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12/11/2020 | FRANCE | N°17VE03741

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 17VE03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme C... B... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'ordonner à la société ERDF de supprimer ou à défaut de déplacer un poteau électrique situé sur leur propriété sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la société ERDF à leur verser la somme de 5 500 euros en réparation de leurs préjudices avec intérêts au taux légal, à titre subsidiaire d'ordonner une expertise et de mettre à la charge de la société ERDF la somme de 1 500 euros en applicati

on des dispositions de l'article L . 761-1 du code de justice administrative.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme C... B... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'ordonner à la société ERDF de supprimer ou à défaut de déplacer un poteau électrique situé sur leur propriété sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la société ERDF à leur verser la somme de 5 500 euros en réparation de leurs préjudices avec intérêts au taux légal, à titre subsidiaire d'ordonner une expertise et de mettre à la charge de la société ERDF la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L . 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500865 du 20 octobre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la société Enedis à verser à M. A... et Mme B... la somme de 500 euros au titre de leurs préjudices matériels, a mis à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 12 décembre 2017 et le 26 avril 2020, M. A..., représenté par Me Callon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en ce qu'il n'a alloué que la somme de 500 euros en réparation de ses préjudices ;

2° d'ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la suppression ou, à défaut, le déplacement de l'ouvrage public litigieux en dehors de sa propriété aux frais de la société Enedis ;

3° de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 5 500 euros en réparation de ses préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

4° de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le poteau litigieux est irrégulièrement implanté sur sa propriété ; il a endommagé la toiture de l'annexe de son habitation et, même après son déplacement, continue de créer une gêne et empêche la réalisation de travaux sur ladite annexe ;

- en raison de sa qualité de tiers à un ouvrage public, il doit être indemnisé par la société Enedis à hauteur de 500 euros en réparation du préjudice matériel subi et de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., pour la société Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire depuis le 1er septembre 2009 d'une maison et d'un terrain situés au n°17 de la rue Philippe Paget sur le territoire de la commune de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines). Par un courrier en date du 31 décembre 2010, M. A... s'est plaint auprès de la société ERDF, devenue Enedis, des nuisances causées par un poteau électrique en bois installé en bordure de la façade de l'annexe de son habitation donnant sur la voie publique. M. A... a demandé à la société Enedis de mettre un terme le plus rapidement possible à ces nuisances et de prendre à sa charge les réparations du bâtiment. A la suite de ce courrier, la société Enedis a déplacé le poteau litigieux, qui se trouve cependant encore en lisière de la façade de l'annexe. M. A... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 20 octobre 2017 qui a seulement condamné la société Enedis à lui verser la somme de 500 euros au titre des préjudices matériels et rejeté ses conclusions tendant à la démolition ou au déplacement de ce poteau électrique. Par la voie d'appel incident, la société Enedis demande l'annulation de ce jugement.

Sur les conclusions à fins de démolition ou de déplacement du poteau électrique :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition ou le déplacement à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition ou du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition ou le déplacement n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... est devenu propriétaire, par acte notarié en date du 1er septembre 2009, des parcelles cadastrées section AC n° 228, 230 et 238 comprenant un bâtiment à usage d'habitation avec dépendances et terrain situés sur la commune de La Celle-Saint-Cloud. Il ressort des plans cadastraux et des photographies fournies que même après son déplacement par la société Enedis, le poteau litigieux, ouvrage public supportant une ligne de distribution d'électricité et un éclairage public, demeure implanté à proximité immédiate de la façade d'un bâtiment annexe de la propriété de M. A.... La configuration des lieux permet de considérer que le poteau litigieux est implanté sur la parcelle cadastrée section n° 230 appartenant au requérant constituée pour partie d'une bande d'environ 75 centimètres le long de la façade sur rue de cette annexe. La société Enedis, qui se borne à contester l'existence d'une implantation de ce poteau électrique sur la propriété du requérant, ne se prévaut d'aucun titre et d'aucun accord justifiant cette implantation. Dans ces conditions, ce poteau électrique doit être regardé comme irrégulièrement implanté sur la propriété de M. A....

4. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction qu'une régularisation de l'implantation du poteau litigieux n'apparaît pas envisageable à la date du présent arrêt, les perspectives d'un accord amiable entre M. A... et la société Enedis étant inexistantes et la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique pas même évoquée par cette dernière.

5. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par M. A..., que le poteau litigieux est implanté à quelques centimètres du mur et de la gouttière du bâtiment annexe à son habitation. Cette implantation est susceptible de gêner la réalisation des travaux de réparation et d'entretien de ce bâtiment. La société Enedis, qui se borne à contester le caractère irrégulier de l'implantation de l'ouvrage litigieux, n'invoque aucun élément technique ou financier faisant obstacle à la démolition ou au déplacement de ce poteau électrique. Dans les circonstances de l'espèce, cette démolition ou ce déplacement ne peut être regardé comme entraînant une atteinte excessive à l'intérêt général.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère grave et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

7. Il résulte de l'instruction, sans que cela ne soit contesté par la société Enedis, qu'avant son déplacement, le poteau litigieux prenait appui sur la toiture du bâtiment annexe de la propriété de M. A... et avait endommagé la gouttière et la toiture dudit bâtiment. Un rapport établi à la demande de l'assureur du requérant le 4 juillet 2011 a conclu à l'imputabilité de ses dommages à ce poteau électrique et a évalué son préjudice à la somme de 500 euros. M. A... a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage. Le dommage directement causé par la présence de ce poteau électrique étant supérieur aux inconvénients affectant tout riverain d'un ouvrage public permettant la distribution d'électricité, celui-ci présente dans les circonstances de l'espèce un caractère grave et spécial.

8. Il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi par le requérant en l'évaluant à la somme de 500 euros tous intérêts compris. En outre, M. A... se prévaut également d'un préjudice de jouissance et moral résultant de l'inertie de la société Enedis et des désagréments subis. Toutefois, alors même que l'implantation irrégulière de l'ouvrage en litige perdure depuis plusieurs années, cette implantation ne peut être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce compte tenu de l'endroit même où elle est située, dans un espace non clos jouxtant la voie publique, comme ayant causé au requérant un préjudice de jouissance et moral. Ainsi, l'existence même d'un tel préjudice n'est pas établi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de démolir ou de déplacer le poteau électrique litigieux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la société Enedis de démolir ou de déplacer ce poteau dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'est pas établi, en tout état de cause, que M. A... aurait été indemnisé par son assureur. Par suite, les conclusions d'appel incident de la société Enedis doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de La Celle-Saint-Cloud une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ses frais d'avocat auraient été pris en charge par son assureur, il y a lieu de mettre à la charge de la société Enedis le versement à M. A... une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il est enjoint à la société Enedis de démolir ou de déplacer, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, le poteau de distribution électrique en bois supportant la ligne électrique et l'éclairage public situé sur la propriété de M. A....

Article 2 : Le jugement n° 1500865 du Tribunal administratif de Versailles du 20 octobre 2017 est réformé en ce qu'il contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Enedis versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

2

N° 17VE03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03741
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-05 Travaux publics. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SELARL CALLON AVOCAT et CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-12;17ve03741 ?
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