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30/12/2020 | FRANCE | N°18VE03304

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 décembre 2020, 18VE03304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du président de la délégation spéciale de la commune d'Asnières-sur-Seine du 5 juin 2015 la recrutant pour un emploi saisonnier du 1er juin 2015 au 31 juillet 2015, de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine de lui verser la somme de 4 402,56 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjud

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du président de la délégation spéciale de la commune d'Asnières-sur-Seine du 5 juin 2015 la recrutant pour un emploi saisonnier du 1er juin 2015 au 31 juillet 2015, de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine de lui verser la somme de 4 402,56 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'inobservation de l'obligation de lui notifier dans les délais impartis l'intention de ne pas renouveler son engagement, la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'inobservation de l'obligation de lui notifier dans les délais impartis l'intention de renouveler son engagement pour une durée inférieure à l'engagement initial, la somme de 14 675,20 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture anticipée de son engagement et de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1507010 du 20 mars 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me Vojique, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine à lui verser la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice moral résultant du non-respect des délais prescrits pour notifier l'intention de ne pas renouveler le contrat de travail ;

4° de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine à lui verser la somme de 2 000 euros avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice moral résultant du non-respect des délais prescrits pour notifier l'intention de renouveler le contrat de travail pour une durée inférieure au contrat initial ;

5° de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine à lui verser la somme de 14 675,20 euros avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice financier résultant de la rupture anticipée de son contrat de travail ;

6° de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation du jugement est insuffisante pour ce qui concerne le rejet de ses demandes indemnitaires ;

- l'arrêté du 5 juin 2015 est entaché d'incompétence ; la décision litigieuse ne constitue pas un acte de pure administration conservatoire et urgente ;

- l'arrêté du 5 juin 2015 constitue une décision de licenciement car son contrat à durée déterminée qui arrivait à son terme le 31 mai 2015 a été tacitement reconduit pour un an ;

- elle est fondée à solliciter le versement d'une somme de 4 402,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue aux articles 43, 45 et 46 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la rupture anticipée de son contrat de travail lui a causé un préjudice financier correspondant à 10 mois de salaire, soit 14 675,20 euros ;

- la commune a commis une faute en ne respectant pas les délais de préavis de notification de son intention de ne pas renouveler son contrat ; son préjudice peut être évalué à la somme de 5 000 euros ;

- la commune a commis une faute en l'informant du renouvellement de son contrat pour une durée de deux mois seulement le 22 juin 2015 ; elle était légitimement convaincue qu'elle bénéficiait d'un nouveau contrat d'une durée d'un an ; ce manque d'information et de considération lui a causé un préjudice qui peut être évalué à la somme de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2019, la commune d'Asnières-sur-Seine, représentée par Me Lubac, avocat, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2018 du Bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Clot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la commune d'Asnières-sur-Seine en qualité d'adjoint administratif territorial de 2ème classe non titulaire à temps complet le 25 juin 2010 pour une durée de cinq mois. Ce contrat prolongé jusqu'au 31 mai 2011, puis renouvelé chaque année pour un an du 1er juin 2011 au 31 mai 2015. Le 1er juin 2015, Mme A... a reçu à son domicile un courrier de la commune contenant un certificat de travail pour la période allant du 28 juin 2010 au 31 mai 2015 et l'attestation employeur destinée à Pôle Emploi. Par un arrêté du 5 juin 2015, son dernier engagement est renouvelé par le président de la délégation spéciale de la commune d'Asnières-sur-Seine pour la période allant du 1er juin 2015 au 31 juillet 2015. Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cette décision en tant qu'elle révèle une décision de licenciement. Elle demande également la condamnation de la commune d'Asnières-sur-Seine à lui verser les sommes, assorties des intérêts au taux légal, de 4 402,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 5 000 euros et de 2 000 euros au titre des préjudices moraux qu'elle estime avoir subis du fait de l'inobservation du délai de préavis avant la notification des décisions de non-renouvellement, et de 14 675,20 euros au titre du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du renouvellement de son dernier engagement pour une durée inférieure à un an. Mme A... relève appel du jugement n° 1507010 du 20 mars 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par l'intéressée, a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a estimé que les conclusions indemnitaires de Mme A... ne pouvaient être accueillies. Par suite, le moyen tiré par la requérante de ce que le jugement entrepris serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante, doit être écartée.

Au fond :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-35 du code général des collectivités territoriales : " En cas de dissolution d'un conseil municipal ou de démission de tous ses membres en exercice, ou en cas d'annulation devenue définitive de l'élection de tous ses membres, ou lorsqu'un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions. ". Aux termes de l'article L. 2121-38 du même code : " Les pouvoirs de la délégation spéciale sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente. En aucun cas, il ne lui est permis d'engager les finances municipales au-delà des ressources disponibles de l'exercice courant. Elle ne peut ni préparer le budget communal, ni recevoir les comptes du maire ou du receveur, ni modifier le personnel ou le régime de l'enseignement public. ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation des élections municipales de la commune d'Asnières-sur-Seine par une décision du Conseil d'Etat du 11 mai 2015, une délégation spéciale a été instituée par arrêté préfectoral et que le président de cette délégation a donné délégation de signature, par un arrêté du 22 mai 2015, à M. C..., assurant les fonctions de directeur général des services, à l'effet de signer les actes de pure administration conservatoire et urgente ayant pour objet d'assurer la continuité des services publics en ce qui concerne notamment les affaires relatives aux ressources humaines et personnels. Contrairement à ce que soutient la requérante, le renouvellement pour une durée de deux mois du contrat à durée déterminée venu à échéance d'un agent public entre dans les limites de la compétence de la délégation spéciale. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 5 juin 2015 doit donc être écarté.

5. En second lieu, les contrats passés par les collectivités et établissements publics territoriaux en vue de recruter des agents non titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse. La circonstance qu'un contrat à durée déterminée a été reconduit tacitement bien qu'il ait comporté une stipulation selon laquelle il ne pouvait l'être que par une décision expresse ne peut avoir pour effet de lui conférer une durée indéterminée. Le maintien en fonctions de l'agent en cause à l'issue de son contrat initial, s'il traduit la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration, a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle assignée au contrat initial. Ainsi, sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du nouveau contrat et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat.

6. Mme A... soutient que dès lors qu'elle a été maintenue dans ses fonctions à l'issue de l'échéance de son dernier contrat au 31 mai 2015, ce contrat a été tacitement reconduit pour une durée d'un an du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 et que l'arrêté attaqué qui met fin à leurs relations contractuelles le 31 juillet 2015 constitue une décision de licenciement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commune d'Asnières-sur-Seine avait manifesté son intention de ne pas renouveler le contrat de l'intéressée dans un courrier du 6 mai 2015 adressé à la requérante mais revenu aux services de la mairie revêtu de la mention " pli avisé mais non réclamé ". En outre, alors que Mme A... n'a pas travaillé du 1er juin au 5 juin 2015, la commune a, par l'arrêté contesté du 5 juin 2015, recruté Mme A... en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe non titulaire saisonnier pour une durée de deux mois du 1er juin 2015 au 31 juillet 2015. Ces circonstances ne permettent pas de considérer qu'il était de la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration au-delà de cette date et que le dernier engagement d'une durée d'un an dont Mme A... a bénéficié aurait été tacitement renouvelé pour une durée identique à compter du 1er juin 2015. Dans ces conditions, Mme A... n'est donc pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2015 au motif qu'il constituerait une décision de licenciement.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de licenciement, Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 4 402,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral causé par ce licenciement.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 38 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans (...) ".

9. La commune n'établit pas avoir notifié à Mme A... son intention de renouveler son précédent engagement d'une durée d'une année pour une période de deux mois dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 15 février 1988. Mme A... est ainsi fondée à soutenir que la commune a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité. Toutefois, si Mme A... n'a appris que le 22 juin 2015 que son engagement ne serait finalement reconduit que pour une durée de deux mois alors qu'ayant auparavant reçu le 1er juin 2015 un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, elle pensait être licenciée immédiatement à cette date, elle se borne à soutenir qu'elle a subi un préjudice moral pouvant être évalué à la somme de 2 000 euros. Toutefois, l'existence même d'un tel préjudice moral en lien direct avec la faute résultant de la méconnaissance par la commune des dispositions précitées de l'article 38 du décret du 15 février 1988 n'est pas établie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Asnières-sur-Seine, qui n'est pas la partie perdante, verse à la requérante une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Asnières-sur-Seine au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Asnières-sur-Seine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à la commune d'Asnières-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Camenen, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2020.

Le rapporteur,

J. D...Le président,

G. CAMENENLe greffier,

C. YARDELa République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 18VE03304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03304
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET VL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-30;18ve03304 ?
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