La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2021 | FRANCE | N°19VE03619

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 19VE03619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une

durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1805005 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019, Mme C..., représentée par Me Bera, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions en litige ;

3°d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé, dès lors qu'il comporte des formules stéréotypées et ne justifie pas le refus de délai de départ volontaire ;

- en n'examinant pas la possibilité qu'elle puisse obtenir un titre de séjour pour motif médical ou une autorisation de travail, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché son arrêté d'un défaut d'examen ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations effectives ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est atteinte d'une pathologie grave qui ne peut être soignée en Haïti et qui, si elle n'est pas soignée, peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside habituellement et sans interruption en France ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est disproportionnée au regard de sa situation personnelle, dès lors qu'elle n'a jamais causé de trouble à l'ordre public.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., épouse C..., ressortissante haïtienne, née le 6 septembre 1966, a sollicité le 6 octobre 2017 son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la

Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 25 mai 2018, rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme C... relève appel du jugement du

17 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort de l'examen du jugement du 17 décembre 2018 du tribunal administratif de Montreuil qu'il est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait, au regard des moyens invoqués devant les premiers juges. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué, à supposer même que Mme C... ait entendu le soulever, doit, par suite, être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les articles 3 et 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 313-14 et L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise la situation familiale de Mme C... et rappelle, en particulier, qu'elle est entrée sur le territoire français munie d'un visa de court séjour et s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français à l'expiration de l'autorisation de séjour qui lui avait été accordée dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. Il mentionne, en outre, qu'elle a déjà fait l'objet de deux précédents arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français mais qu'elle s'est maintenue en France au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été fixé à chaque fois. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, en se bornant à indiquer dans sa demande de première instance avoir déposé au guichet de la préfecture de la Seine-Saint-Denis un certificat médical d'un diabétologue, Mme C... n'établit pas avoir introduit une demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et dès lors que le préfet n'a pas pour obligation de faire état de tous les éléments qui caractérisent la situation de Mme C..., la circonstance que le préfet n'ait pas fait mention de l'état de santé de la requérante est insuffisante à établir un défaut d'examen réel et sérieux. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a notamment indiqué que l'intéressée ne produisait aucune promesse d'embauche, ni document ne permettant de justifier de son insertion professionnelle, a examiné la situation professionnelle de Mme C.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...]. ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant.

7. S'applique en revanche à la décision en litige, le droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par ailleurs, et en cas de décision portant obligation de quitter le territoire, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. En l'espèce, Mme C... a sollicité le 6 octobre 2017 son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'occasion de la constitution et du dépôt de cette demande, elle a pu présenter toutes observations qu'elle jugeait utiles, en particulier sur ses liens familiaux en France et dans son pays d'origine. En outre, il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle aurait été empêchée de présenter ses observations avant l'édiction de la décision de refus de séjour litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Si Mme C... soutient résider de manière habituelle et ininterrompue en France depuis 10 ans, ni les documents médicaux qu'elle produit, ni ceux relatifs à la promesse d'embauche dont elle se prévaut, au demeurant datés des seules années 2017 et 2018, ne permettent d'établir sa présence sur le territoire français depuis 10 ans. En outre, la seule attestation d'hébergement rédigé par un jeune homme né en 1983 et portant le nom de jeune fille de Mme C... est insuffisante à établir que l'intéressée aurait établi en France le centre de ses intérêts. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés.

12. En dernier lieu, Mme C... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, le moyen soulevé en première instance et tiré du caractère disproportionné de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. La requérante n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation motivée portée par les premiers juges. Le moyen tiré de ce que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans serait disproportionnée doit, par suite, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que, en tout état de cause, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

2

N° 19VE03619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03619
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-03 Famille. Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : BERA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-26;19ve03619 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award