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04/02/2021 | FRANCE | N°19VE00604-20VE00243

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 04 février 2021, 19VE00604-20VE00243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de la secrétaire générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) du 17 juillet 2017 refusant de renouveler son contrat à durée déterminée, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 21 août 2017, d'enjoindre au directeur général de FranceAgrimer de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous a

streinte de 500 euros par jour de retard, de condamner FranceAgrimer à lui vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de la secrétaire générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) du 17 juillet 2017 refusant de renouveler son contrat à durée déterminée, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 21 août 2017, d'enjoindre au directeur général de FranceAgrimer de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner FranceAgrimer à lui verser la somme de 503 euros par mois à compter du 1er novembre 2017, au titre du préjudice de perte de rémunération jusqu'à la décision prise sur le réexamen de la demande de renouvellement de son contrat, une somme de 3 000 euros au titre du trouble dans les conditions d'existence, et une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral, ces sommes étant assorties des intérêts et de la capitalisation.

Par un jugement n° 1711521 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a donné acte du désistement des conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture et de l'alimentation prise sur recours administratif du 26 octobre 2017, annulé la décision de FranceAgrimer du 17 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D..., et enjoint au directeur général de FranceAgrimer de réexaminer la situation de Mme D..., dans un délai de deux mois et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19VE00604 respectivement le 20 février 2019 et le 3 juin 2020, FranceAgrimer, représenté par Me E..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 17 juillet 2017 et sa décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D..., et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... et ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu leur office, dès lors qu'ils ont exercé un contrôle normal, et non restreint, sur la légalité des décisions attaquées ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation des faits de l'espèce ;

- son contrat pouvait ne pas être renouvelé dès lors que son comportement ne donnait pas entière satisfaction ; la circonstance que les évaluations de l'intéressée sont élogieuses ne fait pas obstacle à ce que son contrat ne soit pas renouvelé ; le non-renouvellement de son contrat est motivé par la circonstance que le directeur général de la confédération générale de planteurs de betteraves (CGB) s'est plaint, en novembre 2016, du comportement et des qualités professionnelles de l'intéressée ; il est également reproché à l'intéressée de nombreux retards et absences injustifiées ; enfin, l'intérêt du service justifiait également ce non renouvellement, la réorganisation de la direction marchés études et prospectives, décidée le 19 décembre 2016, ayant entraîné la suppression du poste occupé jusqu'alors par Mme D... ;

- les moyens soulevés en première instance par Mme D... ne sont pas fondés ;

- les conclusions d'appel incident présentées par Mme D..., tendant au versement d'indemnités, sont irrecevables, dès lors qu'elles portent sur un litige distinct de l'appel principal de FranceAgrimer ;

- en tout état de cause, elles sont infondées.

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II. Par une lettre, enregistrée le 19 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me G..., avocat, a saisi la cour d'une demande d'exécution du jugement n° 1711521 du tribunal administratif de Montreuil du 21 décembre 2018.

Par une ordonnance du 24 janvier 2020, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, sous le n° 20VE00243, en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me A..., substituant Me E..., pour FranceAgrimer, et celles de Me C..., substituant Me G..., pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19VE00604 et 20VE00243 concernant la situation d'un même agent, présentant à juger les mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. Par un contrat à durée déterminée du 2 novembre 2011, Mme D... a été engagée par FranceAgrimer pour " la responsabilité de l'instruction et de la liquidation de la gestion d'aides " au sein de l'unité promotion et connaissance des marchés à l'international. Elle a ensuite exercé, à compter du 1er septembre 2012, les fonctions de chargé de mission " promotion OCM vitivinicole ", dans le cadre d'une vacance temporaire de poste. Par un nouveau contrat d'une durée de trois ans, signé le 28 janvier 2013, Mme D... a été chargée des fonctions de chargé d'études économiques au sein de l'unité " mission sucre " de la direction marchés, études et prospective. Ce contrat a été renouvelé jusqu'au 1er novembre 2017 par un avenant du 18 décembre 2015. Lors d'un entretien ayant eu lieu le 6 juillet 2017, l'intéressée a été informée du non-renouvellement de son contrat de travail. Par une décision du 17 juillet 2017, la secrétaire générale de FranceAgrimer a décidé de ne pas renouveler le contrat de travail de Mme D.... Le recours gracieux présenté par Mme D... le 21 août 2017 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par une requête n° 19VE00604, FranceAgrimer relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 décembre 2018, en tant qu'il a annulé sa décision du 17 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D.... Par la voie de l'appel incident, Mme D... demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Par une requête n° 20VE00243, Mme D... demande l'exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 19VE00604 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée aux conclusions d'appel incident présentées par Mme D... :

3. Par la voie de l'appel incident, Mme D... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Ces conclusions incidentes soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal présenté par FranceAgrimer, relatif à la légalité de la décision susmentionnée du 17 juillet 2017 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D.... Par suite, ces conclusions de Mme D..., qui ont été enregistrées après l'expiration du délai de recours en appel, ne sont pas recevables.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, alors même que les motifs du jugement attaqué pourraient traduire l'existence d'un contrôle normal et non d'un contrôle restreint du tribunal sur la légalité de décision de non-renouvellement du contrat à durée déterminée de Mme D..., cette circonstance est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

5. En second lieu, si FranceAgrimer soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation des faits, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

6. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour décider le non-renouvellement du contrat de Mme D..., FranceAgrimer s'est principalement fondé sur la circonstance que son directeur général a reçu le 10 novembre 2016 un appel téléphonique du directeur général de la confédération générale de planteurs de betteraves (CGB), lequel s'est plaint du comportement et des qualités professionnelles de l'intéressée. Si l'administration produit à cet égard un courriel du 2 juillet 2018 dans lequel ce dernier critique la qualité des présentations effectuées par l'intéressée au " comité sucre " de FranceAgrimer, en affirmant qu'elle " débitait des commentaires préparés difficilement intelligibles et surtout n'avait aucune capacité à répondre à nos questions ", que " par moment on pouvait se demander si elle comprenait ce qu'elle lisait et nous donnait l'impression d'éprouver un profond ennui à faire cette présentation ", et qu'à l'occasion d'une conférence à Moscou, elle aurait fait " une intervention qui n'était pas du tout en ligne avec la position de la France et en avait choqué plus d'un (...) ", ces accusations, contestées par l'intéressée, émanent d'un représentant d'un organisme privé et non de la hiérarchie de Mme D... et ne sont pas, en outre, corroborées par les autres pièces versées au dossier. Par ailleurs, la circonstance que ces reproches ont été formulés par un organisme que FranceAgrimer présente comme un " partenaire économique " ne saurait être, à elle seule, de nature à justifier le non-renouvellement du contrat de l'intéressée. Si FranceAgrimer fait également valoir que Mme D... " ne faisait pas l'unanimité au sein de l'établissement ", il ne produit aucun élément probant au soutien de cette allégation, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les évaluations de l'intéressée au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 sont positives. Il ressort en particulier de sa dernière évaluation, datée du 6 avril 2017, que la qualité de son travail, son implication personnelle et son sens du service public ont été jugés " excellents " et ses qualités relationnelles " très bonnes ". Il est en outre mentionné que Mme D... est un " agent de qualité pour l'unité ", qu'elle est " impliquée dans ses missions ", qu'elle " a confirmé ses compétences et sa connaissance du secteur sucrier et des marchés internationaux ", qu'elle s'est " acquittée avec succès " de sa mission concernant " le suivi des marchés mondiaux du sucre devant le conseil spécialisé et le GEX sucre ". Enfin, cette évaluation proposait le renouvellement du contrat de travail de l'intéressée en novembre 2017. Dans ces conditions, la matérialité des griefs susmentionnés n'est pas établie par FranceAgrimer.

8. En deuxième lieu, FranceAgrimer fait valoir que le non-renouvellement du contrat de Mme D... est également fondé sur des retards et des absences répétées au cours de la période 2015-2017. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été absente sans motif du 30 septembre 2015 au 2 octobre 2015, soit trois jours, il est constant que cette absence, qui a entraîné une retenue sur salaire, n'a pas fait obstacle au renouvellement de son contrat le 18 décembre 2015. Par ailleurs, si l'administration fait état d'absences injustifiées au cours de l'année 2017, il ressort des pièces du dossier que, pour critiquables qu'elles soient, ces absences se limitent à trois journées sur l'ensemble de l'année et ne sauraient dès lors pas caractériser un " manque d'assiduité " de l'intéressée, comme le prétend l'administration. Enfin, si le tableau récapitulatif de " badgeage " établi par FranceAgrimer, versé au dossier, fait apparaître, pour la période allant du 14 janvier 2016, premier jour du dernier contrat de travail de l'intéressée, au 17 juillet 2017, date de la décision attaquée, 92 journées pour lesquelles la plage fixe de travail n'a pas été respectée, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que le non-respect de cette plage fixe aurait eu un impact quelconque sur le fonctionnement du service ou la qualité des tâches accomplies par l'intéressée.

9. Enfin, FranceAgrimer fait valoir que le non-renouvellement du contrat de Mme D... est justifié par la réorganisation de la direction Marchés études et prospective, décidée le 19 décembre 2016. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette réorganisation, invoquée dans l'instance par l'administration, aurait motivé la décision de non-renouvellement, laquelle apparaît fondée sur la seule manière de servir de l'intéressée. En tout état de cause, si l'administration soutient qu'il ressort de la fiche de poste de " chargé d'études cultures industrielles ", créé à l'occasion de cette réorganisation et en remplacement du poste occupé jusqu'alors par l'intéressée, que ces nouvelles fonctions impliquent des connaissances dans les domaines des oléagineux, protéagineux et des plantes textiles, et non plus seulement dans le domaine du sucre, elle ne produit aucun élément de nature à établir que l'intéressée ne disposait pas des compétences requises pour assurer ces nouvelles fonctions, alors même, au surplus, que la dernière évaluation de l'intéressée, datée du 6 avril 2017, évoque en détail cette réorganisation en fixant à l'intéressée des objectifs sensiblement identiques s'agissant du suivi du marché du sucre, mais également de nouveaux objectifs en lien avec cette réorganisation. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le non-renouvellement du contrat de Mme D... aurait été justifié par des nécessités liées à la réorganisation du service.

10. Il résulte de tout ce qui précède que FranceAgrimer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 17 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D..., et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois.

Sur la requête n° 20VE00243 :

11. Par le jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé la décision du 17 juillet 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D..., a enjoint à FranceAgrimer de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, comme le demandait à cet égard cette dernière dans ses écritures.

12. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de ce jugement, l'administration a procédé au réexamen de la situation de Mme D.... La circonstance, invoquée par Mme D..., que contrairement à ses affirmations, l'administration dispose de postes vacants correspondant à ses qualifications, n'est pas de nature à faire regarder ce jugement comme n'ayant pas été exécuté. Par suite, la requête de Mme D... tendant à obtenir l'exécution de la mesure d'injonction prescrite par l'article 3 de ce jugement ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les conclusions présentées par FranceAgrimer, partie perdante dans l'instance n° 19VE00604, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D... au titre de ces dispositions, en mettant à la charge de FranceAgrimer la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19VE00604 présentée par FranceAgrimer est rejetée.

Article 2 : FranceAgrimer versera la somme de 1 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par Mme D... dans l'instance n° 19VE00604 sont rejetées.

Article 4 : La requête n° 20VE00243 présentée par Mme D... est rejetée.

N° 19VE00604... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00604-20VE00243
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-04;19ve00604.20ve00243 ?
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