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21/01/2021 | FRANCE | N°18VE01289

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 21 janvier 2021, 18VE01289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Est Ensemble à lui verser la somme de 59 774,01 euros en réparation des préjudices résultant des conditions d'exécution de son contrat et des conditions dans lesquelles il a pris fin, avec intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble

la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Est Ensemble à lui verser la somme de 59 774,01 euros en réparation des préjudices résultant des conditions d'exécution de son contrat et des conditions dans lesquelles il a pris fin, avec intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701996 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 10 avril 2018, le 16 juillet 2018 et le 19 mai 2020, Mme D... représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'établissement public territorial Est Ensemble à lui verser la somme de 59 774,01 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas visé et analysé l'ensemble des écritures des parties, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'omissions à statuer ;

- il est entaché d'erreur de droit, d'erreur de fait, d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

- l'administration a commis plusieurs fautes qui lui ont causé un préjudice financier, un préjudice de carrière ainsi qu'un préjudice moral ;

- en premier lieu, ayant été recrutée sur le grade d'assistant territorial d'enseignement artistique, de catégorie B, alors qu'elle a exercé les fonctions de professeur, cadre d'emplois de catégorie A, elle a perçu une rémunération inférieure à celle à laquelle elle avait droit ;

- en deuxième lieu, l'évolution de sa rémunération entre 2010 et 2015 a été insuffisante ;

- en troisième lieu, les modifications substantielles de son contrat de travail à compter du 1er septembre 2015 n'étaient justifiées par aucun motif d'intérêt général et doivent en réalité s'analyser comme un " licenciement implicite illégal " ; elle n'a accepté ces modifications que sous la contrainte ;

- en dernier lieu, elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral ou, à tout le moins, d'abus dans la gestion de sa situation professionnelle ;

- elle a subi un préjudice financier lié à l'insuffisance de sa rémunération depuis le 9 novembre 2010, lié à la modification substantielle de son contrat à partir de juillet 2015 et à la perte de toute rémunération depuis sa démission le 14 novembre 2015 ; elle a subi également un préjudice de carrière devant être évalué à la somme de 5 000 euros et un préjudice moral s'élevant à la somme de 10 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 92-894 du 2 septembre 1992 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me A..., pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 7 mars 1963, a été recrutée par la commune de Montreuil à compter du 9 novembre 2010 et pour une durée d'un an en qualité d'agent contractuel pour exercer les fonctions d'assistant spécialisé d'enseignement artistique au conservatoire à rayonnement départemental de Montreuil, à raison de 14 heures hebdomadaires. L'intéressée, reconduite dans ses fonctions par contrats successifs d'un an, a été transférée à la communauté d'agglomération Est Ensemble à compter du 1er juillet 2013. Son engagement a été reconduit pour une durée d'un an, avec un volume horaire réduit à 9 heures hebdomadaires, à compter du 1er septembre 2015. Par un courrier reçu le 17 novembre 2015, Mme D... a présenté sa démission. Par une décision du 18 novembre 2015, la communauté d'agglomération Est Ensemble l'a dispensée, à sa demande, d'effectuer son préavis. Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 9 février 2018 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public territorial Est Ensemble à lui verser la somme de 59 774,01 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions d'exécution de son contrat et des conditions dans lesquelles il a pris fin.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la requérante, en se bornant à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé et analysé l'ensemble des écritures des parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit être, par suite, écarté.

3. En deuxième lieu, la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, dès lors qu'en se bornant à indiquer qu'elle a manifesté son acceptation de la modification de son contrat de travail par un commencement d'exécution, le tribunal n'a pas tenu compte de la circonstance, exposée dans ses écritures, que son accord n'avait pas été librement consenti. Toutefois, le tribunal a répondu au point 5 du jugement non seulement au moyen tiré de l'existence d'une faute lors de la modification de son contrat mais aussi à l'argument tiré de son absence de libre consentement en retenant que la formulation de la proposition faite par la collectivité n'avait pas à recueillir l'accord de l'intéressée et qu'elle a manifesté son acceptation par un commencement d'exécution. En outre, et contrairement aux affirmations de la requérante, le jugement attaqué répond expressément à la fin du point 6 au moyen tiré de ce l'autorité territoriale aurait dépassé le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique en adressant à l'intéressée des menaces ou reproches infondés ou en adoptant à son égard un comportement vexatoire. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'omission à statuer.

4. Enfin, si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur dans la qualification juridique des faits, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Sur la responsabilité de l'administration :

En ce qui concerne la rémunération de Mme D... :

S'agissant de son montant :

5. Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " I. - Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique ; (...) / Les spécialités musique et danse comprennent différentes disciplines. / Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. / Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du fonctionnaire chargé de la direction de l'établissement dans lequel ils exercent leurs fonctions. (...) III. - Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe et d'assistant d'enseignement artistique principal de 1re classe sont chargés, dans leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés (...) / Ils sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique, de danse, d'arts plastiques ou d'art dramatique (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique (musique, danse, art dramatique, arts plastiques) : " Les professeurs d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique ; (...) Les spécialités Musique, Danse et arts plastiques comprennent différentes disciplines. / Pour les spécialités Musique, Danse et Art dramatique, ils exercent leurs fonctions dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés par l'État. / Les professeurs d'enseignement artistique assurent un enseignement hebdomadaire de seize heures. / Les professeurs d'enseignement artistique sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du directeur de l'établissement d'enseignement artistique. / Ils assurent la direction pédagogique et administrative des conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal et, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, des établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés (...) ".

6. Si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Mme D... soutient qu'ayant été recrutée sur le grade d'assistant territorial d'enseignement artistique, de catégorie B, alors qu'elle a exercé les fonctions de professeur, cadre d'emplois de catégorie A, elle a perçu une rémunération inférieure à celle à laquelle elle pouvait prétendre. Toutefois, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que des heures de cours, de la nature de celles qui ont été assurées par l'intéressée, soient confiées à un assistant territorial d'enseignement artistique de 2ème classe, peu important à cet égard que les arrêtés de recrutement des 27 mai 2015 et 15 septembre 2015 mentionnent que la requérante est engagée afin d'exercer les fonctions de " professeur ". En outre, la seule circonstance que Mme D... n'aurait jamais, au cours de sa période d'engagement, apporté une assistance technique ou pédagogique quelconque aux professeurs de l'établissement, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 29 mars 2012, n'est pas de nature à établir qu'elle occupait un emploi de professeur au sens des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991. Par ailleurs, si la requérante soutient qu'elle a assuré des fonctions de direction administrative et pédagogique de projets menés avec des élèves du conservatoire, ces tâches peuvent en tout état de cause être regardées comme relevant des missions d'enseignement susceptibles d'être confiées à un assistant d'enseignement artistique. De même, si Mme D... fait valoir qu'elle a participé, en soumettant des propositions à la direction de l'établissement au même titre que des collègues ayant le statut de professeur d'enseignement artistique, à la procédure de sélection des élèves et à l'élaboration des projets pédagogiques du conservatoire, il ne saurait être inféré de cette circonstance qu'elle a exercé les fonctions de direction administrative et artistique que confient aux professeurs les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991. Si la requérante fait valoir que ses cours de chant ont bénéficié de l'accompagnement au piano d'un autre assistant d'enseignement artistique, alors que les fonctionnaires de ce grade sont seulement susceptibles d'apporter une assistance aux professeurs d'enseignement artistique, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 ne font pas obstacle à ce qu'un assistant d'enseignement artistique apporte son concours à un collègue du même grade. Dans ces conditions, et alors qu'il est au demeurant constant que l'intéressée ne disposait pas du certificat d'aptitude aux fonctions de professeur des conservatoires classés par l'Etat, permettant de se présenter au concours externe pour l'accès au cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant le montant de sa rémunération par référence au premier échelon du grade d'assistant d'enseignement artistique principal de 2ème classe, l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de son évolution :

8. Mme D... soutient, comme en première instance, que l'administration aurait également commis une deuxième faute, dès lors que l'évolution de sa rémunération entre 2010 et 2015 aurait été insuffisante. Toutefois, en l'absence de tout élément nouveau et pertinent sur ce point, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 4 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la modification du contrat de travail de Mme D... :

9. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

10. Pour justifier sa décision de reconduire, à compter du 1er septembre 2015, l'engagement de la requérante avec un volume horaire réduit à 9 heures hebdomadaires, l'administration fait valoir qu'elle a dû faire face, au cours de l'année 2015, à des restrictions budgétaires liées à une diminution des dotations de l'Etat, qui l'ont notamment conduite à procéder à une réorganisation du conservatoire de Montreuil. Il résulte en effet de l'instruction qu'une fusion des classes de chant des conservatoires de Montreuil et de Romainville a été envisagée, laquelle devait conduire au non-renouvellement de l'engagement de Mme D... et que face à l'opposition collective rencontrée par cette mesure, il a été proposé à l'intéressée de poursuivre son enseignement selon un horaire ramené à 9 heures. S'il n'est pas établi, comme le fait valoir la requérante, que cette mesure de réorganisation a eu finalement l'impact budgétaire positif escompté, il ne saurait être en tout état de cause inféré de cette circonstance que la décision de réduire le volume horaire de travail de la requérante n'aurait pas été justifiée, lorsqu'elle a été prise, par un motif tiré de l'intérêt du service. Il en va de même de la circonstance que des élèves du conservatoire de Montreuil ont été pris en charge par une enseignante du conservatoire de Romainville. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait accepté cette diminution de ses horaires de travail sous la contrainte. Il était loisible à la requérante de refuser la proposition qui lui a été faite, laquelle ne saurait être regardée comme un licenciement, dès lors que son précédent contrat de travail était arrivé à son terme. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute en réduisant le volume de ses heures d'enseignement.

En ce qui concerne le harcèlement moral et l'abus du pouvoir hiérarchique :

11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

13. Mme D... soutient qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral commis par le directeur du conservatoire à partir du premier semestre de l'année 2015, et reprend en appel les arguments développés en première instance, en faisant en particulier valoir que ce dernier aurait fait preuve d'acharnement et de dénigrement à son encontre afin de la contraindre à la démission.

14. En premier lieu, s'agissant du dénigrement dont Mme D... aurait fait l'objet, l'intéressée fait valoir que, dans un courriel daté du 29 mai 2015, adressé à ses collègues, l'assistant d'enseignement artistique chargé jusqu'alors de l'accompagner au piano durant ses heures d'enseignement a déclaré qu'il renoncerait à ces fonctions si aucune modification n'était apportée à l'organisation de l'enseignement du chant au sein du conservatoire, en affirmant à cet égard que la classe de chant connaissait une " progressive dégradation ", qu'aucun diplôme d'études musicales (DEM) n'avait été décerné depuis deux ans, qu'aucun concours n'avait été présenté l'année précédente, et qu'aucune nouvelle entrée n'avait été enregistrée dans le cursus " chant " pendant l'année en cours. Toutefois, si la requérante verse au dossier la copie d'un message que lui a adressé par la suite cet enseignant, dans lequel il indique qu'il considère avoir été " manipulé " par le directeur du conservatoire, l'existence d'une telle manipulation n'est pas établie par les autres pièces du dossier. En outre, si la requérante fait valoir qu'une vice-présidente de la communauté d'agglomération Est Ensemble a déclaré le 8 juin 2015 devant des représentants syndicaux qu'elle était en situation d'insuffisance professionnelle, alors que des attestations d'anciens élèves produites démontrent le contraire, il résulte en tout état de cause de l'instruction que l'administration lui a, postérieurement à cette déclaration, proposé un nouveau contrat de travail, reconnaissant ainsi sa valeur professionnelle. Par ailleurs, s'il est vrai que le directeur du conservatoire lui a adressé, à l'occasion de la rentrée 2015, des reproches concernant la gestion administrative et l'organisation de ses enseignements, il ne résulte pas de l'instruction que ces observations, bien que critiques, auraient présenté un caractère vexatoire ou inapproprié, ou qu'elles auraient dépassé le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De même, si la requérante, qui se prévaut d'attestations élogieuses établies par d'anciens élèves, soutient que c'est à tort que le directeur du conservatoire lui a reproché ses relations conflictuelles avec plusieurs élèves, sans préciser lesquels, l'intéressée reconnaît en tout état de cause avoir eu une vive altercation avec l'une de ses élèves qui l'a d'ailleurs conduite à déposer une main courante au commissariat de Vanves le 8 octobre 2015. En tout état de cause, les reproches formulés par le directeur du conservatoire, telles qu'ils résultent notamment des courriels des 21 septembre 2015 et 19 novembre 2015, ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

15. En deuxième lieu, s'agissant de la dégradation de ses conditions de travail, si Mme D... soutient que la réduction du nombre de ses heures hebdomadaires d'enseignement à compter du 1er septembre 2015 révèle une volonté de lui nuire et de la contraindre à quitter ses fonctions, cette allégation doit être écartée pour les motifs exposés aux points ci-dessus. En outre, la requérante fait valoir que le directeur du conservatoire s'est présenté à l'improviste dans sa classe le 19 novembre 2015, à son retour de congé de maladie, en lui demandant, en présence d'une élève, de se rendre dans son bureau sans délai. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'intéressée avait présenté sa démission par un courrier reçu le 17 novembre 2015 et qu'il avait été fait droit à sa demande tendant à être dispensée d'effectuer son préavis par une décision du 18 novembre 2015. Dans ces conditions, et alors que la requérante avait indiqué dans sa lettre de démission que sa demande relative à son préavis était notamment motivée par la circonstance qu'elle avait été recrutée par un autre établissement, l'attitude du directeur du conservatoire ne saurait être regardée comme un comportement inapproprié de nature à faire présumer un harcèlement. Par ailleurs, si la requérante a cessé de bénéficier d'un accompagnement par un pianiste lors de ses cours, elle indique que l'intéressé lui-même a demandé à ne plus l'assister. Si ce dernier lui a ensuite indiqué avoir été manipulé par le directeur du conservatoire, l'existence de cette manipulation, ainsi qu'il a été dit au point 14, n'est pas établie. Enfin, si la suppression du poste de la requérante a été envisagée par l'administration en juin 2015, il résulte de l'instruction que cette possibilité, finalement abandonnée, avait été étudiée dans l'hypothèse d'un regroupement d'enseignements avec le conservatoire de Romainville, lequel ne saurait faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

16. Enfin, s'agissant de la dégradation de son état de santé, la seule circonstance que Mme D... a été placée en congé de maladie du 8 au 16 octobre 2015 puis du 2 au 15 novembre 2015 n'est pas de nature à faire présumer que sa santé physique ou mentale aurait été altérée en raison d'un harcèlement subi au sein du conservatoire de Montreuil. A cet égard, il résulte de l'instruction que, par deux courriers adressées à la caisse primaire d'assurance maladie les 9 octobre 2015 et 2 novembre 2015, l'intéressée a indiqué qu'elle ne souhaitait pas être indemnisée, dès lors qu'elle poursuivait son activité avec ses autres employeurs. De même, si la requérante produit un certificat médical établi le 3 novembre 2017 par un médecin généraliste, lequel mentionne un " état anxieux réactionnel aux conditions de travail ", ainsi qu'une situation de harcèlement décrite par l'intéressée, ce document est insuffisamment circonstancié pour faire présumer un tel harcèlement.

17. Il résulte de ce qui précède que les éléments de fait exposés par

Mme D... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ou, en tout état de cause, que le cadre de l'exercice normal de l'exercice du pouvoir hiérarchique par le directeur du conservatoire de Montreuil aurait été méconnu.

18. Dans ces conditions, en l'absence de faute commise par l'administration, Mme D... n'est pas fondée à demander réparation du préjudice financier, de carrière et moral qu'elle soutient avoir subi. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les conclusions présentées par Mme D..., partie perdante dans la présente instance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement public territorial Est Ensemble au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public territorial Est Ensemble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE01289 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01289
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-21;18ve01289 ?
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