Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 8 mars 2018 par laquelle le maire du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) a préempté le bien cadastré section AV n° 245, situé 21-23, avenue du Gouverneur général Félix Eboué.
Par un jugement n° 1804292 du 29 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2019, la commune du Blanc-Mesnil, représentée par Me Cazin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de première instance de M. et Mme A... ;
3° de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée :
- n'est pas entachée d'un vice d'incompétence de son auteur dès lors que la délégation du 20 mai 2016 consentie par le conseil municipal au maire pour l'exercice du droit de préemption n'était pas devenue caduque ;
- n'est pas dépourvue de base légale dès lors que la délibération du 20 mai 2016 instituant le droit de préemption urbain était exécutoire ;
- est suffisamment motivée dès lors que la commune a justifié de la réalité d'un projet d'aménagement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Blanc-Mesnil relève régulièrement appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 8 mars 2018 par laquelle le maire de cette commune a exercé le droit de préemption urbain sur un bien cadastré section AV n° 245, situé 21-23 avenue du Gouverneur général Félix Eboué et appartenant à M. et Mme A....
Sur le moyen tiré de l'incompétence du maire du Blanc-Mesnil pour exercer le droit de préemption urbain :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) ; 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ; /(...). ". Aux termes de l'article L. 2131-1 de ce code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ". Aux termes de l'article L. 5219-2 du même code : " (...) Dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, sont créés, au 1er janvier 2016, des établissements publics de coopération intercommunale dénommés " établissements publics territoriaux " (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue des dispositions du VII de l'article 102 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. /(...). ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. Dans les articles L. 211-1 et suivants, L. 212-1 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression " titulaire du droit de préemption " s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de la commune du Blanc-Mesnil a, par une délibération n° 2016-175 du 20 mai 2016, donné délégation à son maire pour exercer le droit de préemption urbain (simple et renforcé) sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 (15°) du code général des collectivités territoriales. L'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol ", créé au 1er janvier 2016 en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, et auquel appartient la commune du Blanc-Mesnil, est devenu compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, à compter du 29 janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 susvisée. Par une délibération du 20 mars 2017, prise en application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, le conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " a délégué l'exercice du droit de préemption urbain (simple et renforcé) à la commune du Blanc-Mesnil, afin de lui permettre de réaliser des actions ou des opérations d'intérêt communal.
5. Pour juger que le maire du Blanc-Mesnil était incompétent pour prendre la décision de préemption litigieuse du 8 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé, d'une part, que la délégation de compétence du 20 mai 2016 précitée était devenue " caduque " du fait du transfert de l'exercice du droit de préemption à l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol ", opéré dans les conditions précisées au point 4, et, d'autre part, que le conseil municipal aurait dû prendre une délibération, postérieurement au 20 mars 2017, afin de consentir une nouvelle délégation à son maire. Toutefois le transfert de plein droit de la compétence de la commune à l'établissement public en matière de droit de préemption urbain est resté sans incidence sur le caractère exécutoire de la délibération du 20 mai 2016, en tant que celle-ci donne délégation au maire de la commune, dans la mesure où cette délégation, qui a été régulièrement affichée et transmise au contrôle de légalité conformément à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, n'a jamais été rapportée. Au demeurant et ainsi qu'exposé au point 4, par l'effet de la délibération du 20 mars 2017 adoptée par le conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol ", la commune du Blanc-Mesnil est devenue délégataire du droit de préemption urbain sur le territoire communal. La délégation ainsi donnée par l'établissement public territorial à la commune, ayant fait de celle-ci le titulaire du droit de préemption au sens de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, a restitué son plein effet à la délégation consentie au maire du Blanc-Mesnil par le conseil municipal le 20 mai 2016, dès lors que celle-ci avait été donnée au maire pour la durée restant à courir de son mandat. Il suit de là que la compétence du maire du Blanc-Mesnil pour exercer le droit de préemption urbain, postérieurement au 20 mars 2017, trouvait son fondement juridique dans la délibération du conseil municipal du 20 mai 2016 lui donnant qualité pour exercer ce droit au nom de la commune. La décision litigieuse, en date du 8 mars 2018, a donc été prise par une autorité ayant régulièrement reçu délégation à cet effet.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence du maire du Blanc-Mesnil.
Sur le moyen tiré du défaut de base légale de la décision de préemption :
7. Aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué ".
8. Par sa délibération du 20 mai 2016, le conseil municipal de la commune du Blanc-Mesnil a également décidé d'instituer le droit de préemption urbain sur la totalité des zones urbaines délimitées par le plan local d'urbanisme communal. Si la commune du Blanc-Mesnil établit, par une attestation du maire en date du 11 juillet 2016, que cette délibération a été affichée à la mairie pendant un mois, du 7 juin au 8 juillet 2016, elle ne justifie pas, en revanche, que la mention de cet affichage aurait été insérée dans deux journaux diffusés dans le département dans les conditions prévues à l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme. Dès lors, à défaut d'avoir fait l'objet de l'ensemble des formalités de publicité prévues par cet article, la délibération du 20 mai 2016 n'est pas devenue exécutoire en tant qu'elle institue le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune du Blanc-Mesnil. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le moyen d'annulation tiré du défaut de base légale de la décision de préemption.
Sur les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de préemption et de l'absence de justification d'un projet réel :
9. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". Aux termes de l'article L. 300-1 de ce même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".
10. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, en application du dernier alinéa de l'article L. 210-1 précité, la décision de préemption peut se référer aux dispositions de la délibération par laquelle une commune a délimité des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre qu'elle a délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.
11. Si la décision de préemption prise le 8 mars 2018 par le maire de la commune du Blanc-Mesnil indique que la préemption est réalisée afin de permettre la requalification urbaine et commerciale et notamment le développement de l'activité commerciale du centre-ville sud, elle ne fait cependant pas apparaître, par ces seules indications, la nature du projet de l'action ou de l'opération d'aménagement que cette collectivité territoriale entendait mener à cette fin. Cette décision est donc insuffisamment motivée. De surcroît, si cette décision se réfère à une délibération du 24 mars 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune du Blanc-Mesnil a approuvé le schéma directeur de la requalification urbaine et commerciale du centre-ville sud, il ne ressort toutefois ni des termes de cette délibération ni du plan qui lui est annexé que la parcelle préemptée serait incluse dans le périmètre de cette opération de requalification. Ainsi, cette délibération ne permet davantage de déterminer la nature du projet d'aménagement que la commune alléguait envisager dans le secteur pavillonnaire sis à proximité du centre-ville et dans lequel est situé le bien préempté. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, aucun des documents dont se prévaut la commune du Blanc-Mesnil ne mentionne de projet d'aménagement dans la rue ou sur la parcelle appartenant aux requérants. Dès lors, la réalité d'un action ou d'une opération d'aménagement n'est pas établie à la date de la décision attaquée, soit le 8 mars 2018. Par suite, c'est à juste titre que le Tribunal administratif de Montreuil a retenu les moyens d'annulation tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de préemption et de l'absence de justification d'un projet d'aménagement réel.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Blanc-Mesnil n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a, pour les motifs mentionnées aux points 8 et 11, annulé la décision litigieuse.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune du Blanc-Mesnil demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil une somme de 2 000 euros à verser au même titre à M. et Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune du Blanc-Mesnil est rejetée.
Article 2 : La commune du Blanc-Mesnil versera à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 19VE00354