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25/02/2021 | FRANCE | N°19VE01607

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 février 2021, 19VE01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 10 novembre 2017 par laquelle le ministre en charge du travail a, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique relative à la décision de l'inspecteur du travail du 8 février 2017, annulé cette décision et autorisé son licenciement, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du

30 janvier 2018 et en application des articles R. 351-3 et R. 312-10 du code de ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 10 novembre 2017 par laquelle le ministre en charge du travail a, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique relative à la décision de l'inspecteur du travail du 8 février 2017, annulé cette décision et autorisé son licenciement, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 30 janvier 2018 et en application des articles R. 351-3 et R. 312-10 du code de justice administrative, la présidente du tribunal administratif de Versailles a transmis la requête de M. A... C... au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1800968 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et l'a condamné à verser à la société LP Art une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2019, M. C..., représenté par Me Tulle, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler, pour excès de pouvoir, ce jugement et la décision du 10 novembre 2017 du ministre en charge du travail ;

2° d'ordonner sa réintégration avec toutes conséquences de droit ;

3° de condamner la société LP Art à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le retrait de ses habilitations rendait impossible l'exécution de son contrat de travail et, qu'aucune obligation de reclassement ne pesait sur son employeur ;

- la ministre en charge du travail n'a pas répondu à tous ses arguments en défense, dans le cadre du recours hiérarchique de la société LP Art ;

- la ministre en charge du travail, qui s'est bornée à une phrase générique, ne s'est pas prononcée expressément dans la décision litigieuse, sur l'existence d'un lien entre son mandat et le licenciement ;

- la ministre en charge du travail a insuffisamment motivé sa décision ;

- la décision est entachée d'erreurs de droit et d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 6342-2 et L. 6342-3 du code des transports.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des transports ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me B..., pour la société LP Art.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a été embauché le 21 novembre 2007 par la société LP Art dont l'objet social est le transport d'oeuvres d'art, en tant que chauffeur et installateur d'oeuvres d'art. En date du 9 septembre 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a informé la société LP Art de sa décision de retrait des habilitations de M. C... pour l'accès en zones de sûreté aéroportuaire à accès réglementé et d'accès aux sites sécurisés situés en dehors de la zone à accès réglementé, pour infraction grave aux règles de sécurité et sûreté le 15 mai 2016, l'intéressé ayant utilisé son badge pour un usage autre que professionnel. M. C... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 24 octobre 2016. Le 25 novembre 2016, le comité d'entreprise, réuni en session extraordinaire, a rendu un avis défavorable au licenciement. Le 7 décembre 2016, la société LP Art a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. C... mais, par une décision du 8 février 2017, l'inspectrice du travail a refusé cette autorisation. Le 9 mars 2017, la société a formé un recours hiérarchique. Une décision implicite de rejet est ainsi née le 15 juillet 2017 mais, par une décision du 10 novembre 2017, la ministre en charge du travail a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 8 février 2017 et a autorisé le licenciement de M. C.... Par un jugement n° 1800968 en date du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2017. M. C... en relève appel.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. M. C... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, le moyen tiré de ce que la décision de la ministre en charge du travail du 10 novembre 2017 serait entachée d'un défaut de motivation. Toutefois, d'une part, s'il appartenait à la ministre, qui avait à apprécier si la faute reprochée au requérant était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il était investi, de motiver sur ce point sa décision, elle n'était pas tenue de mentionner préalablement les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir retenir le motif sur lequel s'était fondé l'inspecteur du travail, d'autre part, la décision litigieuse vise les éléments de droit et de fait nécessaires, permettant ainsi tant à l'intéressé d'en comprendre les fondements et par suite, de présenter un recours qu'au juge de vérifier que la ministre a bien exercé les contrôles auxquels elle devait procéder. Par suite, cette décision est suffisamment motivée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ne reprendrait pas l'ensemble des arguments développés ni ne se réfèrerait à des pièces présentées par le requérant. Ainsi, il convient d'écarter ce moyen, qui manque en fait.

4. En second lieu, M. C... reprend en appel, le moyen tiré du vice de procédure en tant que la ministre en charge du travail n'aurait pas répondu à l'ensemble de ses arguments présentés en défense, par courrier du 28 septembre 2017, à l'occasion du recours hiérarchique formé par la société LP Art. En appel, il ajoute qu'il avait présenté quatre arguments relatifs à l'absence d'obligation de disposer d'habilitation pour occuper le poste d'installateur conducteur PL, à une mention figurant dans l'avis du 25 novembre 2016 du comité d'entreprise selon laquelle " des centaines de personnes non habilitées pénètrent chaque jour dans la zone à accès réglementé ", à l'existence de postes disponibles ne nécessitant pas d'habilitation et compatibles avec ses capacités et enfin, à une discrimination dont il dit être victime depuis plusieurs années. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition que la ministre en charge du travail serait tenue de répondre à l'ensemble de ses arguments. Au surplus et en tout état de cause, il ressort de l'examen de la décision ministérielle du 10 novembre 2017 qu'elle mentionne " Vu les observations écrites présentées en réponse par monsieur C... par courrier du 28 septembre 2017 " et doit dès lors être regardée comme ayant pris en compte l'ensemble des arguments dans ce courrier. Par suite, il convient d'écarter ce moyen.

Sur la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6342-2 du code des transports : " L'accès à la zone côté piste de l'aérodrome et la circulation dans cette zone sont soumis à autorisation. ". Et selon l'article L. 6342-3 du même code : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret, aux colis postaux ou au courrier postal, sécurisés par un agent habilité ou ayant fait l'objet de contrôles de sûreté par un chargeur connu et identifiés comme devant être acheminés par voie aérienne, doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente. ". Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par la circonstance que le salarié ne remplit pas les conditions légalement exigées pour l'exercice de l'emploi pour lequel il a été embauché, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la demande d'autorisation de licencier est sans lien avec les mandats détenus et que le motif avancé est établi et justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. M. C... soutient que la ministre en charge du travail aurait méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'elle ne se serait pas expressément prononcée sur l'existence d'une discrimination à son égard, constituée selon lui par un lien entre son mandat et son licenciement, la décision en litige se bornant à indiquer qu' " il n'y a pas de lien entre la demande d'autorisation de licenciement, fondée sur l'impossibilité avérée de maintenir dans ses fonctions M. C..., et le mandat exercé par M. C... (...) ". Toutefois, la circonstance que la ministre n'aurait pas répondu dans sa décision à tous les arguments présentés par M. C... au soutien de la discrimination invoquée, n'est pas nature à établir que la ministre n'aurait pas contrôlé le lien avec le mandat et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Dès lors, le moyen susanalysé doit être écarté.

7. En deuxième lieu, M. C... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, le moyen tiré de ce que le retrait de ses habilitations d'accès en zones de sûreté aéroportuaire à accès réglementé et d'accès aux sites sécurisés situés en dehors de la zone à accès réglementé, ne rendait pas impossible l'exécution de son contrat de travail et de ses fonctions d'installateur-conducteur PL. S'il est exact que le contrat de travail de l'intéressé ne stipule pas l'obligation de posséder une telle habilitation, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... était préposé au transport et à l'installation d'oeuvres d'art, activité impliquant des déplacements physiques, par la conduite d'un poids lourd, entre la plateforme aéroportuaire et les lieux de stockage de la société permettant la préparation des oeuvres d'art avant leur envoi, ce qui nécessitait la détention des habilitations préfectorales susdécrites, la société LP Art étant soumise aux dispositions précitées des articles L. 6342-2 et L. 6342-3 du code des transports. Et si l'inspectrice du travail, dans la décision de rejet qui a été annulée par la ministre, avait relevé que neuf des soixante-trois employés de la société LP Art disposent d'une ou plusieurs habilitations et en avait conclu que l'activité principale de la société n'en nécessitait pas, M. C... ne conteste toutefois pas qu'il était lui-même au nombre de ces neuf salariés et que ses fonctions nécessitaient ces deux habilitations. Dès lors, le retrait des deux habilitations de l'intéressé rendait impossible l'exécution de son contrat de travail car il ne pouvait plus accéder, ni aux zones aéroportuaires, ni aux entrepôts de stockage. M. C... ne peut donc pas soutenir sérieusement qu'il lui aurait été possible de continuer à exercer ses fonctions, telles que décrites ci-dessus, après le retrait de ses habilitations. Il suit de là que le motif avancé est établi et justifie le licenciement et que le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

8. Enfin, M. C... soutient en appel, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune obligation de reclassement ne pesait sur son employeur. Toutefois, il ne résulte d'aucune disposition légale qu'une telle obligation pèserait sur l'employeur dans le cadre d'un licenciement pour motif personnel fondé sur un retrait d'habilitation d'accès à une zone aéroportuaire. Dès lors, le moyen doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre en charge du travail du 10 novembre 2017 par laquelle elle a retiré sa décision implicite de rejet née le 15 juillet 2017, a annulé la décision du 8 février 2017 de l'inspectrice du travail et autorisé son licenciement. Le surplus de ses conclusions doit être également rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. La société LP Art n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... une somme à verser à la société LP Art au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société LP Art est rejeté.

N° 19VE01607 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01607
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Comportement du salarié en dehors du travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme ORIO
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : TULLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-25;19ve01607 ?
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