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25/05/2021 | FRANCE | N°20VE02333

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 mai 2021, 20VE02333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, d'enjoindre à l'OFII de rétablir ses conditions matérielles d'accueil, et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif depuis le 14 mai 2018, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1811341 du 11 ju

illet 2019, le tribunal administratif de Montreuil, a rejeté cette demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, d'enjoindre à l'OFII de rétablir ses conditions matérielles d'accueil, et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif depuis le 14 mai 2018, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1811341 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil, a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 8 septembre 2020 et 22 avril 2021, M. C... B..., représenté par Me A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1811341 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir ses conditions matérielles d'accueil, et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif depuis le 14 mai 2018, date d'enregistrement de sa demande d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son avocat renonce à percevoir la part contributive de l'État versée au titre de l'aide juridictionnelle.

5°) en cas de rejet de sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale ; les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée n'étaient pas applicables à sa situation ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- aucune fraude ne peut lui être reprochée ;

- la décision attaquée méconnaît les articles L. 744-6 et R. 744-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant éthiopien né le 20 août 1999 est entré en France le 2 août 2017 et y a sollicité l'asile le 20 septembre 2017. Le 15 mars 2018, il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Marne décidant son transfert aux autorités italiennes. Le 15 avril 2018, M. B... présentait toutefois une nouvelle demande d'asile auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Le 14 mai 2018, M. B... se voyait remettre une nouvelle attestation de demandeur d'asile en procédure Dublin (première demande), acceptait l'offre de prise en charge proposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et se voyait remettre une carte d'allocation de demandeur d'asile. Toutefois, par courrier en date du 17 mai 2018, l'OFII lui notifiait son intention de lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et invitait l'intéressé à présenter des observations, ce qu'il a fait le 31 mai 2018. Par décision en date du 22 août 2018, l'OFII lui a notifié une décision de refus d'octroi des conditions matérielles d'accueil. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 1811341 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil, a rejeté cette demande.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 19 juin 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; / 2° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; / 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (...) ". L'article D. 744-37 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 applicable au litige, dispose que : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'office français de l'immigration et de l'intégration : / 1° En cas de demande de réexamen de la demande d'asile ; / 2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ; 3° En cas de fraude. ".

4. Si l'article D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le bénéfice de l'allocation de demandeur d'asile peut être refusé en cas de fraude, ces dispositions ne sauraient fonder le refus de l'allocation que dans le cas où sont établies des manoeuvres frauduleuses pour l'obtention des conditions matérielles d'accueil. La seule circonstance qu'un demandeur d'asile transféré, dans le cadre de la procédure dite " Dublin ", soit revenu en France afin de présenter une nouvelle demande ne caractérise pas, par elle-même, une fraude aux conditions matérielles d'accueil susceptible de justifier que leur bénéfice lui soit refusé. Dans ces conditions, le moyen de M. B... tiré de ce que l'OFII ne pouvait lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au seul motif, non établi, qu'il aurait frauduleusement tenté d'en obtenir le bénéfice, est fondé.

5. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. En l'espèce, le directeur général de l'OFII fait valoir que si la fraude aux conditions matérielles d'accueil ne peut légalement justifier la décision attaquée, celle-ci peut reposer sur le motif tiré de ce que M. B... n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités italiennes dans le cadre de la procédure de transfert dont il a fait l'objet, sur le fondement du 1° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, en vertu de ce texte, l'absence de présentation d'un demandeur aux autorités de l'asile ne peut entraîner qu'une suspension, et non un refus, du bénéfice des conditions matérielles d'accueil. La demande de substitution de motif présentée par l'OFII ne peut donc être accueillie.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur territorial de l'OFII lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au directeur général de l'OFII de réexaminer les droits de M. B... au bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens. En revanche, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire présentées par M. B....

Article 2 : Le jugement n° 1811341 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Montreuil et la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé à M. B... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au directeur général de l'OFII de procéder au réexamen des droits de M. B... au bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'OFII versera la somme de 1 500 euros à Me A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... et les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

N° 20VE02333 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02333
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-25;20ve02333 ?
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