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22/04/2021 | FRANCE | N°17VE02072

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 avril 2021, 17VE02072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 311 197,32 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 24 juin 2011.

Par un jugement n° 1504261 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à M. C... une somme de 106 620,43 euros et à la caisse primaire d'assurance

maladie des Hauts-de-Seine diverses sommes correspondant aux dépenses de santé,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 311 197,32 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 24 juin 2011.

Par un jugement n° 1504261 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à M. C... une somme de 106 620,43 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine diverses sommes correspondant aux dépenses de santé, aux indemnités journalières, aux arrérages de la rente accident du travail et à l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 juin 2017 et le 12 décembre 2019, M. C..., représenté par Me Heurton, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1504261 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en ce qui concerne les postes frais de logement adapté, frais de véhicule adapté, incidence professionnelle, tierce personne permanente, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, préjudice d'agrément, préjudice religieux, préjudice d'impréparation ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser les sommes de 45 000 euros à titre prévisionnel au titre du poste frais de logement adapté, 24 034 euros pour frais de véhicule adapté, 14 489 euros pour l'incidence professionnelle, 62 205 euros pour la tierce personne permanente, 6 530 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 20 000 euros pour les souffrances endurées, 2 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 15 000 euros pour le préjudice d'agrément, 15 000 euros pour le préjudice religieux, 6 000 euros pour le préjudice d'impréparation ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 4 000 euros au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'infection dont il a été victime présente le caractère d'une infection nosocomiale dont la responsabilité incombe à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

- il est fondé à demander une provision de 45 000 euros pour l'achat d'un logement adapté ;

- l'adaptation de son véhicule est impossible en raison de son ancienneté et il convient de lui accorder le cout de renouvellement d'un véhicule et de fixer à 7 ans la fréquence de renouvellement ;

- ayant cessé de travailler de manière anticipée, il a perdu des droits à la retraite qui peuvent être évalués à 16 489 euros ;

- en capitalisant et donc en évaluant l'indemnisation des besoins en assistance humaine à partir de ses 67 ans, le tribunal ne permet pas une réparation intégrale de ce poste de préjudice, puisqu'il a omis purement et simplement d'indemniser la période allant de la consolidation (juin 2012) à la liquidation (2017) ;

- la réparation du déficit fonctionnel temporaire pourra s'effectuer sur la base mensuelle de 30 euros par jour pour le déficit total, et de 20 euros par jour pour le déficit partiel ;

- en considération de son traumatisme et de son incidence morale importante, il est fondé à demander la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- le préjudice esthétique temporaire est distinct du déficit fonctionnel temporaire et doit être indemnisé par une somme de 5 000 euros ;

- il est bien fondé à demander 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément et de la privation de ses loisirs de retraite ;

- il est également fondé à être indemnisé par une somme de 15 000 euros du fait de son impossibilité de s'agenouiller pour pratiquer sa religion ;

- il est fondé à demander 6 000 euros au titre du préjudice d'impréparation dès lors que les experts ont relevé le défaut d'information sur les risques de l'intervention.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juin 2011, à la suite d'une chute sur la voie publique sur le trajet de son travail de manutentionnaire, M. C..., alors âgé de 61 ans, a été hospitalisé à l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt. Il y a subi le 24 juin suivant une intervention chirurgicale sur le genou gauche et y est resté hospitalisé jusqu'au 26 juin suivant. Le 17 juillet, des soins locaux lui ont été prescrits. Une antibiothérapie a débuté le 23 juillet suivant. Le 9 août, il a été revu en consultation par son chirurgien, qui a noté des écoulements depuis trois semaines, au niveau de la cicatrice. Une ponction a révélé alors la présence de germes. Le patient a ensuite été hospitalisé et réopéré, il a pu regagner son domicile le 27 août 2011. Le 9 décembre, il s'est présenté aux urgences en raison d'une aggravation de son état local avec écoulement de sang et de pus et fièvre à 39 degrés. Il a été réopéré le 11 décembre 2011 puis le 17 décembre suivant en raison de la récidive de l'infection. Le 29 décembre 2011, il a été transféré en rééducation à l'hôpital Nord à Villeneuve-la-Garenne. Le retour à domicile a ensuite été autorisé le 15 février 2012, le traitement antibiotique étant poursuivi jusqu'au 5 mars 2012 et l'arrêt de travail dont il bénéficiait prolongé jusqu'au 25 mars 2012. La consolidation de l'état de santé a été acquise le 1er juin 2012. M. C... demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a seulement condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme totale de 106 620,43 euros en réparation des préjudices qu'il a subis. Il demande que cette somme soit portée à 311 197,32 euros. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine demande à la cour de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme globale de 163 515,34 euros assortie des intérêts aux taux légal et de la capitalisation des intérêts et à lui payer la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction à la date du dommage : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute./ Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les deux épisodes infectieux subis par le requérant sont associés aux soins prodigués à l'hôpital Ambroise Paré et que cette infection ostéo-articulaire répond à la définition des infections nosocomiales dès lors qu'elle n'était pas présente ou en incubation au début de la prise en charge du patient et qu'elle est survenue au décours d'un acte thérapeutique chirurgical. Les dispositions précitées du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit apportée. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui ne rapporte pas l'existence d'une cause exogène, ne conteste pas sa responsabilité.

Sur l'évaluation des préjudices de M. C... et l'appel incident :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

Quant aux dépenses de santé :

4. M. C... demandait en première instance le remboursement des dépenses de santé restées à sa charge pour un montant de 501 euros. Ces dépenses ne sont pas contestées. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a pris en charge au titre des conséquences de l'infection nosocomiales des frais hospitaliers du 16 août au 27 août 2011 pour un montant de 29 282,07 euros, du 9 décembre au 29 décembre 2011 pour un montant de 46 821,13 euros et du 29 décembre 2011 au 15 février 2012 pour un montant de 20 274 euros. Il n'est également pas contesté qu'elle a également pris en charge, au titre des conséquences de l'infection, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage et de transport pour un montant de 6 627,56 euros. Dès lors, la réparation des dépenses de santé actuelles doit être fixée à la somme 103 505,76 euros et la caisse a droit au remboursement de la somme de 103 004, 76 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux dépenses de santé :

5. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine sollicite 903,75 euros correspondant au coût annuel de deux paires de semelles orthopédiques par an (57,72 euros) et d'une canne (6,10 euros) au titre des dépenses de santé futures. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne conteste pas cette demande. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, elle a droit au remboursement de cette somme.

Quant aux frais liés au handicap :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, et il n'est au demeurant pas contesté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, que l'assistance d'une tierce personne sera nécessaire de façon permanente à raison de 4 heures par semaine, soit 208 heures par an. Au regard de l'âge de la victime à la date du jugement soit 67 ans, les premiers juges ont retenu un taux de rente viagère de 14,516 en se référant au barème de capitalisation des rentes des victimes, publié à la Gazette du Palais, soit un montant de rente capitalisée égal à 42 271 euros. M. C... réitère sa demande initiale en contestant le coût horaire retenu par les premiers juges et en demandant que ce coût horaire soit fixé à 15 euros et que le taux de rente soit fixé à 13,322 soit le taux applicable pour un homme de 69 ans. S'agissant d'une aide familiale, les premiers juges ont toutefois fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant ainsi que précédemment rappelé. L'appelant ne soutenant pas que le tribunal administratif n'aurait pas pris les bons taux du SMIC horaire figurant sur le site de l'INSEE, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne justifiant pas plus sa demande de baisse de ce taux horaire par la seule référence à un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris et le calcul de la rente viagère ayant été effectué en tenant compte de l'âge exact de la victime à la date de lecture du jugement, les premiers juges ont fait une juste appréciation de cette aide en l'évaluant à la somme totale de 42 271 euros, en conséquence de quoi les conclusions d'appel de M. C... tendant à ce qu'il lui soit alloué davantage au titre de ce chef de préjudice et les conclusions d'appel incident doivent être rejetées.

7. M. C... sollicite la somme de 45 000 euros à parfaire au titre des dépenses liées au surcout d'un logement adapté. Il résulte de l'instruction que M. C... est propriétaire d'un logement situé au 4ème étage d'un immeuble sans ascenseur, qui n'est pas adapté à son handicap et qui a été évalué sur la base d'un descriptif sommaire à la somme de 148 000 euros. Toutefois, et alors que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris produit des annonces de biens adaptés de même valeur, les estimations de logements adaptés fournies par le requérant portent sur des biens d'un standing supérieur situés en bord de Seine. Ce chef de préjudice ne peut dans ces conditions qu'être écarté.

8. M. C... sollicite la somme de 24 034 euros au titre des frais d'adaptation de son véhicule. Si les experts ont relevé que M. C... venait de s'acheter une voiture à boite manuelle et que l'achat d'une voiture à boite automatique était justifié, il n'en demeure pas moins que M. C..., qui disposait d'une voiture très ancienne, ne peut obtenir le coût d'acquisition d'un véhicule neuf, seul le surcoût lié à l'achat d'une boite automatique pouvant être pris en charge ainsi que les frais qui seront exposés lors des prochains renouvellements de véhicule. Dès lors, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'indemnisation accordée par les premiers juges pour un montant de 4 222 euros.

Quant à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :

9. Aux termes de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale : " Les prestations accordées aux bénéficiaires du présent livre comprennent : (...) 4° Pour les victimes atteintes d'une incapacité permanente de travail une indemnité en capital lorsque le taux d'incapacité est inférieur à un taux déterminé, une rente au-delà (...) ". Aux termes de l'article L. 431-2 du même code : " Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. / Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci (...) ". Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par la caisse au titre d'une rente d'accident du travail ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudices.

10. Pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il y a lieu de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par M. C... en raison de l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital Ambroise Paré entraîne des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une rente d'accident du travail. Pour déterminer, ensuite, dans quelle mesure ces préjudices sont réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la pension.

11. Il résulte de l'instruction que M. C... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 25 % dont 20 % sont imputables aux complications infectieuses dont le requérant a été victime. Il garde des séquelles consistant en une difficulté à se déplacer, une réduction du périmètre de marche et une incapacité à porter des charges lourdes. Si l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris fait valoir qu'il n'est pas établi que le licenciement pour inaptitude de l'intéressé le 22 août 2014 soit lié aux conséquences des infections nosocomiales, les experts ont estimé que M. C... n'était pas en mesure de reprendre l'activité qu'il exerçait auparavant et qu'en l'absence de complication infectieuse, il est vraisemblable qu'il aurait été gêné mais qu'il aurait pu bénéficier d'aménagements de poste. M. C... n'a pas retrouvé d'emploi et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2016, à l'âge de 66 ans. En appel, si M. C... fait valoir que le montant brut de sa retraite a été évalué à 166,56 euros brut mensuel et qu'il aurait pu percevoir 50 euros de plus par mois s'il avait travaillé davantage pour un total de 16 489 euros, il ne l'établit pas. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a versé à M. C..., à compter du 23 juin 2014, une rente d'accident du travail pour une incapacité permanente partielle de 30 %, dont 20 % ont pour objet de réparer les conséquences professionnelles de l'invalidité résultant de l'infection nosocomiale. Au cours de l'année 2010, dernière année complète d'activité, M. C... a perçu des revenus salariaux mensuels nets de 978 euros. La perte de revenus subie au titre de la période du 1er juin 2012, date de consolidation, au 1er janvier 2016, date de départ à la retraite, incidence professionnelle incluse, s'élève donc à la somme de 42 054 euros. Doit s'imputer sur ce montant la somme de 30 877,56 euros correspondant aux arrérages échus et à échoir de la part de la rente d'accident du travail dont l'objet est de réparer les conséquences professionnelles de l'invalidité résultant de l'infection nosocomiale, à savoir 20 %. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a fixé à 11 176,43 euros le montant de l'indemnité à verser à M. C... en réparation de son préjudice résultant de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.

12. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine est fondée à demander le remboursement des arrérages échus et à échoir de cette pension, laquelle peut se cumuler avec la pension de retraite conformément à l'article L. 434-6 du code de la sécurité sociale, à compter du 23 juin 2014, date du premier versement, à hauteur de 20 %, soit une somme globale de 30 877,56 euros sur un total versé de 46 316,35 euros. Toutefois, sauf accord sur le paiement d'un capital, les caisses de sécurité sociale ne peuvent prétendre au remboursement de leurs dépenses qu'au fur et à mesure de leur engagement, et des arrérages de rente versés qu'à compter de leurs échéances. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'ayant pas donné son accord, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la caisse avait droit au remboursement, d'une part, des arrérages échus de cette pension, versés entre le 23 juin 2014 et le 15 mars 2017, date du dernier relevé de débours, soit une somme de 4 988,71 euros, et, d'autre part, au fur et à mesure de leur échéance, des arrérages à échoir depuis cette dernière date et jusqu'à la fin du versement de la rente d'accident du travail à M. C....

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

13. M. C... sollicite la somme de 6 530 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire subi. Les experts ont relevé que M. C... avait subi, du fait des infections nosocomiales, une incapacité temporaire totale du 16 au 27 août 2011 puis du 9 décembre 2011 au 15 février 2012 et une incapacité temporaire partielle à 50 % du 28 août au 8 décembre 2011 puis du 16 février 2012 au 1er juin 2012. C'est par une juste appréciation que le tribunal a fixé la réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant du déficit fonctionnel temporaire total et partiel de M. C... en l'évaluant à la somme de 3 500 euros.

Quant aux souffrances endurées :

14. M. C... demande la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation. C'est par une juste appréciation que les souffrances endurées par le requérant, fixées à 3,5/7 par le rapport d'expertise judiciaire, ont été évaluées par le tribunal administratif à une somme de 5 000 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

15. M. C... sollicite la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, que M. C... ait subi un préjudice esthétique temporaire distinct du préjudice esthétique permanent et du déficit fonctionnel temporaire dont il sollicite par ailleurs l'indemnisation.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

16. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris demande que la somme allouée par le tribunal, qui correspond à la fourchette haute du référentiel de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux pour un homme de 70 ans atteint d'un déficit fonctionnel permanent entre 15 et 25 %, soit ramenée à 25 000 euros. Il résulte de l'instruction que M. C... reste atteint, du fait de la complication subie, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu'il était âgé de 62 ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 20 %. C'est par une juste appréciation que le tribunal a décidé de lui allouer la somme de 30 000 euros de ce chef.

Quant au préjudice d'agrément :

17. M. C... sollicite la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément. Toutefois et ainsi que le relève l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le préjudice d'agrément dont fait état le requérant à savoir l'impossibilité de pratiquer la randonnée et le vélo au moment de partir à la retraite, ne présente pas de caractère spécifique, s'agissant notamment de son retentissement sur sa vie sociale et ses relations familiales, par rapport au préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent réparé par le présent arrêt.

Quant au préjudice exceptionnel :

18. Si M. C... fait aussi état d'un préjudice exceptionnel résultant de l'impossibilité dans laquelle il se trouve désormais de pratiquer certains rites religieux, du fait de l'incapacité non contestée dans laquelle il se trouve de plier le genou gauche, pour accomplir des mouvements de prosternation ou de génuflexion, il justifie ainsi qu'il a été dit au point 16 d'un déficit fonctionnel permanent de 20 % en lien avec cette incapacité. Ce chef de préjudice est dès lors suffisamment réparé par l'indemnisation accordée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Quant au préjudice d'impréparation :

19. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

20. M. C..., qui n'invoque pas un préjudice résultant du fait qu'il n'a pas pu se préparer à l'éventualité d'une infection nosocomiale, se borne à demander l'indemnisation de la méconnaissance de son droit d'être informé des risques de l'intervention. Contrairement à ce qu'il soutient, la seule circonstance qu'il n'ait pas été informé des risques courus n'est pas par elle-même de nature à établir l'existence d'un préjudice lui ouvrant droit à réparation. Il n'est dès lors pas fondé à réclamer une indemnité à ce titre.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fixé l'indemnisation de son préjudice à la somme de 106 620,43 euros. En revanche, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine est bien fondée à soutenir que c'est à tort que ce tribunal a fixé l'indemnisation des dépenses de santé avant consolidation à la somme de 56 376,76 euros et à demander que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à lui verser une somme de 103 004,76 euros à ce titre ainsi que la somme de 903,75 euros au titre des dépenses de santé post-consolidation. Les conclusions à fin d'appel incident de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doivent dès lors être rejetées.

22. En application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il y a lieu de porter à 1 080 euros la somme de 1 055 euros que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a allouée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre des dépenses de santé est portée à 103 908,51 euros.

Article 2 : La somme de 1 055 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1080 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1504261 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera la somme de 2 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 17VE02072 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02072
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CABINET BLANDINE HEURTON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-22;17ve02072 ?
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