Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fondation Saint Vincent-de-Paul a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable et de condamner l'Etablissement français du sang à lui rembourser la somme de 94 140,22 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée que cet établissement lui a indûment facturée du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, assortie des intérêts moratoires à compter du 5 mars 2018 capitalisés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1809257 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, la Fondation Saint-Vincent-de-Paul, représentée par Me Badin, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable ;
3° de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de
94 140,22 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 1er juin 2018, capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée sur les produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 ;
4° de mettre à la charge de l'Établissement français du sang la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation préalable, au motif qu'une partie à un contrat administratif n'est pas recevable à demander l'annulation des actes pris par son cocontractant pour l'exécution de ce contrat, alors qu'eu égard à l'encadrement législatif et règlementaire de la délivrance de produits sanguins labiles sur prescription médicale, elle n'est pas contractuellement liée à l'Etablissement français du sang ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme infondée sa demande indemnitaire, alors que le prix des produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés a été augmenté du coût de la taxe sur la valeur ajoutée, que l'EFS a bénéficié de son assujettissement à cette taxe du fait de l'exonération de taxe sur les salaires et de la déductibilité de la taxe d'amont dont il a bénéficié du fait de son assujettissement à la TVA et que l'EFS a commis une faute en collectant de la taxe sur la valeur ajoutée sur ces produits en méconnaissance du droit de l'Union ;
- cette faute lui a causé un préjudice correspondant au montant de la taxe ayant à tort grevé le coût des produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, l'Etablissement français du sang, .........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'arrêt C-412/15 du 5 octobre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique,
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour la Fondation Saint-Vincent-de-Paul,
- les observations de Me B... pour l'Etablissement français du sang.
Une note en délibéré présentée pour la Fondation Saint-Vincent-de-Paul a été enregistrée le 13 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La Fondation Saint-Vincent-de-Paul, établissement privé de santé, s'est fait délivrer par l'Etablissement français du sang des produits sanguins labiles que celui-ci lui a facturés pour un prix TTC incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux réduit de 2,1 %. Par une demande préalable du 2 mars 2018, la Fondation Saint-Vincent-de-Paul a demandé à l'Etablissement français du sang de lui rembourser la somme de 94 140,22 euros correspondant à la taxe qu'elle estime avoir indument supportée sur les produits qui lui ont été facturés entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. La décision implicite par laquelle l'Etablissement français du sang a rejeté la demande préalable de la Fondation Saint-Vincent-de-Paul a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de sa demande, qui tend à la condamnation de cet établissement à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ses agissements fautifs. La requérante a ainsi donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours indemnitaire de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, l'illégalité dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux est sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de cette décision sont, ainsi que l'a jugé le tribunal, irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La Fondation Saint-Vincent-de-Paul recherche la responsabilité délictuelle de l'Etablissement français du sang sur le terrain de la responsabilité pour faute, à raison de l'incompatibilité avec le droit de l'Union de l'application à ses livraisons de produits sanguins labiles du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 d'une TVA au taux réduit.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 1222-1 du code de la santé publique : " L'Etablissement français du sang est un établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Cet établissement veille à la satisfaction des besoins en matière de produits sanguins labiles et à l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques. Il organise sur l'ensemble du territoire national, dans le cadre des schémas d'organisation de la transfusion sanguine, les activités de collecte du sang, de qualification biologique du don, de préparation, de distribution et de délivrance des produits sanguins labiles. (...) ". Aux termes de l'article L. 1221-9 du code de la santé publique : " Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe les tarifs de cession des produits sanguins labiles (...) ".
5. D'autre part, le 2° du 4 de l'article 261 du code général des impôts exonère de la TVA l'ensemble des opérations de livraisons, de commissions, de courtages ou de façons portant sur les organes, le sang ou le lait humains. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles, dans sa rédaction applicable jusqu'à son abrogation par l'arrêté modificatif du 26 décembre 2018 : " Les tarifs de cession des produits sanguins labiles s'entendent hors taxes, le taux de TVA applicable étant de 2,1% sur l'ensemble des produits sanguins labiles, à l'exception du sang humain total qui n'est pas soumis à TVA. ". Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans sa décision C-412/15 du 5 octobre 2016 TMD que l'article 132, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus d'exonérer la livraison de sang humain, y compris la livraison du plasma qui entre dans sa composition, lorsque cette livraison contribue directement à des activités d'intérêt général, à savoir lorsque le plasma livré est directement employé pour des soins de santé ou à des fins thérapeutiques.
6. Alors même que l'Etablissement français du sang est investi d'un monopole du prélèvement de sang, de la préparation des produits sanguins, de la qualification biologique des dons et de la distribution des produits sanguins labiles aux établissements de santé, que les tarifs de cession des produits sanguins labiles sont déterminés par arrêté, et que les produits sanguins sont commandés par les établissements de santé sur prescription médicale, la délivrance de produits sanguins s'effectue sur commande pour un prix convenu et donne lieu à l'édition d'une facture. Cette prestation de nature contractuelle relève de la mission de santé publique qui, par son objet, se rattache au service public administratif confié à l'Etablissement français du sang, établissement public administratif. Il s'ensuit que seule la responsabilité contractuelle de l'Etablissement français du sang est susceptible d'être engagée à raison des fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ce contrat administratif.
7. En outre, il résulte de l'instruction qu'au cours de la période litigieuse, l'Etablissement français du sang s'est borné à collecter, pour le compte de l'Etat, la TVA prévue par les dispositions rappelées au point 5 de l'arrêté du 9 mars 2010 alors en vigueur, relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles. Alors même qu'ultérieurement, l'application de la TVA s'est révélée contraire au droit européen, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et que l'établissement aurait tiré avantage de l'assujettissement de ces livraisons à la TVA, l'Etablissement français du sang n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la Fondation Saint-Vincent-de-Paul ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Saint-Vincent-de-Paul n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fondation Saint-Vincent-de-Paul la somme que l'Etablissement français du sang demande au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Fondation Saint-Vincent-de-Paul est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 19VE02742