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10/12/2020 | FRANCE | N°17VE02243

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 17VE02243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Université Paris Sud 11 a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ à lui verser la somme de 84 193,26 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices résultant de travaux d'étanchéité réalisés sur le toit-terrasse de la faculté de médecine du Kremlin-Bicêtre, et de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.>
Par un jugement n° 1301061 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Université Paris Sud 11 a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ à lui verser la somme de 84 193,26 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices résultant de travaux d'étanchéité réalisés sur le toit-terrasse de la faculté de médecine du Kremlin-Bicêtre, et de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301061 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ à verser la somme de 84 168 euros à l'Université Paris Sud 11, a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 546 euros, à la charge définitive de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ et mis à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 13 juillet 2017 et 6 novembre 2020, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ, représentée par Me Houssain, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner l'Université Paris Sud 11 à lui payer la somme de 41 925,23 euros, au titre du solde du marché ;

3° de mettre à la charge de l'Université Paris Sud 11 la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne faisant pas application des principes de la garantie décennale, seule applicable en l'espèce, et en se plaçant d'emblée sur le terrain de la responsabilité contractuelle ;

- ils ont également commis une erreur d'appréciation ;

- la demande présentée en première instance par l'administration est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine du comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des litiges de Versailles, en méconnaissance de l'article 10 du CCAP ;

- elle est également irrecevable, dès lors que l'administration n'a établi aucun décompte de liquidation, en méconnaissance de l'article 47.2.1 du CCAG Travaux ;

- l'expertise est irrégulière, l'expert après une seule réunion et sans inviter les participants à l'ouvrage notamment le bureau de contrôle, n'ayant accordé aucune importance à ses écrits et ayant commis des erreurs grossières sur les comptes ;

- la décision du 10 juillet 2012 de non réception de l'ouvrage doit être requalifiée en réception partielle des ouvrages exécutés, laquelle met fin aux relations contractuelles ;

- les désordres incombent exclusivement aux fautes de l'administration ;

- la résiliation est irrégulière, l'administration n'ayant résilié le contrat que le 27 juin 2012, soit une année après la mise en demeure préalable ;

- alors que l'article 4 du CCAP prévoyait un début des travaux pendant la deuxième quinzaine du mois d'avril 2010, ceux-ci n'ont débuté, du seul fait du maître d'ouvrage, que le 24 novembre 2010 ; la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ a subi, en raison de ce retard, des conditions météorologiques difficiles qui l'ont obligée à interrompre ses travaux à plusieurs reprises ; le maître d'ouvrage a imposé cette exécution différée des travaux en raison de la présence sur la terrasse d'une cheminée d'évacuation de gaz toxiques, très active pendant les mois d'été ; ce problème, qui n'avait pas été porté à la connaissance de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ lors de la conclusion du marché, conduira le maître d'ouvrage à suspendre le chantier une seconde fois, à partir du mois de juin 2011 ; l'Université Paris Sud 11 a interdit l'accès au chantier au personnel de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ, ce qui a eu pour effet de laisser les terrasses sans aucune protection jusqu'à l'intervention de l'expert en février 2012 ; l'administration n'a pas mis en place les protections nécessaires malgré ses recommandations ; par un courrier du 14 juin 2012, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ a proposé de poursuivre l'exécution des travaux, en tenant compte des préconisations et constatations de l'expert judiciaire, mais cette offre n'a donné lieu à aucune réponse ;

- la garde de l'ouvrage a été transférée à l'administration lorsqu'elle a décidé d'en prendre possession de manière anticipée, " dès novembre/décembre 2011 ", de surcroît sans constat contradictoire préalable ;

- la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ a été réglée au fur et à mesure de l'avancement des travaux, pour un montant total de 48 950, 69 euros, ce qui doit être regardé comme la reconnaissance par l'administration de leur bonne exécution ;

- l'administration a reconnu que sa responsabilité était engagée à hauteur de 40 %, pour avoir commis des erreurs et ne pas avoir surveillé l'exécution du chantier ; ainsi, si la Cour devait retenir la responsabilité de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ, elle limiterait celle-ci à 60 % du montant des travaux de reprise, soit la somme de 12 852,72 euros ;

- la résiliation du marché décidée par l'administration étant abusive et contraire à la loyauté contractuelle, elle est fondée à demander le versement du solde du marché, soit la somme de 54 777, 95 euros, en réparation de son préjudice ;

- en application de l'article 1289 du code civil, c'est la somme de 41 925,23 euros que l'administration doit être condamnée à lui verser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2017, l'Université Paris Sud 11, représentée par Me Callon, avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1° de condamner la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ à lui verser la somme de 84 167,80 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

2° de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- le préjudice de l'Université Paris Sud 11, établi par l'expert, s'élève à un montant total de 84 167,80 euros, comprenant le remboursement de la somme de 62 746,59 euros, versée à la société requérante au titre du marché, et la somme de 21 421,21 euros, au titre des travaux de reprise.

Par des mémoires, enregistrés respectivement les 11 mars 2020, 28 octobre 2020 et 10 novembre 2020, l'Université Paris Saclay, venant aux droits et obligations de l'Université Paris Sud 11, représentée par Me Callon, avocat, conclut aux mêmes fins que l'Université Paris Sud 11 par les mêmes moyens, et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° la capitalisation des intérêts auxquels elle a droit ;

2° de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de M. B..., gérant de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de travaux d'étanchéité des toitures terrasses de six bâtiments, l'Université Paris Sud 11 a, par un acte d'engagement notifié le 27 avril 2010, attribué à la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ le lot n° 5 " Bloc A au Kremlin-Bicêtre (94) ", pour un montant forfaitaire de 103 728 euros TTC. Les travaux, d'une durée prévisionnelle de six semaines, ont débuté le 24 novembre 2010. Par un courrier du 21 mars 2011, l'Université Paris Sud 11 a demandé à la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ d'achever les travaux " dans les délais les plus rapides " en lui rappelant que la date d'achèvement desdits travaux, fixée initialement au 5 janvier 2011, avait été repoussée au 20 janvier suivant en raison des intempéries. Après avoir constaté le non achèvement des travaux et des désordres, l'Université Paris Sud 11, par un second courrier du 29 juillet 2011, a mis en demeure la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ d'exécuter les travaux prévus et de remédier aux désordres dans un délai de quinze jours à compter de la notification dudit courrier. Par une ordonnance n° 1106159 du 31 janvier 2012, le président du Tribunal administratif de Versailles a désigné, à la demande de l'Université Paris Sud 11, un expert afin de déterminer la cause des désordres. L'expert a remis son rapport le 8 mai 2012. Par un courrier du 27 juin 2012, l'Université Paris Sud 11 a informé la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ de la résiliation du contrat à ses frais et risques. Un procès-verbal de réception partielle mentionnant plusieurs réserves a été établi le 10 juillet 2012 et signé par le représentant de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ. La SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser la somme de 84 168 euros à l'Université Paris Sud 11, en réparation de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

3. En second lieu, si l'expert n'a établi son rapport qu'après une seule réunion de travail à laquelle tous les intervenants à l'opération de travaux n'ont pas été conviés et s'il a commis des erreurs sur les comptes entre les parties, il ne résulte cependant pas de l'instruction que cette expertise, à laquelle la SOCIETE FRANCE ETANCHEITE a participé, était dépourvue de caractère contradictoire et qu'elle serait ainsi irrégulière. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au vu d'une expertise irrégulière.

Au fond :

Sur les fins de non-recevoir invoquées à l'encontre de la demande de première instance :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives générales (CCAP) du marché en litige : " (...) En cas de contentieux, les deux parties solliciteront, avant toute saisine du tribunal administratif, l'avis et les recommandations du comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des litiges, de Versailles ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Université Paris Sud 11 a saisi le comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des litiges le 24 janvier 2013, préalablement à son recours contentieux, en application de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières du marché. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée en première instance par l'administration serait irrecevable faute d'avoir été précédée de la saisine de cette instance.

6. En second lieu, aux termes de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux applicable au marché en litige (CCAG Travaux) : " Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché, avant l'achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l'article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général. ".

7. La société requérante soutient que la demande présentée en première instance par l'Université Paris Sud 11 est irrecevable, dès lors que l'administration n'a, au préalable, établi aucun décompte du marché résilié. Toutefois, ni les stipulations précitées du CCAG Travaux ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que même en l'absence de décompte, l'Université Paris Sud 11 saisisse le tribunal administratif pour demander réparation à SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ des conséquences dommageables résultant de l'exécution du marché. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée en première instance par l'administration serait irrecevable faute d'avoir été précédée de l'établissement d'un décompte par l'administration.

Sur le fondement de responsabilité :

8. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. Ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard.

9. Il résulte de l'instruction que les travaux en cause ont fait l'objet le 10 juillet 2012 d'une décision de non réception. Ce document, signé par le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre et la société requérante, comporte en annexe la liste des réserves correspondant aux prestations non réalisées par cette dernière. En l'absence de décompte général et définitif du marché résilié et alors même que la décision précitée du 10 juillet 2012 comporte réception partielle concernant la partie des ouvrages exécutés, l'Université Paris Saclay est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de son cocontractant.

10. L'Université soutient que la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ a commis des fautes dans l'exécution du marché. Cette dernière soutient que les désordres sont totalement imputables à l'administration et sollicite le paiement du solde du marché.

Sur les fautes de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ :

11. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert daté du 8 mai 2012, que l'un des bâtiments appartenant à l'Université Paris Sud 11, situé au Kremlin-Bicêtre, a subi en 2011 et 2012 des désordres se caractérisant principalement par des infiltrations d'eau par les faux plafonds des laboratoires, lesquelles ont notamment endommagé des matériels de recherche. L'expert a considéré, d'une part, que ces désordres résultaient exclusivement de l'inachèvement des travaux d'étanchéité du toit-terrasse entrepris par la société requérante, de l'absence de protection des parties découvertes par cette dernière, et de la réalisation de relevés d'étanchéité fuyards et, d'autre part, que les travaux réalisés par la société requérante n'étaient pas conformes aux règles de l'art, qu'ils ne pouvaient pas être repris et qu'ils devaient être retirés en totalité et remplacés par des matériaux adaptés. Si l'expert n'a procédé à ses constatations que le 27 février 2012, soit cinq mois après l'arrêt définitif du chantier, et s'est notamment fondé sur un état des lieux du chantier réalisé le 11 octobre 2011 par les services de l'Université, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence de ses conclusions.

12. L'inexécution partielle des travaux par la requérante ressort notamment de l'annexe à la décision de non réception du 10 juillet 2012, signée notamment par le représentant du titulaire. De même, il ne résulte pas de l'instruction que le bureau d'études SOCOTEC, chargé par l'Université du contrôle technique de l'opération, aurait une part quelconque de responsabilité dans la survenue des désordres. Il ressort à cet égard d'un courrier de ce bureau d'études adressé à l'Université, et transmis à la société requérante, que celui-ci préconisait notamment, dès le mois de février 2011, un renforcement de l'étanchéité au droit des joints de préfabrication. Si la société requérante fait valoir que la manière dont les gaines de ventilation ont été déposées lui a été imputée à tort par l'expert, dès lors que cette tâche était en réalité confiée à la société SAMEX, il ne résulte pas de l'instruction que cette opération de dépose serait à l'origine des désordres constatés par l'expert.

13. Si la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ fait valoir qu'elle a été réglée au fur et à mesure de l'avancement des travaux, pour un montant total de 48 950,69 euros TTC ou 49 519,93 euros TTC, cette circonstance ne saurait être regardée comme la reconnaissance par l'administration de la bonne exécution des travaux.

14. Dans ces conditions, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ doit être regardée comme ayant commis des fautes dans l'exécution du marché.

Sur les fautes de l'Université :

15. En premier lieu, aux termes de l'article 49.2 du CCAG Travaux : " Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée ". Aux termes de son article 49.4 : " La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. (...) ".

16. Si la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ soutient que l'administration n'a résilié le contrat que le 27 juin 2012, soit une année après la mise en demeure préalable, les stipulations précitées n'imposent aucun délai entre la notification écrite de la mise en demeure et la résiliation du marché. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la résiliation doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4.1 du CCAP du marché en litige : " Le délai d'exécution du lot 5 est fixé à 6 semaines maximum à compter de la notification de l'ordre de service de démarrage des travaux, y compris la période de préparation (...). Les travaux devront avoir lieu de préférence pendant les vacances de Pâques (deuxième quinzaine d'avril 2010) ". Il résulte de l'instruction que le début des travaux a été fixé au 24 novembre 2010 par un ordre de service du 17 novembre précédent, tandis que leur date d'achèvement, initialement fixée au 5 janvier 2011, a été repoussée à la fin de ce mois en raison d'intempéries. Si la société requérante, qui a en tout état de cause bénéficié d'un délai d'exécution équivalent à celui mentionné à l'article 4.1 précité, se prévaut de ce décalage et de ce que son intervention a dû être interrompue à plusieurs reprises en novembre et décembre 2010 en raison de conditions météorologiques difficiles, ces circonstances ne sont pas de nature à expliquer les désordres et malfaçons constatés un an plus tard, en octobre 2011, ainsi qu'en février 2012. En outre, si l'intéressée soutient que le maître d'ouvrage a en réalité imposé cette exécution différée des travaux en raison de la présence sur la terrasse d'une cheminée d'évacuation de gaz toxiques, très active pendant les mois d'été, et que ce problème, qui n'avait pas été porté à sa connaissance, a conduit l'administration à suspendre le chantier une seconde fois, à partir du mois de juin 2011, elle ne l'établit pas par la seule production d'un plan de prévention établi le 15 novembre 2010 par la faculté de médecine Paris Sud, lequel se borne à signaler la " présence de conduites de fluides ".

18. En troisième lieu, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ soutient qu'à partir de septembre 2011, l'Université Paris Sud 11 a interdit l'accès au chantier à son personnel, ce qui l'a empêchée d'achever les travaux et a eu pour effet de laisser le toit-terrasse sans aucune protection jusqu'à l'intervention de l'expert en février 2012. Toutefois, il est constant que, dès le 21 mars 2011, l'Université Paris Sud 11 a demandé à la requérante d'achever les travaux " dans les délais les plus rapides ". Si la société requérante verse au dossier la copie d'une télécopie du 7 juin 2011, par laquelle elle a proposé à l'administration d'intervenir pour effectuer une reprise d'étanchéité, il résulte de l'instruction, et notamment de l'état des lieux effectué le 11 octobre 2011, que de nombreux désordres n'ont jamais été traités par l'intéressée. En outre, l'administration lui a adressé le 29 juillet 2011 une mise en demeure d'exécuter les travaux, restée sans effet. A cet égard, si la société requérante fait valoir que, par un courrier du 14 juin 2012, elle a proposé de poursuivre l'exécution des travaux, en tenant compte des préconisations et constatations de l'expert judiciaire, cette proposition doit être regardée comme tardive. Il résulte ainsi de l'instruction que la requérante a disposé du temps nécessaire, après la date théorique de fin des travaux, pour respecter ses obligations contractuelles. Enfin, si la société requérante soutient qu'elle a recommandé en vain à l'administration de mettre provisoirement en place les protections nécessaires, il résulte de ce qui précède qu'elle a disposé du temps nécessaire afin de procéder à cette installation, laquelle lui incombait en vertu des stipulations du marché. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Université Paris Sud 11 l'aurait empêchée d'honorer ses obligations contractuelles.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 48 du cahier du CCAG Travaux : " 48.1 L'ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. / L'entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités prévues à l'article 14. (...) ".

20. Si la société requérante soutient qu'en lui interdisant l'accès au chantier à compter du mois de septembre 2011, l'Université Paris Sud 11 doit être regardée comme repris la garde de l'ouvrage à compter de cette date et, par suite, comme étant la seule responsable des désordres liés aux intempéries, il résulte des stipulations précitées que, dans l'hypothèse d'un ajournement des travaux comme en l'espèce, l'entrepreneur conserve la garde du chantier jusqu'à l'achèvement des prestations. En tout état de cause, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction que les désordres sont apparus antérieurement à septembre 2011.

21. Enfin, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ soutient que l'administration a reconnu que sa responsabilité était engagée à hauteur de 40 %, pour avoir commis des erreurs et ne pas avoir surveillé l'exécution du chantier. Toutefois, s'il est vrai que le document intitulé " suivi chantier de la terrasse / été 2011 ", établi par l'Université et annexé au rapport de l'expert, mentionne, à la date du 21 juillet 2011, une " part de responsabilité de l'université à pratiquement 40 % " selon l'analyse du directeur du patrimoine, cette simple mention est contredite tant par l'état des lieux détaillé réalisé le 10 octobre suivant que par les constatations circonstanciées de l'expert.

22. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Université dans la survenance des désordres n'est pas établie et que la société requérante n'ayant pas répondu à la mise en demeure d'exécuter les travaux qui lui a été adressée, la résiliation du marché ne peut être regardée comme abusive ou contraire au principe de loyauté des relations contractuelles.

Sur les préjudices subis par l'Université :

23. En premier lieu, le montant des désordres subis par l'Université du fait des fautes commises par le titulaire dans l'exécution du marché s'établit, sans que cela soit contesté, à la somme de 21 424,21 euros TTC. L'Université est ainsi fondée à demander la condamnation de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ à lui verser cette somme.

24. En second lieu, l'Université se borne en appel comme en première instance à demander la condamnation de son cocontractant à lui rembourser les sommes qui lui ont été versées en exécution du marché, sans établir le moindre décompte des travaux réalisés par la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ et des sommes nécessaires à la remise en état et à l'achèvement des ouvrages. L'Université ne fait notamment état d'aucun marché de substitution passé pour achever les travaux. Les sommes versées par l'Université en exécution du marché ne sauraient constituer un élément de son préjudice subi du fait des fautes contractuelles de la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ. Dans ces conditions, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ est fondée à demander le versement par l'Université du solde du montant global et forfaitaire du marché.

Sur le solde :

25. Il résulte de l'instruction, en particulier des documents comptables produits par l'Université, que la société requérante a reçu en exécution du marché litigieux la somme de 62 746,59 euros TTC, soit 52 463,70 euros HT et non celle de 49 519,93 euros TTC comme elle le fait valoir. Eu égard au montant global et forfaitaire du marché s'élevant à la somme de 86 729,55 euros HT, aux sommes déjà versées par l'Université en exécution du marché en litige, soit 52 463,70 euros HT, la société requérante est fondée à demander le paiement du solde du marché, soit 34 265,85 euros HT et 41 119,02 euros TTC, sous déduction du préjudice subi par l'Université s'élevant à 21 424,21 euros TTC. Ainsi, la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ est fondée à demander la condamnation de l'Université Paris Saclay à lui verser la somme de 19 694,81 euros TTC.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser la somme de 84 168 euros à l'Université Paris Sud 11. Ce jugement doit être annulé.

Sur les frais d'expertise :

27. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 546 euros, à la charge de l'Université Paris Saclay, partie perdante.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par l'Université Paris Saclay. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement à la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ de la somme de 2 000 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1301061 du Tribunal administratif de Versailles du 16 mai 2017 est annulé.

Article 2 : L'Université de Paris Saclay est condamnée à verser à la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ la somme de 19 694,81 euros TTC.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 546 euros, sont mis à la charge de l'Université Paris Saclay.

Article 4 : L'Université Paris-Saclay versera la somme de 2 000 euros à la SOCIÉTÉ FRANCE ETANCHÉITÉ au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 17VE02243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02243
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SELARL CALLON AVOCAT et CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-10;17ve02243 ?
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