Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 18 juin 2014 par laquelle le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye a rejeté sa demande préalable et de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à lui verser la somme de 3 490,94 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention de chirurgie dentaire dont elle a bénéficié le 16 juillet 2013.
Par un jugement n° 1408372 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme C... la somme de 2 743,66 euros, mis les dépens à la charge du centre hospitalier et rejeté le surplus des conclusions de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 avril 2018 et 12 août 2020, Mme C..., représentée par Me Rebière-Lahtoud, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1° d'annuler le jugement n° 1408372 du 13 février 2018 du tribunal administratif de Versailles ;
2° d'annuler la décision du 18 juin 2014 par laquelle le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye a rejeté sa demande préalable ;
3° de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à lui verser la somme de 5 230 euros, ou à titre subsidiaire la somme de 4 113, 66 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention de chirurgie dentaire en date du 16 juillet 2013 ;
4° de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5° de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye aux dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier est engagée à raison d'une prise en charge fautive car déficiente ;
- le centre hospitalier doit être condamné à l'indemniser des préjudices nés pour elle des fautes commises.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 juillet 2013, Mme C... a été prise en charge au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour une intervention de chirurgie dentaire consistant en la pose d'implants dentaires sur la deuxième prémolaire droite (15) et la première molaire droite (16). Le 5 novembre 2013, elle était revue par le praticien ayant réalisé l'opération pour le remplacement des vis de couverture des implants par des vis de cicatrisation. A cette occasion, Mme C... a ressenti une vive douleur au niveau de l'implant de la zone 16. Après examens complémentaires, l'extraction de cet implant a été jugée nécessaire et a été pratiquée le 2 décembre 2013. Le 16 décembre 2013, Mme C... a adressé une demande préalable au centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la faute commise dans sa prise en charge relative à la pose des deux implants. Le centre hospitalier de Poissy Saint-Germain-en-Laye a rejeté cette demande par une décision en date du 18 juin 2014. Le 26 juillet 2014, Mme C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) en vue d'une conciliation. Par un avis du 25 septembre 2014, la CCI a constaté l'extinction de la procédure en conséquence du refus du centre hospitalier d'y participer. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint Germain-en-Laye. Par un jugement n° 1408372 en date du 13 février 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme C... la somme de 2 743,66 euros, mis les dépens à la charge du centre hospitalier et rejeté le surplus des conclusions de Mme C.... Mme C... relève appel de ce jugement et sollicite le relèvement des sommes accordées par le tribunal administratif. Le centre hospitalier présente un appel incident au terme duquel il conteste le principe même de sa responsabilité.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par le centre hospitalier en appel :
2. Aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique et après audition du rapporteur public : ...7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ". Ce montant est fixé à 10 000 euros par l'article R. 222-14 du même code. Les actions indemnitaires dont les conclusions n'ont pas donné lieu à une évaluation chiffrée dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif ne peuvent ainsi être regardées comme tendant au versement d'une somme supérieure à 10 000 euros et entrent dans le champ des dispositions du 7° de l'article R. 222-13 et du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Ces dispositions ne sauraient, toutefois, trouver application quand le requérant, dans sa requête introductive d'instance, a expressément demandé qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer l'étendue de son préjudice ou a expressément mentionné une demande d'expertise présentée par ailleurs, en se réservant de fixer le montant de sa demande au vu du rapport de l'expert. Le jugement rendu sur une telle requête, qui doit l'être par une formation collégiale, est susceptible d'appel quel que soit le montant de la provision que le demandeur a, le cas échéant, sollicitée dans sa requête introductive d'instance comme celui de l'indemnité qu'il a chiffrée à l'issue de l'expertise.
3. Il résulte de l'instruction que Mme C... a présenté, le 24 novembre 2014, sans l'assistance d'un conseil, un courrier manuscrit dans laquelle elle indiquait se plaindre des fautes commises, lors de sa prise en charge, par le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye indiquait qu'elle entendait demander le remboursement de l'un des implants mal positionnés et des frais qui seraient engagés pour y remédier et demandait à connaître la marche à suivre, notamment s'interrogeait sur la nécessité d'avoir recours aux services d'un conseil. Ce courrier a été suivi de la présentation d'un mémoire, le 20 mars 2015, produit par les soins d'un conseil, lequel a rappelé que Mme C... avait présenté un référé expertise afin de pouvoir chiffrer l'étendue de ses préjudices et a indiqué réserver, dans l'attente du dépôt de ce rapport, le chiffrage des conclusions. Dans ces circonstances, le jugement rendu sur la demande ainsi présentée par Mme C... doit être regardée comme susceptible d'appel. L'exception d'incompétence soulevée par le centre hospitalier en défense doit, dès lors, être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 juin 2014 :
4. Si Mme C... reprend en appel ses conclusions à fin d'annulation de la décision préalable du 18 juin 2014 du centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye, ainsi que les premiers juges l'ont jugé au point 2 de leur jugement, cette décision ayant pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de plein contentieux de Mme C..., les vices propres dont elle serait, le cas échéant, entachée sont sans incidence sur la solution du litige. Les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
6. Mme C... recherche la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à raison des fautes commises dans la pose des deux implants dentaires le 16 juillet 2013 et dans la prise en charge des complications liées à cette pose défectueuse.
7. Il résulte de l'instruction que l'indication thérapeutique à la pose des deux implants en zones 15 et 16 ainsi que la proposition d'une greffe sinusienne droite étaient justifiés et correspondaient aux données de la science. De même, s'agissant de l'implant de la zone 15, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le rapport d'expertise rédigé par le Docteur Guillaume indique que la mise en place d'un implant sur ce site était justifiée dans le cas de Mme C... et qu'à l'issue d'un délai de 4 à 5 mois, cet implant était " correct, à une hauteur et à une distance suffisante par rapport à la 14 " et qu'il n'y avait alors " pas lieu de le retirer ". L'expert conclut : " La prothèse peut être faite raisonnablement sur cet implant. ". Pour contredire ces affirmations, Mme C... produit en cause d'appel un certificat rédigé le 30 novembre 2016 par le Docteur Zenou qui fait état d'une ostéo intégration de l'implant avec toutefois une disparition de l'os en V de l'implant, une note rédigée en 2017 par le Docteur Tordjman évoquant également une perte osseuse en vestibulaire de l'implant n°15 et la nécessité de retirer cet implant à la durée de vie limitée compte tenu de la perte osseuse, ainsi qu'un certificat médical établi le 20 mars 2018 par le Docteur Peuch-Lestrade qui constate également cette perte osseuse. Toutefois, ces documents ne permettent pas d'imputer cette perte osseuse au mauvais positionnement initial de l'implant et donc à une faute commise dans l'accomplissement du geste médical le 16 juillet 2013. S'agissant de l'implant sur le site n°16 en revanche, le rapport d'expertise relève une hauteur d'os résiduelle de 6mm, trop courte pour la mise en place immédiate d'un implant même de faible longueur sans avoir recours à une greffe osseuse sinusienne permettant d'augmenter la hauteur d'ancrage implantaire. Le rapport relève également qu'un implant de 10mm a été posé sur ce site nonobstant l'insuffisance évidente de tissu osseux pour sa tenue et en l'absence de comblement osseux effectué de sorte que, s'agissant au demeurant d'un implant de gros calibre, la moitié de l'implant était " dans le vide " et donc source de problématiques parodontales et osseuses à court et moyen terme. Le rapport poursuit en s'interrogeant sur la nature " exacte de la greffe qui a été réalisée ainsi que sur les matériaux utilisés ". Il relève que la fiche de suivi indique qu'a été utilisé un biomatériau constitué de céramique synthétique de volume 0,8cc qui ne peut être, dans ce type de volume, en aucune manière suffisant à un éventuel comblement sinusien et n'a pu constituer en l'espèce qu'une technique de comblement totalement inefficace. Le rapport conclut donc à une pose de l'implant non conforme aux données acquises de la science en raison de l'absence de greffe sinusienne. Mme C... est donc fondée à soutenir que cette faute médicale commise à l'occasion de la pause de l'implant sur le site n°16 est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye à son égard.
8. Si Mme C... se prévaut également d'une faute du centre hospitalier dans la prise en charge dont elle a bénéficié alors que l'implant en site n°16 s'avérait défectueux car positionné en méconnaissance des données acquises de la science, il résulte des termes du rapport d'expertise que la requérante n'a pas eu de gêne particulière dans les mois de juillet, août et septembre 2013 hormis un épisode douloureux post opératoire immédiat qui peut être considéré comme acceptable dans ce type de chirurgie. Si, au mois d'octobre 2013, la douleur apparue lors de la manipulation de la vis de cicatrisation aurait dû faire suspecter un défaut d'implantation dans l'os et qu'une exploration plus importante aurait alors dû être menée pour vérifier la bonne tenue de l'implant, ce défaut de prise en charge immédiate de la complication n'a été à l'origine d'aucune conséquence pour Mme C..., notamment d'aucun abcès ou infection osseuse. Par suite, en raison de l'absence de préjudice imputable à cette faute, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier se trouverait engagée à son égard en conséquence de celle-ci.
Sur le quantum des préjudices indemnisables :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt que la responsabilité du centre hospitalier est engagée à l'égard de Mme C... à raison de la seule pose de l'implant en site n°16. Mme C... n'est donc pas fondée à demander l'indemnisation des sommes exposées en conséquence de la reprise de l'implant n°15. En revanche, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier à rembourser à la requérante les frais relatifs à la pose de l'implant dentaire situé sur le site n°16 réalisée 16 juillet 2013, dont le montant s'élève à 750 euros, les frais liés à la greffe osseuse-sinus lift d'un montant de 750 euros, le pilier de cicatrisation d'un montant de 120 euros ainsi que la somme de 123,66 euros correspondant au scanner dentaire réalisé le 24 juin 2013 dans le cadre du bilan pré-implantaire dont la requérante justifie s'être acquittée contrairement aux affirmations du centre hospitalier.
10. En deuxième lieu, Mme C... n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes exposées à l'occasion de la pose de nouveaux implants dentaires sur les sites n°15 et 16, dès lors que, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier, le retrait de l'implant n°16 a conduit à un retour à l'état initial de la patiente et que cette dernière ne se prévaut d'aucun surcoût lié à l'échec du premier implant sur ce site.
11. En dernier lieu, les premiers juges n'ont pas inexactement évalué le préjudice de souffrances endurées, estimé à 1/7 par l'expert, subi par Mme C..., en lui allouant à ce titre une somme de 1 000 euros.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Versailles aurait fait une inexacte appréciation des préjudices qu'elle a subis en conséquence de la faute médicale commise le 16 juillet 2013 en lui allouant la somme de la somme totale de 2 743,66 euros. Ses conclusions tendant au relèvement de cette indemnité doivent dès lors être rejetées, de même que les conclusions d'appel incident du centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye.
Sur les dépens :
13. Les premiers juges ont, au point 18 de leur jugement, mis les frais de l'expertise diligentée par le tribunal à la charge définitive du centre hospitalier qui ne conteste pas le jugement sur ce point. Les conclusions d'appel de Mme C... portant sur les dépens doivent dès lors être regardées comme dépourvues d'objet.
Sur les frais liés au litige :
14. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la requérante doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en- Laye sont rejetées.
N°18VE01251 2