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08/04/2021 | FRANCE | N°20VE00508

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 avril 2021, 20VE00508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1907582 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1907582 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 janvier 2020 et le 29 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Lévy, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable le temps de cet examen.

M. B... soutient que :

- l'arrêté du 26 août 2019 a été pris en violation de ses droits de présenter des observations et de fournir des documents justifiant son entrée régulière en France et sa présence continue sur le territoire français depuis plus de 8 années ;

- cet arrêté est privé de base légale dans la mesure où l'arrêté précédent du 27 avril 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis ne lui a pas été notifié et qu'il avait présenté une demande de renouvellement de titre de séjour ;

- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 24 novembre 1990, de nationalité tunisienne, est entré régulièrement en France le 25 septembre 2011 afin d'y poursuivre ses études. Le titre de séjour qui lui a été délivré en qualité d'étudiant a été renouvelé à plusieurs reprises et est arrivé à expiration le 20 novembre 2017. L'intéressé a sollicité alors le renouvellement de son titre de séjour à la faveur d'un changement de statut pour séjourner en France en qualité de salarié. Par un arrêté du 27 avril 2018, le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par l'arrêté litigieux du 26 août 2019, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement n° 1907582 du 20 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2019 précité et à ce qu'il soit enjoint à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé par les forces de police sur la voie publique le 26 août 2019. Au cours de son audition au commissariat, l'intéressé, qui a fait l'objet de la précédente mesure d'éloignement mentionnée au point 1, a été mis en mesure de présenter des observations orales, de présenter les documents dont il était porteur et de se prévaloir de tous autres éléments avant l'adoption de l'arrêté litigieux du même jour qui lui a été remis en mains propres le jour même à 18:00. Il a à cet égard déclaré qu'il n'envisageait pas un retour au pays d'origine et qu'il ne se conformera pas à une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la violation du contradictoire et doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; /(...). ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 avril 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant notamment refus de séjour opposé à M. B... a été régulièrement notifié à celui-ci le 23 mai 2018, et non pas le 3 mai 2018 comme l'allègue l'appelant en se prévalant d'une attestation de La Poste qui n'est pas produite. Dès lors, le préfet des Hauts-de-Seine était fondé à prendre l'arrêté du 26 août 2019 pour le motif tiré de ce que l'intéressé s'était vu refuser le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions mentionnées au point 3 de l'article L. 511-1 (3°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'arrêté mentionne également, de façon erronée, la circonstance, énoncée au 4° de l'article L. 511-1 ci-dessus, que l'intéressé " n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ", il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif, fondé, tiré de l'existence d'une décision de refus de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. B... se prévaut de ce qu'il est entré régulièrement en France le 25 septembre 2011 afin d'y poursuivre des études, qu'il s'y est maintenu continûment sous couvert des titres de séjour successifs portant la mention " étudiant ", qu'il a sollicité un changement de statut à titre de " salarié " avant l'expiration du dernier titre de séjour le 20 novembre 2017, qu'il vit avec une compatriote qu'il a épousée le 19 octobre 2015 et qu'ils ont eu un garçon né le 30 juillet 2016 et scolarisé et une fille née le 6 mars 2019, qu'il a travaillé dans la restauration afin de subvenir aux besoins de son foyer, qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, qu'il est parfaitement francophone et intégré à la société française. Toutefois, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, pays d'origine commun à son épouse, ni de l'impossibilité de poursuivre dans ce pays sa vie personnelle, familiale et professionnelle et la scolarisation des enfants. Dès lors, compte tenu des conditions du séjour en France de l'intéressé, et dans la mesure où le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence, le préfet des Hauts-de-Seine en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français par décision du 26 août 2019, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. /(...). ".

8. Pour les motifs exposés au point 6, la décision du 26 août 2019 du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation faite à M. B... de quitter le territoire français n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'intéressé de ses deux enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Pour les motifs exposés aux points 6 et 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et suppression du délai de départ volontaire. A le supposer soulevé à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination, ce moyen doit être écarté dans la mesure où M. B... n'établit ni même n'allègue courir des risques de " torture " ou de " traitements inhumains ou dégradants " en cas de retour dans son pays d'origine, la Tunisie.

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). III.- L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /(...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. /(...). ".

12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. Il résulte de la décision distincte, contenue dans l'arrêté du 26 août 2019 du préfet des Hauts-de-Seine, prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans qu'elle mentionne la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 27 avril 2018. Cette décision, si elle ne précise pas que l'intéressé ne présentait aucune menace pour l'ordre public, comporte la motivation requise pas les dispositions spéciales du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnées au point 11.

15. Pour les motifs exposés aux points 6 et 8, la décision du 26 août 2019 du préfet des Hauts-de-Seine portant interdiction de retour sur le territoire français de M. B... pendant une durée de deux années ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas affectée d'erreur d'appréciation.

16. M. B... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre des décisions distinctes contestées des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, qui, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire est inopérant.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

2

N° 20VE00508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00508
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CABINET NGO JUNG et PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-08;20ve00508 ?
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