié par l'intérêt du service ;

- il a été victime de discrimination syndicale et à raison de ses origines.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., pour M. C... et de Me D..., substituant Me B... pour la commune de Colombes.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été employé par la commune de Colombes comme adjoint technique de 2ème classe, par huit contrats à durée déterminée successifs conclus sur le fondement des articles 3-1 et 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, pour occuper les fonctions d'agent de surveillance de la voie publique. Le 17 octobre 2016, il a été informé que son contrat ne serait pas renouvelé. M. C... a formé, le 1er décembre 2016, un recours gracieux contre la décision de non-renouvellement et demandé l'indemnisation des préjudices qui résulteraient de la confirmation de cette décision. Un refus implicite lui a été opposé. M. C... relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Colombes à lui verser, d'une part, la somme de 11 812,40 euros en réparation des préjudices résultant du non-renouvellement fautif de son contrat de travail et, d'autre part, la somme de 5 906,20 euros en réparation des faits de discrimination qu'il estime avoir subis du fait de son appartenance syndicale et de ses origines.

Sur la procédure de non-renouvellement :

2. D'une part, aux termes de l'article 3-1 de la loi du 24 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels (...). Les contrats établis sur le fondement du premier alinéa sont conclus pour une durée déterminée et renouvelés, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence du fonctionnaire ou de l'agent contractuel à remplacer (...) ". Aux termes de l'article 3-2 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an (...). Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. ". Enfin, aux termes de l'article 3-3 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " (...) La notification de la décision finale doit être précédée d'un entretien lorsque le contrat est susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l'ensemble des contrats conclus sur emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée est supérieure ou égale à trois ans. (...) ".

4. M. C... soutient que la décision de non-renouvellement de son contrat a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un entretien et que la commune n'établit pas que, comme elle l'allègue, il aurait été convoqué à un tel entretien. Toutefois, il résulte des stipulations précitées de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 qu'un entretien n'est prévu qu'au bénéfice des agents dont le contrat est susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque l'ensemble des contrats conclus sur emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée est supérieure ou égale à trois ans. M. C..., qui a été employé par des contrats à durée déterminée fondés sur les articles 3-1 et 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, n'entre dans aucune des deux situations visées par l'article 38 du décret du 15 février 1988. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir que la décision de non-renouvellement de son contrat serait illégale faute d'avoir été précédée d'un entretien et que la responsabilité de la commune serait engagée du fait de l'irrégularité de la procédure suivie.

Sur le motif du non renouvellement du contrat :

5. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations dans sa rédaction applicable à la date de la décision de non renouvellement en litige : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, son âge, sa perte d'autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. (...)".

6. Dans ce cadre, le juge administratif fait usage des pouvoirs qu'il tient dans la conduite de la procédure inquisitoire et met en oeuvre un mécanisme adapté de charge de la preuve qui tient compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. Ainsi, le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. D'autre part, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

8. M. C... soutient que son contrat à durée déterminée n'a pas été renouvelé en raison de ses origines et de son appartenance syndicale et que cette décision de non-renouvellement n'était pas justifiée par l'intérêt du service.

9. S'agissant du moyen tiré d'une discrimination à raison de ses origines, M. C... n'apporte aucun élément ou précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. S'agissant du moyen tiré d'une discrimination liée à son appartenance syndicale, M. C... fait d'abord valoir que l'évaluation dont il a fait l'objet le 30 septembre 2016 révèlerait le parti pris de sa hiérarchie à son encontre depuis son inscription sur une liste de candidats aux élections des représentants du personnel au comité technique paritaire de la commune en juin 2014. Toutefois, si cette évaluation contient des appréciations très critiques sur les qualités professionnelles de M. C..., il résulte de l'instruction qu'elle s'inscrit dans le cadre d'un accroissement des responsabilités confiées à l'intéressé, nommé adjoint au chef d'équipe des gardiens de square et de l'hôtel de ville en juin 2015, et qu'elle fait état, notamment, des difficultés de communication du requérant avec ses collègues et sa hiérarchie, difficultés qui avaient déjà été relevées lors des évaluations précédentes. Par ailleurs, M. C... n'apporte aucun élément de nature à contredire les reproches formulés dans cette évaluation. Si le requérant soutient ensuite que la commune de Colombes aurait sciemment refusé de remplacer son scooter, qui était ancien et dangereux, il ne l'établit pas par la seule production des photographies du véhicule. M. C... produit enfin un courrier du responsable juridique de l'Union départementale CFTC des Hauts-de-Seine du 29 avril 2015 adressé au maire de la commune de Colombes. Toutefois, si ce courrier révèle des tensions entre l'organisation syndicale et les services de la mairie à propos notamment de la situation de certains agents, il ne résulte pas de l'instruction que l'activité syndicale de M. C... aurait été à l'origine de la décision de la commune de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments invoqués par M. C... n'apparaît de nature à faire présumer que la décision de ne pas renouveler son contrat serait fondée sur une discrimination liée à l'engagement syndical de l'intéressé.

11. Enfin, si M. C... soutient que le non-renouvellement de son contrat n'est pas justifié par l'intérêt du service, la commune de Colombes fait cependant valoir que cette décision s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation de la direction " Prévention Sécurité ". Il résulte effectivement de l'instruction que, dans le cadre de ce projet, présenté au comité technique le 15 juin 2016, la commune a entrepris de modifier les effectifs de la direction en réduisant le nombre d'agents de surveillance de la voie publique au profit d'une augmentation du nombre de policiers municipaux. Cette réorganisation a abouti à la suppression par le conseil municipal de douze postes d'ASVP par une délibération du 2 février 2017. A cet égard, le rapport présenté au comité technique exposait que la réduction des effectifs ASVP s'effectuerait progressivement " en fonction des fins de contrat à venir et par le détachement d'agents dans le corps de la police municipale ". Contrairement à ce que fait valoir M. C..., cette réorganisation établit que le non renouvellement de son contrat a été pris pour un motif lié à l'intérêt du service.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de la commune de Colombes, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Colombes sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Colombes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE02994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02994
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : VIGOUROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-27;19ve02994 ?
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