Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 11 juillet 2014 par laquelle l'inspecteur du travail du Val-d'Oise a autorisé son licenciement pour motif économique, et de mettre à la charge de l'État et de la société Mory-Ducros la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1408934 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2017, M. E..., représenté par Me A..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'inspecteur du travail du 11 juillet 2014 ;
3°) de condamner l'État et la société Mory-Ducros à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement ;
- ils ont estimé, à tort, que l'annulation de l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi n'emportait pas annulation de la décision d'autorisation de le licencier ;
Sur la décision en litige :
- la décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée s'agissant de la réalité de la suppression de son poste, des propositions de reclassement et de l'absence de mention relative au document unilatéral constituant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui fonde son licenciement ;
- elle est aussi dépourvue de base légale à la suite de l'annulation de l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ;
- l'inspectrice du travail a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en retenant le motif économique de licenciement, alors qu'il n'est pas établi que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive en tant que l'activité se poursuit avec les mêmes dirigeants et actionnaires et que les dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce ont été méconnues ;
- la décision est également entachée de méconnaissance du principe d'objectivité dans l'application des critères des licenciements " en retenant les 85 agences de l'entreprise prises isolément pour périmètre des critères d'ordre des licenciements, alors que leurs effectifs varient de 9 à 362 salariés " ;
- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, dès lors que les recherches de reclassement n'ont pas été personnalisées et sérieuses, qu'aucun poste équivalent en région parisienne ne lui a été proposé et que les postes équivalents qui lui ont été proposés sont basés à plus de 200 kilomètres ;
- la mesure de licenciement est en lien avec son mandat syndical et fait suite à son engagement syndical fort pendant la procédure devant le tribunal de commerce et à sa contestation de la cession de l'entreprise ;
- l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas le motif lié à l'intérêt général pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E... a été embauché, sous contrat à durée indéterminée, le 16 août 1999, par la société Mory-Ducros, dont l'objet social est le transport routier de fret interurbain, en qualité de conducteur de véhicule poids lourd affecté à l'établissement d'Alfortville. Par un jugement en date du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire contre la société Mory-Ducros et nommé Me C... et Me D... en qualité d'administrateurs judiciaires. Par un jugement en date du 6 février 2014, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de la société Mory-Ducros au profit de la société Arcole industries, aux droits desquels se substitue la société Mory Global et a aussi autorisé le licenciement, pour motif économique, des salariés de la société Mory-Ducros non repris par le cessionnaire, salariés dont M. E... faisait partie. Désigné délégué syndical par la CGT, représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société et délégué du personnel, il bénéficiait d'une protection contre le licenciement. Par une décision du 3 mars 2014, le directeur régional adjoint de l'unité territoriale du Val-d'Oise de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a procédé à l'homologation du document unilatéral élaboré par les mandataires liquidateurs, dans le cadre du licenciement collectif des salariés de la société Mory-Ducros. Toutefois, cette décision a été annulée par deux jugements n° 1404370 et 1404270 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rendus le 11 juillet 2014, confirmés par l'arrêt n° 14VE02579 de la cour administrative d'appel de Versailles du 22 octobre 2014 puis par une décision n° 386582, 386604, 386927 du Conseil d'État du 7 décembre 2015. Faute d'accord majoritaire entre les partenaires sociaux représentatifs sur le contenu de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) relatif au projet de licenciement collectif, les mandataires liquidateurs ont sollicité, le 28 mai 2014, l'autorisation de licencier M. E... pour motif économique auprès de l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale du Val-d'Oise. Par une décision du 11 juillet 2014, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. M. E... relève appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. E... soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement. Toutefois, il ressort de la lecture du jugement attaqué, notamment ses points 15. et 16., que le tribunal administratif y a répondu en droit et en fait puis l'a écarté. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, M. E... soutient que les premiers juges auraient estimé à tort que l'annulation de l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi n'emportait pas annulation de la décision d'autorisation de le licencier. Ce moyen relève toutefois du bien-fondé du jugement attaqué. Il doit dès lors être écarté pour ce motif.
Sur les conclusions en annulation de la décision du 11 juillet 2014 :
4. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. ". S'agissant des entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire, l'article L. 1233-58 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose : " (...) L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d'irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d'homologation (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code que l'accord d'entreprise ou, à défaut, la décision unilatérale de l'employeur qui fixe ce plan de sauvegarde de l'emploi doit être validé ou homologué par l'autorité administrative.
5. Lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan. L'annulation pour excès de pouvoir d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée. En revanche, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne saurait être utilement soulevé au soutien d'un recours dirigé contre une autorisation de licenciement d'un salarié protégé.
6. En l'espèce, par les jugements nos 1404370 et 1404270 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour un motif de légalité interne, la décision du 3 mars 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de 1'emploi d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral relatif au licenciement collectif de salariés de la société Mory-Ducros. Cette annulation, confirmée par un arrêt n° 14VE02579 de la cour administrative de Versailles du 22 octobre 2014, puis par la décision n° 386582, 386604, 386927 du Conseil d'État du 7 décembre 2015, est revêtue de l'autorité de la chose jugée. L'annulation pour excès de pouvoir de cette décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi du 3 mars 2014 pour un motif de fond, entraînait donc, par voie de conséquence, l'illégalité de l'autorisation de licenciement du 11 juillet 2014 concernant M. E... qui avait été accordée, par l'inspecteur du travail, à la suite de cette homologation, pour l'opération concernée. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse du 11 juillet 2014 de l'inspecteur du travail ne pouvait pas être légalement édictée dans les conditions de droit et fait susrappelées est fondé et doit être accueilli.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1408934 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Mory-Ducros la somme de 1 250 euros chacun à verser à M. E..., qui percevra ainsi à ce titre une somme globale de 2 500 euros. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Mory-Ducros demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1408934 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision de l'inspecteur du travail du 11 juillet 2014 portant autorisation de licencier M. E... sont annulés.
Article 2 : L'Etat et la société Mory-Ducros verseront, chacun, une somme de 1 250 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 17VE01511 2