Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Robin Marieton a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser la somme de 47 518 euros, majorée des intérêts de droit à compter de la date de sa demande préalable indemnitaire, ainsi que la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 février 2015, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi et résultant de la non réalisation de la quantité minimale de commandes prévue par un marché à bons de commande relatif à la fourniture de couvertures en laine chlorofibre.
Par un jugement n° 1504695 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Robin Marieton la somme de 11 216,72 euros (onze mille deux cent seize euros), assortie des intérêts moratoires à compter du 3 juillet 2015, capitalisés à la date du 3 juillet 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 5 décembre 2018 et le 23 juin 2020, la société Robin Marieton, représentée par Me Borel, avocat, demande à la cour :
1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 40 127,72 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 3 juillet 2015, eux-mêmes capitalisés, au titre de l'indemnisation de son préjudice ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Robin Marieton soutient que :
- le tribunal a justement relevé que sa perte de marge bénéficiaire s'élevait à
11 216,72 euros ;
- elle établit la réalité de dépenses inutilement engagées pour satisfaire à ses obligations contractuelles minimales ; la commande a imposé un fil particulier, par sa composition et sa couleur qu'elle a dû faire réaliser par une filature fournisseuse (fil laine-chlorofibre whisky) ; la confection de chaque couverture nécessite une trame en laine chlorofibre d'un poids de 2,379 kilos ; elle conserve un stock inutilisable 4 454 kilos de ce fil, d'une valeur de 28 105 euros à raison de 6,31 euros le kilo ; les 56 palettes, 560 cartons et 1 250 feuilles kraft sont également spécifiques car ils ont été commandés pour emballer les couvertures au regard de leurs dimensions fixées dans les documents contractuels ; ce stock n'est pas réemployable.
-----------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 80-809 du 14 octobre 1980 ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Ablard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Robin Marieton a conclu le 18 décembre 2007 avec le ministère de la défense un marché à bons de commande pour la fourniture de couvertures en laine-chlorofibre whisky 180x240 pour un prix minimum de 556 400 euros HT (21 400 unités à 26 euros HT pièce) et maximum de 2 225 600 euros (85 600 unités à 26 euros HT pièce). L'avenant n° 1 du 1er juin 2011 a ramené la quantité minimale d'unités commandées de 21 400 à 18 190 et fixé par conséquent le montant minimal du marché à 472 940 euros HT. L'avenant n° 2 a porté la durée du marché de 4 ans à 4 ans et 6 mois. Il est constant qu'à l'issue de l'exécution du marché, le ministère n'a pas commandé le montant minimum d'unités prévu par le marché. La société Robin Marieton a saisi le ministère, puis le tribunal administratif d'une demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices tenant d'une part à la perte de marge sur les unités non commandées et d'autre part aux dépenses inutilement engagées. Par le jugement du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Robin Marieton la somme de 11 216,72 euros correspondant à l'indemnisation de la perte de sa marge bénéficiaire et a rejeté le surplus de la demande. La société Robin Marieton relève appel de ce jugement seulement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées au titre des dépenses inutilement engagées pour satisfaire à ses obligations contractuelles minimales.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. L'inclusion dans un contrat d'une quantité minimale de commandes oblige l'administration à indemniser le titulaire du contrat du préjudice éventuellement subi lorsque le montant minimum ainsi spécifié n'est pas commandé. L'inclusion d'une telle clause ne donne, en revanche, pas nécessairement à son cocontractant un droit à la rémunération correspondante, mais à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l'administration de ses engagements, correspondant à sa perte de marge bénéficiaire, et, le cas échéant aux dépenses qu'il aurait engagées pour pouvoir satisfaire à ses obligations contractuelles minimales.
3. La société Robin Marieton soutient que, dans le cadre de la fabrication des couvertures conformément au cahier des charges du marché, elle a acquis un fil laine-chlorofibre dont la spécificité et la teinte particulière font obstacle à sa réutilisation dans le cadre d'autres marchés et même à sa revente et qu'elle conserve ainsi en stock 4 454 kilos de ce fil d'une valeur totale de 28 105 euros correspondant à la moitié de la matière première nécessaire à la fabrication du solde de la commande minimale. Si le ministre conteste que ce fil ne puisse être réemployé dans d'autres cadres commerciaux, la société requérante qui, au demeurant, reconnaît qu'elle a pu réutiliser les autres matériaux de fabrication des couvertures, produit, pour la première fois en appel, deux attestations concernant l'impossibilité de réemployer ce fil. D'une part, M. A..., expert textile, indique dans son avis technique portant sur l'appréciation vénale d'une marchandise textile que " l'identification coloristique très visuelle de la marchandise est l'obstacle majeur dans la recherche favorable de réseaux susceptibles de prendre en charge la commercialisation de cette marchandise " et précise que les particularités techniques du fil laine-chlorofibre teint en coloris " whisky " empêchent toute re-teinture ou sur-teinture sans dégradation des matières textiles. D'autre part, la société Robin Marieton produit un courrier émanant du directeur de la filature ayant produit ce fil qui lui indique refuser de reprendre le fil, même avec une décote importante " car sa composition 80% laine et 20% chlorofibre et son coloris whisky font que ce produit est vraiment très spécifique et inutilisable pour quelque autre client ". Dans ces conditions, la société Robin Marieton établit que ces 4 454 kilos de fil laine-chlorofibre teinte whisky acquis en vue de l'accomplissement de ses obligations contractuelles minimales ne sont pas réutilisables et qu'elle est donc fondée à en obtenir l'indemnisation à hauteur de la somme non contestée de 28 105 euros. En revanche, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les palettes, cartons et feuilles kraft acquis pour l'emballage des couvertures présenteraient des spécificités telles qu'ils ne pourraient être réutilisés et constitueraient par suite des pertes non récupérables.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Robin Marieton est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives au préjudice résultant des dépenses qu'elle a engagées pour pouvoir satisfaire à ses obligations contractuelles minimales à concurrence de la somme de 28 105 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Robin Marieton et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 11 216,72 euros que l'Etat a été condamné à verser à la société Robin Marieton par le jugement n° 1504695 du 4 octobre 2018 est portée à 39 321,72 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1504695 du 4 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Robin Marieton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Robin Marieton est rejeté.
2
N° 18VE04041