Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire émis le 12 février 2014 par lequel la commune de Pantin a mis à sa charge la somme de 2 835,15 euros et de condamner ladite commune à lui verser la somme de 14 561,67 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 1604636 du 13 juillet 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 15 septembre 2017, le 21 octobre 2019, le 12 décembre 2019 et le 17 juin 2020, Mme D..., représentée par Me Toinette, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler le titre exécutoire émis le 12 février 2014 par la commune de Pantin ;
3° de condamner la commune de Pantin à lui verser, à titre principal, une somme de 14 561,67 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation du 13 janvier 2014 concernant la somme correspondant au service fait en décembre 2013 et à compter de sa demande préalable du 19 février 2016 concernant les autres sommes demandées, ou, à titre subsidiaire, une somme totale de 7 999,45 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son défaut d'immatriculation, assortie des intérêts au taux légal ;
4° de mettre à la charge de la commune de Pantin la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire étaient dirigées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- le titre exécutoire tend à remettre irrégulièrement en cause une décision administrative individuelle créatrice de droits constituée par le versement de ses salaires sans prélèvement des cotisations sociales, au-delà du délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;
- ce titre n'est pas motivé en ce qu'il n'indique pas les bases de la liquidation de la somme en cause ;
- ce titre ne permet pas d'identifier son auteur et sa qualité, contrairement aux obligations prévues aux articles L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la saisie de l'intégralité de son salaire du mois de décembre 2013 au-delà de la quotité saisissable, l'a conduite à estimer qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement par la commune de Pantin, dont elle a pris acte et est constitutive d'une faute de la commune, cette saisie étant par ailleurs dépourvue de base légale en l'absence d'édiction préalable d'un titre de recettes ;
- elle a subi des préjudices du fait de ce licenciement et de sa saisie sur salaire, qu'elle évalue à une somme totale de 14 561,67 euros correspondant à 1 164,30 euros au titre du service fait en décembre, 3 367,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés, 3 789,66 euros au titre de l'indemnité pour non-respect du délai de préavis, 2 240,55 euros au titre de son indemnité de licenciement et 4 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, son absence d'immatriculation par la commune de Pantin au régime de sécurité sociale constitue une faute de la commune qui lui a causé des préjudices constitués par le montant réclamé par la commune au titre du remboursement des cotisations salariales, soit une somme de 2 835,15 euros, le montant de sa saisie sur salaire du mois de décembre 2013, soit une somme de 1 164,30 euros, ainsi que par les troubles dans ses conditions d'existence et le préjudice moral subis, qu'elle évalue à la somme de 4 000 euros.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Orio, président assesseur
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour Mme D... et de Me B... pour la commune de Pantin
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée par la commune de Pantin comme médecin généraliste remplaçant au sein du pôle " centre de santé " de la commune, à compter du 21 mars 2013. A la suite d'une saisie de son salaire du mois de décembre 2013 et de l'émission à son encontre, le 12 février 2014, d'un titre exécutoire d'un montant de 2 835,15 euros émis en régularisation de cotisations sociales non précomptées sur ses précédentes rémunérations, Mme D... a cessé d'exercer ses fonctions. Par un courrier du 19 février 2016, elle a demandé l'abrogation du titre de recettes et le versement d'indemnités en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Mme D... relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux. ". En vertu de l'article L. 142-2 du même code : " Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale (...) " et aux termes de l'article L. 142-3 : " Les dispositions de l'article L. 142-2 ne sont pas applicables : (...) 3° aux recours formés contre les décisions des autorités administratives ou tendant à mettre en jeu la responsabilité des collectivités publiques à raison de telles décisions (...) ".
3. Il résulte de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale que les juridictions instituées par cet article sont compétentes pour connaître des litiges auxquels donne lieu l'application de la législation sur la sécurité sociale qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux. Il en est ainsi même dans le cas où les décisions contestées sont prises par une autorité administrative, dès lors que ces décisions sont inhérentes à la gestion d'un régime de sécurité sociale. En ce qui concerne notamment les fonctionnaires ou agents de l'Etat ou des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause mais à la nature même du différend.
4. La demande présentée par Mme D... tendait notamment à l'annulation du titre exécutoire émis le 12 février 2014 par la commune de Pantin, portant sur la régularisation de cotisations sociales non précomptées sur ses précédentes rémunérations. Par suite, et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ces conclusions en annulation ne ressortissent pas à la compétence des juridictions administratives.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sur les conclusions indemnitaires et pécuniaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Pantin :
5. En premier lieu, si Mme D... soutient qu'elle a pu prendre acte de son licenciement du fait de la saisie illégale de l'intégralité de son salaire de décembre 2013, il résulte toutefois de l'instruction que celle-ci, qui ne conteste pas avoir été informée au préalable par la gestionnaire du service paie de la commune du recouvrement prochain d'une partie des sommes dues au titre des cotisations sociales sur son salaire du mois de décembre, a de sa propre initiative décidé de cesser d'exercer ses fonctions. Sa situation ne saurait, dès lors, être qualifiée de licenciement alors, en outre, qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe général qu'une saisie sur salaire, qu'elle excède ou non la quotité saisissable, aurait pour conséquence la rupture d'un contrat de travail. Par suite, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, Mme D... ne peut être regardée comme ayant fait l'objet d'une décision illégale de licenciement.
6. En deuxième lieu, il appartient à un comptable public d'opérer le cas échéant une compensation entre le montant des sommes dues à un agent et le montant des sommes dues par cet agent et dont le recouvrement est poursuivi. Cette compensation, ayant lieu de plein droit, peut être opposée par le comptable sans qu'il soit besoin que l'autorité administrative compétente ait rendu exécutoire l'ordre de reversement. Une telle compensation constitue une mesure purement comptable qui n'est soumise à aucune formalité ni à aucune procédure particulière. En conséquence, si Mme D... conteste la saisie sur salaire dont elle a fait l'objet en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un titre exécutoire, cette saisie, qui traduit la compensation entre la somme qui lui était due au titre du service fait et les sommes qu'elle devait au titre de la régularisation de cotisations sociales non précomptées sur ses rémunérations mensuelles antérieures, n'était pas soumise à une telle formalité. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré Mme D... non fondée à soutenir que l'absence de titre exécutoire émis antérieurement à la saisie serait constitutive d'une illégalité susceptible d'engager la responsabilité pour faute de la commune de Pantin.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 3252-2 du code du travail, rendu applicable aux agents publics par l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution : " (...) les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d'un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Le barème fixant la proportion saisissable des rémunérations est fixé par l'article R. 3252-2 du même code, qui disposait, dans sa rédaction alors applicable, que : " La proportion dans laquelle les sommes dues à titre de rémunération sont saisissables ou cessibles, en application de l'article L. 3252-2, est fixée comme suit : / 1° Le vingtième, sur la tranche inférieure ou égale à 3 670 € ; / 2° Le dixième, sur la tranche supérieure à 3 670 € et inférieure ou égale à 7 180 € ; / 3° Le cinquième, sur la tranche supérieure à 7 180 € et inférieure ou égale à 10 720 € ; / 4° Le quart, sur la tranche supérieure à 10 720 € et inférieure ou égale à 14 230 € ; / 5° Le tiers, sur la tranche supérieure à 14 230 € et inférieure ou égale à 17 760 € ; / 6° Les deux tiers, sur la tranche supérieure à 17 760 € et inférieure ou égale à 21 330 € ; / 7° La totalité, sur la tranche supérieure à 21 330 €. ".
8. Il est constant que la commune de Pantin a procédé à une saisie sur le salaire du mois de décembre de l'année 2013 de Mme D..., qui avait pour objet la récupération, auprès de cet agent, de sommes versées par la commune au titre des cotisations sociales aux organismes concernés, et qui ne saurait dès lors être qualifiée de modification substantielle du contrat de travail. En effectuant une retenue correspondant à l'intégralité de son traitement du mois de décembre 2013, qui a ainsi nécessairement excédé la quotité saisissable au regard du montant du traitement net mensuel de l'intéressée, la commune de Pantin a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 3252-2 du code du travail et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
9. En quatrième lieu, il incombait à la commune, en sa qualité d'employeur, d'entreprendre les démarches nécessaires à l'affiliation de ses agents au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires. Dès lors, comme l'ont relevé les premiers juges, le retard d'affiliation de Mme D..., entraînant une saisie sur salaire et l'émission du titre exécutoire du 12 février 2014, est susceptible de caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Pantin, quand bien même la requérante aurait pu s'apercevoir de cette omission fautive à la lecture de ses bulletins de salaire.
En ce qui concerne les préjudices :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt qu'en l'absence de tout licenciement, Mme D... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice tiré de l'édiction d'une telle mesure. Par suite, ses conclusions indemnitaires relatives à la perte de l'indemnité compensatrice de congés, à l'indemnité pour non-respect du délai de préavis et à l'indemnité de licenciement doivent être rejetées.
11. En second lieu, s'agissant des préjudices invoqués du fait de l'absence d'immatriculation aux organismes sociaux, Mme D... n'est pas fondée à solliciter une indemnisation pour le montant imposé par la commune pour régulariser le paiement de ses cotisations, dès lors que celles-ci étaient dues. Par ailleurs, le préjudice que constitue pour Mme D... le dépassement de la quotité saisissable ne saurait être constitué par le montant irrégulièrement saisi, mais par les effets de cette saisie irrégulière. En l'espèce, Mme D... est bien fondée à soutenir que le caractère excessif de cette saisie et son retard d'affiliation au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires, sont à l'origine de troubles dans ses conditions d'existence et d'un préjudice moral. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par la requérante en fixant à 1 500 euros le montant de sa réparation, cette somme portant intérêts à compter de sa demande préalable reçue le 22 février 2016.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté en totalité sa demande indemnitaire et à obtenir la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pantin une somme de 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions que la commune de Pantin présente en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La commune de Pantin est condamnée à verser à Mme D... une indemnité d'un montant de 1 500 euros, assortie des intérêts à compter du 22 février 2016.
Article 2 : Le jugement n° 1604636 du 13 juillet 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Pantin versera à Mme D... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Pantin présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande devant le tribunal administratif est rejeté.
N° 17VE02943 2