Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1808147 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrés les 15 et 17 janvier 2019, M. B..., représenté par Me Vitel, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord du 4 décembre 2003 et celles de l'article 2.3.1 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié et de celles de l'article 2.3.3 du protocole susmentionné du 28 avril 2008, ainsi que sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les premiers juges ont, à tort, substitué les dispositions de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 à celles du protocole du 28 avril 2008 ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant refus de séjour, qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est illégale pour se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle souffre d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen particulier ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle en ce qu'un délai de départ supplémentaire aurait dû lui être accordé ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale pour se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie du 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 22 juin 1983, de nationalité tunisienne, est entré en France sous couvert d'un visa de type " D-jeune professionnel " valant titre de séjour " travailleur temporaire " valable du 3 juin 2015 au 3 mai 2016, dans le cadre des stipulations de l'accord franco-tunisien du 4 décembre 2003 susvisé, renouvelé jusqu'au 2 juin 2017. Le 31 mai 2017, il en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 27 juillet 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... fait appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-tunisien du 4 décembre 2003 relatif aux échanges de jeunes professionnels : " Les dispositions du présent accord sont applicables à des ressortissants français ou tunisiens entrant dans la vie active ou ayant une expérience professionnelle et qui se rendent dans l'autre Etat pour approfondir leur connaissance et leur compréhension de l'Etat d'accueil et de sa langue, ainsi que pour améliorer leurs perspectives de carrière, grâce à une expérience de travail salarié dans un établissement à caractère sanitaire ou social, une entreprise agricole, artisanale, industrielle ou commerciale dudit Etat. / Ces ressortissants, ci-après dénommés " jeunes professionnels ", sont autorisés à occuper un emploi dans les conditions fixées au présent Accord, sans que la situation du marché du travail de l'Etat d'accueil, dans la profession dont il s'agit, puisse être prise en considération. (...) " et aux termes de l'article 3 de ce même accord : " La durée autorisée de l'emploi peut varier de trois à douze mois et faire éventuellement l'objet d'une prolongation de six mois. Avant de quitter leur pays, les jeunes professionnels français et tunisiens doivent s'engager à ne pas poursuivre leur séjour dans l'Etat d'accueil à l'expiration de la période autorisée, ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de leur entrée dans l'Etat d'accueil. (...) ". En outre, le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.1, que : " (...) La durée d'emploi du jeune professionnel est portée à 24 mois si l'intéressé présente à l'appui de sa candidature un projet professionnel de retour élaboré avec l'appui de l'organisme public compétent de son pays. (...) ".
3. D'autre part, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Le protocole du 28 avril 2008 précité stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l' ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un titre de séjour dans le cadre de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 cité au point 2., pour exercer le métier de technicien frigoriste au sein de la société ISD, puis au sein de la société Le Froid Francilien, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 24 mai 2016, soit avant la prolongation du titre de séjour dont il a bénéficié jusqu'au 2 juin 2017, en vertu du point 2.3.1. du protocole du 28 avril 2008 susmentionné. Il résulte en outre des stipulations de l'article 3 de cet accord que M. B... ne pouvait, au-delà de cette date, obtenir le renouvellement de son titre de séjour pour la même durée ni prolonger l'exercice de son activité en France sous un statut différent, et qu'il était tenu de regagner son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, pour ce motif, légalement refuser par la décision en litige de faire droit à la demande de renouvellement du titre de séjour de M. B... en qualité de jeune professionnel ou de délivrance de titre de séjour portant la mention " salarié ". La circonstance alléguée que le requérant n'aurait pas rempli à cette époque les conditions d'obtention du renouvellement du titre " jeunes professionnels ", pour le renouvellement de ce titre, est sans influence sur la légalité de la décision en litige dès lors que M. B... ne démontre pas qu'il aurait pu bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, portant la mention " salarié ", à l'expiration de la période de séjour autorisée en qualité de jeune professionnel. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-tunisien du 4 décembre 2003, et de celles du protocole du 28 avril 2008 doivent être écartés. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 combinées au point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 précité ou des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit aussi être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des articles 1er et 3 de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003, puis d'une prolongation de ce titre, et non, comme il l'allègue, de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué d'office les dispositions de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 à celles du protocole du 28 avril 2008 relatives au titre de séjour portant la mention " salarié " prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 comme base légale de la décision attaquée, l'intéressé n'ayant été privé, ce faisant, d'aucune garantie, dès lors que les parties ont été mises à même de présenter leurs observations sur cette substitution de base légale en première instance et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans la mise en oeuvre de ces deux textes.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... se prévaut de son insertion professionnelle sur le territoire français, depuis le mois de juin 2015, et de l'obtention, à la suite de la perte de son premier emploi de technicien frigoriste, d'un contrat à durée indéterminée à compter du 24 mai 2016, son dernier employeur, qui l'a fait bénéficier d'une formation professionnelle, attestant à cet égard que ses compétences techniques sont très recherchées dans ce secteur. Toutefois, malgré de véritables efforts d'intégration professionnelle, celle-ci est, tout comme son ancienneté sur le territoire français, récente et insuffisante pour démontrer que M. B... aurait recréé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, alors que son épouse demeure en Tunisie et qu'il n'établit pas non plus ni même n'allègue avoir ainsi une insertion autre que professionnelle en France. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par M. B... à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7. du présent arrêt, et alors que M. B... ne démontre pas davantage que cette mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par M. B... à l'encontre de la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montreuil par M. B.... Il y a lieu, dès lors, de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7. du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays (...) où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ". En se bornant à se prévaloir de son insertion professionnelle et de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français depuis 2015, M. B... ne justifie pas de circonstances nécessitant qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de son départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination à raison de cette prétendue illégalité.
15. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7. du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
N° 19VE00166 6