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24/11/2020 | FRANCE | N°18VE02679

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 novembre 2020, 18VE02679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LOISON a demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 pour des montants respectifs de 61 815 euros, 62 297 euros, 62 866 euros et 63 239 euros, et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 25 février 2018, le président de la s

ection du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-8 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LOISON a demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 pour des montants respectifs de 61 815 euros, 62 297 euros, 62 866 euros et 63 239 euros, et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 25 février 2018, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a transmis au Tribunal administratif de Montreuil la demande de la SAS LOISON.

Par un jugement n° 1742874 du 14 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 juillet 2018 et les 17 juin, 19 juillet, 23 décembre 2019, la SAS LOISON, représentée par Me Mermillon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la réduction sollicitée à hauteur de 61 815 euros au titre de l'année 2013, 62 027 euros au titre de l'année 2014, 62 866 euros au titre de l'année 2015 et 63 084 euros au titre de l'année 2016 ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ainsi que d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;

- le service a, à tort, regardé l'activité exercée dans l'établissement d'Armentières comme revêtant un caractère industriel au sens et pour l'application des articles 1469, 1496, 1498 et 1499 du code général des impôts.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) LOISON, qui exploite un établissement situé rue des Deux Ponts à Armentières (Nord), est spécialisée dans trois domaines de vente que sont la serrurerie, la menuiserie aluminium et les structures et charpentes métalliques. A cette fin, elle exerce des activités notamment de conception, de fabrication et de pose d'ouvrages et matériels métalliques. Elle a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016, à raison de cet établissement, pour des montants de, respectivement, 103 804, 104 666, 104 631 et 105 002 euros. La SAS LOISON fait appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de ces impositions, en faisant valoir que cet établissement ne pouvait être regardé comme industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts.

2. En vertu de l'article 1469, alors en vigueur, du code général des impôts, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

3. Il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise produit par la SAS LOISON, que celle-ci exerce, dans le cadre de son établissement situé à Armentières, son activité de fabrication d'ouvrages métalliques au sein de cinq ateliers dits Tolerie, Métallerie, Traitement, Structure et Aluminium, représentant une surface brute totale de 3 805 m², comprenant une surface hors stockage et circulation de 2 285 m² et des surfaces occupées par les machines de 423 m². Ainsi, 11 % des surfaces de productions sont occupées par des machines, celles restantes étant occupées par des postes de travail manuels, utilisées pour du stockage ou servant d'allées de circulation. L'annexe 1 à ce rapport détaille et illustre par des photographies les nombreux matériels industriels figurant dans quatre des ateliers tels que des perceuses à colonne, une presse pliage, une unité d'usinage de profilés, des grueuses et poinçonneuses ou encore une cintreuse. Cette même annexe révèle que le cinquième atelier, dit " Traitement ", est doté d'une cabine de peinture, d'une cabine de sablage ainsi que d'une cabine de métallisation. Par ailleurs, il résulte des propres écritures de la SAS LOISON que la valeur des immobilisations inscrites en tant que " matériels industriels " au compte 2154 s'élevait à 312 288 euros aux 31 décembre 2011 et 2012, 388 771 euros au 31 décembre 2013 et 448 231 euros au 31 décembre 2014 et que si elle fait état de ce qu'une partie de celles-ci serait utilisée sur les chantiers, elle admet, dans le même temps, que la valeur de l'outillage et matériel technique d'atelier varie entre 200 et 300 000 euros selon les années et qu'une part des immobilisations était utilisée indifféremment sur chantier ou en atelier. Si elle avance également le fait que cet outillage comprendrait un nombre très important de petits matériels, elle n'en justifie pas par les seules pièces qu'elle produit alors, d'une part, qu'il ressort, à l'inverse, du détail des immobilisations, annexé à l'expertise susmentionnée, que celles-ci comprennent de nombreux équipements techniques importants, d'autre part, que les photographies susmentionnées attestent de la présence de machines industrielles et, enfin et en tout état de cause, que l'outillage en cause, s'il n'est pas assimilable à des équipements lourds, a néanmoins le caractère de matériels industriels, ainsi que le révèle leur valeur unitaire qui atteint plusieurs milliers d'euros pour certains d'entre eux, d'ailleurs comptabilisés dans un compte intitulé " matériel industriel " au bilan de la société. La liste des acquisitions de matériels et outillages à fin 2014, produite par la SAS LOISON, révèle encore que des équipements lourds, tels un manipulateur pneumatique, une potence, un chariot tracteur ou encore une encocheuse, ont été acquis. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, et sans qu'il y ait lieu de rapporter la valeur de ces matériels et outillage, à la valeur des immobilisations de la société ou de comparer ces équipements aux moyens humains requis, la SAS LOISON doit être regardée comme ayant mis en oeuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques pour l'exercice de ses activités.

4. Cependant, la SAS LOISON exerce, sur le site d'Armentières, outre cette activité de fabrication de charpentes et de menuiseries métalliques, une activité dite de " conception " consistant en la gestion, l'organisation et la réalisation d'achats de produits finis et matières premières, la conception d'ouvrages, l'optimisation de la logistique en vue d'interventions sur chantiers, la préparation de ces derniers, la rédaction de réponses aux appels d'offres, la gestion administrative et juridique des marchés, la prise de commande ou encore un " back office ". Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, l'établissement d'Armentières sert également d'espace de stockage soit de matières premières utilisées dans le processus de fabrication, soit de produits d'ores et déjà finis, en vue de la pose des ouvrages métalliques, pour le compte de clients, sur des sites d'implantation. Ces activités, distinctes de celle de fabrication de charpentes et de menuiseries métalliques, et auxquelles des surfaces, des volumes d'achat et des effectifs propres sont affectés, ne consistent pas en la fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers. Dans ces conditions, cet établissement ne peut ainsi être regardé comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des installations techniques, matériels et outillages qu'elle met en oeuvre, peut être regardé comme prépondérant dans la conduite de son exploitation prise dans son ensemble.

5. Il résulte de l'instruction que la SAS LOISON mène ses activités de la prise d'affaires jusqu'à la pose des matériels, la conception et la pose constituant son coeur de métier et n'étant que très peu sous-traitées. Elle fait valoir, sans être contestée sur ce point, que l'ensemble des produits posés ne sont pas issus de sa fabrication, la partie principale de ses achats étant constituée par des achats de produits finis, achetés auprès d'industriels, l'achat de matières premières demeurant minoritaire. Le rapport d'expertise qu'elle produit indique que " la conception, les achats et la pose du matériel représentent la plus grande partie de l'activité " et souligne, à cet effet, que seuls 21,6 % des achats concernent la matière transformée en interne par les ateliers de production, 72,7 % des achats de l'entreprise concernant la prestation de service au client et n'étant pas concernés par la fabrication. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment des données chiffrées figurant dans l'expertise susmentionnée et non contestées par l'administration, que la valeur totale des immobilisations " tous types " de l'établissement s'élevait à 1 571 892 euros au 31 décembre 2011, 1 624 935 euros au 31 décembre 2012, 1 904 753 euros au 31 décembre 2013 et 2 138 689 euros au 31 décembre 2014, la valeur des brevets/licences, logiciels, matériels de bureau/informatique et mobilier de bureau constituant près de la moitié de ces montants et s'avérant ainsi supérieurs à ceux, mentionnés au point 3., correspondant à la valeur des immobilisations inscrites dans la comptabilité de l'entreprise en tant que " matériels industriels ", au compte 2154, au titre des mêmes exercices comptables, qui représentaient seulement 20 % environ du montant total des immobilisations " tous types " de ces années, et 10 à 13 % du total des immobilisations corporelles de ces années, ainsi que cela résulte de données produites par la société et non contestées. Le rapport d'expertise révèle d'ailleurs que l'investissement dans les moyens de production ne représentait que 0,22 % en moyenne du chiffre d'affaires annuel. De plus, les ateliers représentaient une superficie totale de 2 230 m², alors que les locaux " administratifs " occupaient une superficie de 1 290 m², les locaux " sociaux " 140 m², le parking 2 120 m², et les surfaces de stockage, de circulation et de chargement un total de 2 130 m². En outre, les frais de fonctionnement des installations techniques équipant les ateliers ont représenté entre 17 et 23 % des frais de fonctionnement globaux de l'entreprise au cours de ces exercices. Par ailleurs, sur les 150 salariés environ que comptait l'effectif de la SAS LOISON, seuls 40 employés étaient affectés aux opérations de fabrication, de transformation et d'ajustage réalisées en atelier, soit 26 % environ de l'effectif total de l'entreprise et 20 % environ de sa masse salariale, tandis qu'un effectif d'un peu plus de 50 personnes composait les équipes de pose des ouvrages sur les chantiers ou de maintenance, les autres salariés, représentant plus du tiers de l'effectif de l'entreprise, étant employés à des missions de conception, de contrôle, de gestion ou d'encadrement. L'expertise produite souligne, d'ailleurs et au surplus, le caractère " artisanal " du savoir-faire de production, avec une part d'industrialisation quasiment nulle, la main-d'oeuvre de fabrication travaillant essentiellement de façon manuelle à l'aide d'outillage individuel. Ainsi, si la SAS LOISON a mis en oeuvre, dans le cadre de l'exercice de ses activités, des moyens techniques importants, le rôle exercé par ces derniers ne peut être regardé comme prépondérant au vu de l'ensemble des activités exercées au sein de l'établissement. Il suit de là que l'administration fiscale n'était pas fondée à estimer que cette société exploitait un établissement industriel au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SAS LOISON est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à demander la réduction des cotisations de contribution foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016, à raison de la substitution de la méthode par comparaison prévue à l'article 1498 du code général des impôts à la méthode comptable prévue à l'article 1499 et retenue par le service. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS LOISON et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1742874 du 14 juin 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les cotisations de contribution foncière des entreprises auxquelles la SAS LOISON a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 sont réduites à raison de la substitution de la méthode par comparaison prévue à l'article 1498 du code général des impôts à la méthode comptable prévue à l'article 1499 et retenue par le service.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS LOISON la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE02679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02679
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP MERMILLON RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-24;18ve02679 ?
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