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02/03/2021 | FRANCE | N°18VE03146

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 02 mars 2021, 18VE03146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Odyssey Reinsurance Company a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger de la retenue à la source payée en 2012 au titre de l'année 2011 pour un montant de 2 457 326 euros assorti des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1706082 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, la société Odyssey Reinsurance Company, représentée par Me I

ppolito, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Odyssey Reinsurance Company a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger de la retenue à la source payée en 2012 au titre de l'année 2011 pour un montant de 2 457 326 euros assorti des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1706082 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, la société Odyssey Reinsurance Company, représentée par Me Ippolito, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de la retenue à la source payée en 2012 au titre de l'année 2011 pour un montant de 2 457 326 euros et d'ordonner le remboursement de cette somme assortie des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3° de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle avait élu domicile chez son mandataire et que le service n'en a pas tenu compte ;

- l'article 115 quinquies du code général des impôts limite le champ d'application de la retenue à la source initiale aux seuls bénéfices réalisés au titre d'un exercice donné et la nouvelle liquidation de la retenue à la source en application du 2 de cet article ne peut viser que la distribution effective par la société étrangère des bénéfices afférents à ce même exercice ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il apprécie le montant des distributions effectives au cours d'une période de référence de douze mois suivant la clôture de l'exercice 2011 alors que seul le I de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts prévoit de prendre en compte la période de douze mois suivant la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source quel que soit l'exercice auquel les distributions se rapportent et que la période à considérer pour examiner si des profits ont été distribués est celle de l'exercice social au cours duquel les profits ont été réalisés en France ;

- les dispositions du I de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts sont illégales en ce qu'elles ajoutent à la loi en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution ; en effet, en se référant à l'article 109 du code général des impôts, et en admettant de prendre en compte les distributions quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent, elles étendent le champ d'application de l'article 115 quinquies du même code aux distributions qui portent sur des sommes autres que les bénéfices de l'exercice précédent au cours duquel la retenue à la source a été appliquée ;

- elle remplit les conditions posées par le 2 de l'article 115 quinquies du code général des impôts permettant une révision de la liquidation provisoire de la retenue à la source, dès lors qu'elle a enregistré une perte comptable au titre de l'exercice clos en 2011 et que les bénéfices de la succursale française ont été absorbés par cette perte et n'ont donc pu faire l'objet d'une quelconque distribution.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La succursale française de la société de droit américain Odyssey Reinsurance Company a réalisé un bénéfice après impôt de 49 146 525 euros au titre de l'exercice clos en 2011. Conformément aux dispositions du 1 de l'article 115 quinquies du code général des impôts et du a) de l'article 10.8 de la convention fiscale franco-américaine, ce résultat après impôt, réputé distribué aux actionnaires de la société américaine, a fait l'objet d'une retenue à la source au taux de 5 % pour un montant de 2 457 326 euros. Par réclamation du 29 mars 2013, la société Odyssey Reinsurance Company a sollicité une nouvelle liquidation de la retenue à la source réglée au titre de l'exercice clos en 2011, sur le fondement du 2 de l'article 115 quinquies du code général des impôts en invoquant l'absence de distribution effective du bénéfice de sa succursale française, dans la mesure où la société a enregistré au niveau global une perte comptable au titre du même exercice. L'administration a rejeté cette demande le 9 mars 2017 au motif que l'entité américaine avait procédé en 2012 à deux distributions effectives de dividendes de 100 000 000 de dollars américains chacune, soit un montant total supérieur au bénéfice après impôt réalisé par la succursale française. Par la requête susvisée, la société Odyssey Reinsurance Company fait appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source de 2 457 326 euros payée au titre de l'exercice clos en 2011.

2. Aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. (...) /

2. Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de l'article 119 bis 2 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. / L'excédent de perception lui est restitué. (...) ". Le 2° de l'article 119 bis du même code, dans sa version applicable, dispose : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ou lorsqu'ils sont payés hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) ". Aux termes de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - La société peut demander que la retenue à la source acquittée dans les conditions définies à l'article 379 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation sur la base de ses distributions effectives. / Les distributions à retenir pour l'application de cette disposition s'entendent des distributions au sens des articles 109 et suivants du code général des impôts qui ont été effectuées au cours de la période de douze mois qui suit la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source, quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent. (...) ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ".

4. Pour soutenir que le I de l'article 380 de l'annexe II du code général des impôts ajoute au texte de l'article 115 quinquies du même code, dès lors qu'il étend le champ d'application de la retenue à la source à des distributions portant sur des sommes autres que les bénéfices réalisés au cours de l'exercice auquel la retenue à la source a été initialement appliquée, la société Odyssey Reinsurance Company indique que seules les distributions effectives se rattachant à l'exercice d'application de la retenue à la source, lesquelles n'incluent pas les dividendes des années antérieures prélevés sur des réverses, peuvent être prises en compte.

5. Toutefois, s'il ressort des termes mêmes du 1 de l'article 115 quinquies du code général des impôts que, si le calcul de la retenue à la source exigible a pour base les bénéfices réputés distribués " au titre de chaque exercice ", lesquels s'entendent du montant total des résultats après déduction de l'impôt sur les sociétés, le 2 du même article, qui prévoit la possibilité de demander une nouvelle liquidation, se réfère aux distributions effectives, assiette distincte. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, les deux premiers alinéas de l'article 115 quinquies ne prévoient pas une assiette de liquidation de retenue à la source qui est identique.

6. En outre, d'une part, au titre des distributions effectives peuvent figurer, notamment, les réserves, lesquelles sont nécessairement constituées au titre d'exercices antérieurs. D'autre part, la distribution de bénéfices intervient nécessairement dans les douze mois suivant la clôture des résultats. Dans ces conditions, en renvoyant à l'article 109 du code général des impôts et en indiquant que les distributions prises en compte pour la mise en oeuvre du 2 de l'article

115 quinquies du code général des impôts, étaient celles réalisées au cours des douze mois suivant la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source, quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent, le I de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts n'a fait qu'expliciter les modalités selon lesquelles la nouvelle liquidation de la retenue à la source doit, le cas échéant, être mise en oeuvre. Dès lors qu'il n'a ni pour objet ni pour effet de modifier l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de la retenue à la source calculée dans le cadre d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source dont l'assiette demeure celle définie par les dispositions précitées du 2 de l'article 115 quinquies du code général des impôts, le moyen tiré de ce que le I de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts serait intervenu dans le domaine de compétence réservé au législateur par la Constitution doit être écarté.

7. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du 2 de l'article 115 quinquies du code général des impôts, que le bénéfice d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source sur la base des distributions effectives ne peut être accordé par l'administration que si le montant total des distributions effectives auxquelles la société étrangère a procédé au cours de la période de référence est inférieur au montant des bénéfices réalisés en France et retenus pour le calcul de cette retenue et qui, réputés distribués en totalité, constituent la base provisoire de cette dernière. Ces dispositions n'impliquent pas que, pour déterminer si le contribuable doit bénéficier d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source, l'administration prenne en compte les pertes comptables enregistrées par la société au niveau mondial, lesquelles sont sans incidence sur l'existence au plan fiscal de distributions effectives de bénéfices réalisés en France au cours de la période de référence, telle que cette dernière est définie au I de l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts.

8. Il résulte de l'instruction qu'alors même que la société Odyssey Reinsurance Company établit avoir enregistré au plan comptable une perte globale au niveau mondial d'un montant de 40 252 079 dollars américains au titre de son exercice clos au 31 décembre 2011, il est constant qu'au cours de l'année 2012, elle a procédé à deux distributions de réserves de 100 000 000 dollars américains chacune. Il découle de ce qui a été dit aux points 5. et 6. que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 115 quinquies du code général des impôts que, pour vérifier le droit de la société Odyssey Reinsurance Company à une nouvelle liquidation de cette taxe, l'administration a tenu compte des distributions intervenues dans l'année suivant l'exercice auquel se rapporte la retenue à la source en litige, alors même que ces distributions ne résultaient pas des bénéfices réalisés par la succursale française au cours de l'exercice de référence mais auraient pour origine des réserves constituées au titre d'exercices antérieurs à celui clos en 2011.

9. Dans ces conditions, dès lors que les distributions effectives auxquelles la société Odyssey Reinsurance Company a procédé au cours de la période de douze mois qui a suivi la clôture de l'exercice ont été supérieures aux bénéfices réalisés et réputés distribués au cours de l'exercice, la société requérante n'était pas en droit de bénéficier d'une nouvelle liquidation de la retenue à la source à laquelle sa succursale française avait été assujettie en 2012 au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2011.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de

non-recevoir opposée en défense, que la société Odyssey Reinsurance Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et, en tout état de cause, R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Odyssey Reinsurance Company est rejetée.

4

N° 18VE03146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03146
Date de la décision : 02/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET WHITE et CASE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-02;18ve03146 ?
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