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22/12/2020 | FRANCE | N°19VE03011

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 décembre 2020, 19VE03011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1809249 du 3 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administ

ratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1809249 du 3 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 août 2019, M. A... D..., représenté par Me Baouz, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3° d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté a été pris en violation de son droit à être entendu avant qu'une mesure administrative individuelle défavorable ne soit prise, qui est un principe général du droit de l'Union européenne ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur de fait en tant qu'il est présent en France depuis 2006 et y dispose d'attaches privées et familiales anciennes et intenses ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle a été prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français en 2006 sous couvert d'un visa Schengen ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a aussi commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal pour se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- il a été pris en méconnaissance du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... D..., ressortissant capverdien né le 25 décembre 1969, relève appel du jugement n° 1809249 du 3 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Sur les moyens communs aux décisions contenues dans l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, M. A... D... soutient que l'arrêté litigieux aurait été pris en violation de son droit à être entendu avant qu'une mesure administrative individuelle défavorable ne soit prise, qui est un principe général du droit de l'Union européenne, l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'étant pas applicable à l'espèce. Il ressort toutefois de l'examen des 3 pages composant l'arrêté litigieux, que le préfet a mentionné que l'intéressé, dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité, auditionné le 24 septembre 2018 par les services de la brigade mobile de recherche à Chessy, " a déclaré être marié, sans domicile personnel certain, sans charge de famille et sans ressources légales (...) être entré en France en septembre 2006 " de façon irrégulière, et a également précisé " exercer une activité professionnelle en qualité de maçon pour un salaire de 1 600 euros " sans autorisation pour le faire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas pu présenter des observations avant l'édiction de l'arrêté litigieux manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, le requérant soutient que l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur de fait. S'il affirme qu'il est présent en France depuis 2006 et y dispose " d'attaches privées et familiales anciennes et intenses ", il ne produit toutefois aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée portée par le premier juge sur ces deux points. Ces moyens doivent ainsi être écartés par adoption des motifs retenus aux points 7. et 9. du jugement attaqué.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) ".

5. M. A... D... soutient que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle a été prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A... D... justifie, pour la première fois en cause d'appel, être entré régulièrement sur le territoire français en 2006, sous couvert d'un visa délivré par le consulat de France au Cap Vert. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait pas être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ainsi qu'il a été communiqué aux parties par le moyen d'ordre public susvisé afin qu'elles présentent leurs observations, cette mesure d'éloignement trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, premièrement, qu'il résulte des pièces du dossier que le requérant, qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, se trouvait dans la situation où, en application du 2° du I de l'article L. 511-1, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français, deuxièmement, que cette substitution de base légale n'a pour effet de le priver d'aucune garantie et, troisièmement, que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

6. En second lieu, le requérant soulève, à l'identique, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne produit toutefois aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée portée par le premier juge sur ces points. En tout état de cause, l'intéressé, qui s'est déclaré marié lors de son audition du 24 septembre 2018, ne fournit aucune précision quant au pays dans lequel réside son épouse. Ces moyens doivent ainsi être écartés par adoption des motifs retenus aux points 7. et 9. du jugement attaqué. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de délai de départ volontaire serait illégal pour se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français. Ce moyen doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour (...) ". Les dispositions légales précitées s'appuient, pour caractériser le " risque de fuite ", sur des critères objectifs et précis, et prévoient, sans faire supporter à l'étranger la charge d'une preuve impossible à rapporter, que des circonstances particulières peuvent s'opposer à ce que ce risque soit regardé comme établi. Elles ne dispensent pas l'autorité administrative d'examiner la situation personnelle de l'étranger et ne sont dès lors pas incompatibles avec les exigences du droit de l'Union européenne, notamment avec les objectifs définis par les articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qu'elles ont eu pour objet de transposer.

9. M. A... D... soulève en appel le moyen tiré de la méconnaissance du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de l'examen de l'arrêté en litige, qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de trente jours, prise le 5 novembre 2015, qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il n'a pas été capable de présenter, lors de son interpellation, des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Dans ces conditions, il entrait dans le champ d'application des lettres b), d) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen susanalysé manque en fait et doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il suit de ce qui précède que M. A... D... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale, non plus que la décision portant refus de délai de départ volontaire. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait illégale pour se fonder sur ces deux décisions. Ce moyen doit être écarté.

11. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la vie privée et familiale de M. A... D..., doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux détaillés précédemment, aux points 3. et 6. du présent arrêt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2018 du préfet de Seine-et-Marne. Par conséquent, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, ensemble celles présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

N° 19VE03011 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03011
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : BAOUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-22;19ve03011 ?
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