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20/10/2020 | FRANCE | N°19VE03857

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 19VE03857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie priv

ée et familiale " ou, à défaut de réexaminer sa situation et, en troisième li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut de réexaminer sa situation et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1813298 du 17 octobre 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 5 décembre 2018, enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, le PREFET DE LA

SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- les premiers juges ont, à tort, estimé que l'arrêté contesté était illégal, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour alors que M. C... n'établit pas sa résidence habituelle et effective en France depuis dix ans ;

- les autres moyens soulevés par M. C... devant les premiers juges ne sont pas fondés.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant égyptien né le 19 août 1977 à Gherbeya (Egypte), a sollicité, le 23 août 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du

5 décembre 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a notamment annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement la condition de résidence habituelle de dix ans précité.

3. Pour annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, les premiers juges ont estimé cette décision illégale, faute d'avoir été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour. Ils ont estimé, à cette fin, que M. C... justifiait d'une présence habituelle en France depuis au moins dix ans à la date de l'arrêté attaqué.

4. M. C... soutient qu'il est entré en France en 2002 et qu'ainsi à la date de la décision contestée, il résidait ainsi en France de façon habituelle depuis plus de dix ans. Néanmoins, les documents produits au dossier pour la période 2009 à 2015, qui consistent essentiellement en des pièces médicales, s'ils attestent de la présence ponctuelle de M. C... en France aux dates mentionnées sur ces documents, ne démontrent pas sa résidence permanente sur le territoire au cours de ces années, notamment entre juin et novembre 2009, entre novembre 2010 et avril 2011 ou encore entre juillet 2011 et février 2012. Par suite, le requérant n'établit pas sa présence habituelle sur le territoire français entre 2008 et 2018, soit depuis plus de dix ans. Par voie de conséquence, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'était pas tenu de saisir, pour avis, la commission du titre de séjour. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance, sur ce point, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 5 décembre 2018 pris à l'encontre de

M. C....

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur la décision portant refus de séjour :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise ou mentionne, notamment, les articles

L. 511-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise, en particulier, que M. C..., célibataire et sans charge de famille, ne fait valoir aucune attache familiale en France alors que le centre de ses intérêts se situe dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans, ne justifie pas d'une insertion professionnelle en France, ni d'aucune perspective professionnelle pour prétendre à une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié et qu'ainsi, il n'allègue d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire à l'appui de sa demande de titre de séjour pour qu'il puisse prétendre au bénéfice de l'article

L. 313-14. Dès lors, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de ce que le préfet n'aurait pas explicitement fait état des éléments apportés à l'appui de sa demande, éléments dont il ne justifie d'ailleurs pas de la production devant le préfet, le caractère suffisant de la motivation n'étant pas subordonné à l'indication de l'intégralité des éléments de fait.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus d'admission au séjour, que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'aurais pas pleinement apprécié, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, l'opportunité de régulariser la situation administrative de

M. C.... Par suite, les moyens tirés de ce que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'aurait pas procédé à un examen particulier de situation administrative et, par suite, commis une erreur de droit, ne peuvent qu'être écartés comme manquant en fait.

8. En troisième lieu, pour les motifs rappelés au point 4. du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait entaché son arrêté d'une erreur de fait en estimant que M. C... ne justifiait pas d'une présence de plus de dix ans en France ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article

L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

10. M. C... fait valoir qu'il est entré en France en 2002, qu'il justifie y résider habituellement depuis plus de dix ans et qu'il y est inséré. Toutefois, il ne justifie, ni même ne précise la nature de l'insertion dont il se prévaut. Par ailleurs, la durée de sa résidence en France, au demeurant non établie ainsi qu'il a été rappelé au point 4., ne constitue pas à elle seule un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens des dispositions de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, s'il produit un contrat de travail conclu seulement en 2017 et des bulletins de salaire, établissant qu'il exerçait l'emploi de peintre à la date de la décision attaquée, ces pièces, dont il ne se prévaut d'ailleurs pas, ne sont toutefois pas davantage suffisantes pour établir qu'en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

12. En l'espèce, M. C... se prévaut d'une présence continue en France depuis plus de seize ans ainsi que d'une insertion réussie au sein de la société française où se situerait le centre de ses attaches sociales et culturelles. Toutefois et d'une part, ainsi qu'il a été indiqué au point 4., il ne justifie pas du caractère habituel de sa présence depuis 2008, ni d'ailleurs avant cette date. D'autre part, il ne justifie, ni même ne fait état, d'aucune forme d'intégration dans la société française. S'il produit notamment un contrat de travail à durée indéterminée en tant que peintre, celui-ci, signé le 10 février 2017 et qui est donc très récent, ne témoigne pas d'une particulière et ancienne intégration professionnelle en France. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

13. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation de M. C.... Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :

14. Pour les motifs de fait rappelés aux points 8., 10. à 14., les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation, méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour :

15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction alors applicable : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

16. M. C..., qui bénéficie en application de l'article 3 de l'arrêté contesté d'un délai de départ volontaire de trente jours pour mettre à exécution la mesure d'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, relève du champ d'application des dispositions du quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, qui prévoit que le préfet peut prononcer une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de deux ans. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté que le préfet s'est fondé sur les dispositions du premier alinéa du III de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, applicable lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger et qui prévoit que le préfet est tenu de prononcer une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. Par suite, en se fondant sur les dispositions du premier alinéa, alors que M. C... bénéficiait d'un délai de départ volontaire, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a méconnu le champ d'application de la loi. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français,

M. C... est fondé à demander l'annulation de cette décision.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 5 décembre 2008, sauf en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français de deux années incluse dans cet arrêté. Dans cette mesure, il y a lieu de réformer le jugement 17 octobre 2019 du Tribunal administratif de Montreuil.

18. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle consistant à supprimer le signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. Les conclusions à fin d'injonction présentées, devant les premiers juges et en appel, par M. C... ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

19. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de réformer le jugement contesté en ce qu'il met à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en remboursement des frais supportés par

M. C... dans le cadre de l'instance devant le tribunal, et dès lors, les conclusions présentées à cette fin par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS doivent être rejetées. Il n'y a pas non plus lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée en appel par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la demande présentée par M. C... tendant à l'annulation des décisions du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 5 décembre 2018 lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que celles à fin d'injonction sont rejetées.

Article 2 : Le jugement n° 1813298 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS et des conclusions présentées en appel par M. C... est rejeté.

6

N° 19VE03857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03857
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : DIOP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-20;19ve03857 ?
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