Vu la procédure suivante :
M. A... E... et Mme B... I... D... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2017 du maire de Vaujours portant refus de délivrer un second permis de construire modificatif pour la construction d'une maison d'habitation, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux, de dire et juger que cette annulation emporte bénéfice d'un permis de construire modificatif, d'enjoindre au maire de Vaujours de leur délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée et, de mettre à la charge de la commune de Vaujours la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1709948 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande et a mis à leur charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 13 novembre 2018 et le 16 octobre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me C..., avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler ce jugement " en toutes ses dispositions (...) sauf en tant qu'il indique que les documents graphiques versés à l'appui de leur demande de permis modificatif sont suffisants " ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° de dire et juger que cette annulation emporte bénéfice d'un permis de construire modificatif et subsidiairement, d'enjoindre au maire de Vaujours de leur délivrer le permis de construire modificatif sollicité ;
4° de mettre à la charge de la commune de Vaujours la somme de 8 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- s'agissant de la régularité du jugement, le tribunal administratif a omis d'examiner les irrégularités de la procédure de retrait de la décision tacite de non-opposition qui est née le 13 août 2017, et en particulier en ce qui concerne la violation des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'ils n'ont pas été mis en capacité de présenter des observations avant que ce retrait intervienne ;
- s'agissant des conclusions en annulation, la décision tacite de non-opposition née le 13 août 2017 après l'avis favorable du 11 juillet 2017 de l'architecte des bâtiments de France, est créatrice d'un droit à construire et ainsi, la procédure de retrait a été prise en méconnaissance des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'ils n'ont pas été mis en capacité de présenter des observations avant que ce retrait intervienne ;
- c'est en outre à tort que la commune de Vaujours invoque l'article R. 424-3 du code de l'urbanisme prévoyant un rejet tacite dans le cas où l'avis de l'architecte des bâtiments de France était exigé et que cet avis est défavorable ou assorti de réserves ;
- le retrait est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la nature des sols du terrain.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour M. et Mme E..., et celles de Me G..., pour la commune de Vaujours.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... et Mme B... I... D... épouse E..., relèvent appel du jugement du 13 septembre 2018 du tribunal administratif de Montreuil rejetant leur demande d'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2017 par lequel le maire de Vaujours a refusé de leur délivrer un second permis de construire modificatif d'une maison individuelle sur un terrain situé 13, rue de la Tour à Vaujours (Seine-Saint-Denis).
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
2. Les requérants soutiennent que les premiers juges auraient " omis de relever " les irrégularités de la procédure de retrait de la décision tacite de non-opposition née le 13 août 2017, en particulier en ce qui concerne la violation des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'ils n'ont pas été mis en capacité de présenter des observations avant que ce retrait intervienne. Toutefois il ressort de l'examen de leurs écritures de première instance, en particulier leur demande enregistrée le 9 septembre 2017 et leur mémoire en réplique enregistré le 18 juin 2018, que les requérants n'ont pas soulevé ce moyen devant les premiers juges, ni même, n'ont mentionné qu'ils n'auraient pas été mis en capacité de présenter des observations avant l'édiction de cette décision de retrait. D'autre part, en application de l'avis du Conseil d'Etat du 3 avril 2004, Leroux, n° 262073, le moyen tiré de ce que le retrait d'une décision individuelle créatrice de droits serait entachée d'illégalité faute pour l'autorité administrative d'avoir respecté les conditions de délai ou de fond auxquelles un tel retrait est subordonné, n'est pas un moyen d'ordre public et, en application de la décision du Conseil d'Etat du 25 juin 2003 Daci, n° 229023, en B, n'est pas davantage d'ordre public le moyen tiré de ce que les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut retirer une décision créatrice de droits n'ont pas été respectées. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'auraient pas relevé, y compris d'office, l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle l'arrêté litigieux du 11 septembre 2017 a été pris. Il suit de là que le moyen de régularité susanalysé doit être écarté.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 11 septembre 2017 :
En ce qui concerne la qualification de l'arrêté du 11 septembre 2017 portant refus de la demande de permis de construire modificatif :
3. D'une part, l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme énonce que : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. " et l'article R. 424-3 du même code prévoit que : " (...) le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction, vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des bâtiments de France et que celui-ci a notifié (...) un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. ".
4. D'autre part, les articles R. 423-23 et R. 423-24 du code de l'urbanisme prévoient respectivement que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes de (...) permis de construire portant sur une maison individuelle (...) ", " majoré d'un mois : (...) / c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques ". Aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes " et aux termes de son article R. 423-39 : " L'envoi (...) précise : / a) que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis (...) ; / c) que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ".
5. M. et Mme E... ont déposé, le 21 avril 2017, une demande de permis de construire modificatif concernant l'altimétrie et les façades d'un pavillon individuel. Le 2 mai 2017, le maire de la commune de Vaujours informait les pétitionnaires, par un courrier dont l'objet est " Notification de délai supplémentaire ", pris au visa des articles R. 423-23 à R. 423-39 du code de l'urbanisme, précités, que " le projet se situant dans le périmètre d'un monument historique ", le délai d'instruction s'établissait à quatre mois à compter du dépôt du dossier complet et concluait " si, à la fin de ce délai, vous n'avez pas reçu de réponse de l'administration, vous bénéficierez d'une décision de non-opposition tacite ". S'il est constant que le terrain d'assiette se situe dans un périmètre de 500 mètres autour d'un monument historique, le délai d'instruction n'est toutefois pas de quatre mois, mais de trois mois, en application des dispositions combinées du b) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, qui prévoit un délai de " Deux mois pour les demandes de (...) permis de construire portant sur une maison individuelle " et du c) de l'article R. 423-24 du même code qui énonce que ce délai de deux mois est " majoré d'un mois : (...) / c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques ". Ainsi, le délai d'instruction de quatre mois notifié le 2 mai 2017 aux époux E..., était erroné. Dans ces conditions, à l'issue du délai de trois mois légalement applicable, qui expirait le 13 août 2017, les pétitionnaires sont devenus titulaires d'un permis de construire modificatif tacite et par suite, l'arrêté attaqué du 11 septembre 2017 doit être regardé comme portant retrait d'un permis de construire.
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté du 11 septembre 2017 :
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Enfin, selon l'article L. 121-2 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; ".
7. La décision en litige, portant retrait d'un permis de construire, est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations, sauf notamment, en cas d'urgence au sens de l'article L. 121-2 du même code.
8. Tout d'abord, il est constant, et non contesté par la commune de Vaujours, que l'arrêté du 11 septembre 2017 n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire mettant les requérants en capacité de présenter leurs observations écrites ou orales.
9. Ensuite, le maire de Vaujours fait valoir qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté litigieux, une situation d'urgence était constituée au sens de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort en effet des pièces du dossier que, le 17 janvier 2017, puis le 23 mai 2017, deux arrêtés interruptifs de travaux ont dû être pris, faisant suite à la constatation, par la police municipale, de déboisements sauvages et des décaissements affectant la pente naturelle du terrain, ces désordres graves affectant le terrain d'assiette, les parcelles avoisinantes, les propriétés en aval et également la chaussée, à cause des travaux entrepris par les époux E... dans le cadre de l'exécution du premier permis de construire modificatif, ainsi qu'il a d'ailleurs été constaté par huissier dans un procès-verbal de constat illustré de 22 photographies, dressé le 14 novembre 2017, puis confirmé par le rapport d'expertise du 5 février 2018 relatif aux risques de glissements de terrain mettant en péril les occupants des habitations légères situées en aval. Ces deux arrêtés interruptifs mentionnaient en outre, à l'article 5 de leur dispositif " copie du présent arrêté sera transmise à Monsieur H... de la République près le TGI de Bobigny ". C'est dans ces conditions que, par une décision de cette juridiction prise peu de temps avant l'arrêté en litige, M. et Mme E... ont été condamnés à verser une amende à raison de ces agissements, l'intervention et le sens de cette décision de justice n'étant d'ailleurs pas contestés par les intéressés dans leurs écritures, puis à la barre par leur avocat, qui a présenté des observations à l'audience. Il suit de là qu'à la date du 11 septembre 2017, à laquelle a été pris l'arrêté attaqué, l'urgence était constituée au sens de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire, en violation de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
En ce qui concerne l'erreur d'appréciation :
10. D'une part, l'arrêté en litige du 11 septembre 2017 est motivé, en particulier, par le fait que " l'emprise du projet se trouve sur un secteur réglementé par un périmètre de zones risques liées aux anciennes carrières souterraines et à l'existence de poches de dissolution de gypse antéludien, valant plan de prévention des risques approuvé le 21 mars 1986 et modifié le 18 avril 1995. ", qui a été repris à l'identique de l'avis du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 juin 2017, qui précisait que l'instruction de la demande de permis de construire modificatif " doit reprendre ces éléments ". L'arrêté en litige dispose en particulier en son article 4 : " De par les caractéristiques du périmètre du projet, le pétitionnaire devra fournir une attestation de réalisation de comblements supplémentaires et études des sols au regard du changement d'altimétrie du projet ". Il résulte de l'examen de la demande de permis de construire modificatif, en particulier les croquis, plans de masse à l'échelle, documents photographiques et la notice explicative de l'architecte, premièrement que le terrain est " très accidenté, présentant une forte pente ", deuxièmement que l'agrandissement projeté côté Sud est de 30 m², troisièmement que cet agrandissement résulte de l'avancée de la façade Sud de l'entrée de la maison, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage et, enfin, qu'une troisième toiture à une altimétrie de 105,40 mètres devra couvrir cet agrandissement, ce qui implique une augmentation de 6 mètres de l'altimétrie prévue au précédent permis de construire, qui était seulement de 99,49 mètres.
11. D'autre part, l'étude géotechnique de la société Ingsols, effectuée deux ans auparavant, en juillet 2015, qui concernait la faisabilité du projet de construction initial, à savoir une maison individuelle en R+1 sur sous-sol semi enterré, d'une emprise de 110 m2, mentionne en particulier que, dans cette zone pavillonnaire de densité de construction faible, l'aléa retrait-gonflement est fort et qu'il sera notamment important de vérifier, pendant la saison hivernale, les problèmes d'inondabilité et d'accumulation des eaux dans la zone en dépression qui jouxte le terrain, ce qui ne semble pas, d'ailleurs, avoir été effectué. Si le prestataire conclut qu'aucun confortement ou consolidation n'est à envisager sous l'emprise du projet de construction dont il était alors saisi, il ajoute cependant " des modifications dans l'implantation, la conception ou l'importance des constructions (...) peuvent conduire à des remises en cause des prescriptions. Une nouvelle mission devra alors être confiée à Ingsols afin de réadapter ces conclusions ou de valider par écrit le nouveau projet. ".
12. Dans ces conditions, l'étude géotechnique d'avant-projet de juillet 2015 de la société Ingsols ne permet pas, au regard des risques inhérents au terrain d'assiette, qui a au surplus été décaissé et malmené de façon importante début 2017 ainsi qu'il a été dit au point 9. du présent arrêt, d'apprécier la faisabilité du projet de construction relatif au second permis de construire modificatif du 13 mai 2017, pour un bâtiment d'une superficie de 202 mètres carrés, presque doublée par rapport à celle du permis de construire initial et dont l'altimétrie est considérablement augmentée de 6 mètres. Dès lors, c'est par une exacte appréciation que le maire de Vaujours, par l'arrêté du 11 septembre 2017, a refusé de délivrer l'autorisation relative à la construction de ce second permis de construire modificatif et a prescrit, à son article 4, la " réalisation de comblements supplémentaires et études des sols au regard du changement d'altimétrie du projet ".
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Vaujours, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. et Mme E... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Vaujours au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme E... verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Vaujours au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Vaujours, est rejeté.
N° 18VE03766 2