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06/10/2020 | FRANCE | N°19VE01632

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 19VE01632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse D..., a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2018 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a décidé qu'à l'expiration de ce délai, elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel elle établirait être légaleme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse D..., a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2018 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a décidé qu'à l'expiration de ce délai, elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel elle établirait être légalement admissible, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1804258 du 26 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2019, Mme A... épouse D..., représentée par Me Gerard, avocat, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou tout autre titre de séjour auquel elle pourrait prétendre, notamment un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard en application des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5° de mettre à la charge de l'État les dépens et le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, ainsi que d'une erreur manifeste des conséquences de cette décision sur sa situation, l'incarcération de son conjoint étant sans incidence sur la communauté de vie et la réalité des liens affectifs ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est motivée ni en droit, ni en fait.

Mme A... épouse D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- et les observations de Mme A... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse D..., de nationalité tunisienne, née le

8 septembre 1979, est entrée en France le 20 décembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour après s'être mariée en Tunisie avec un ressortissant français.

Le 30 octobre 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir délivré à Mme A... épouse D... un récépissé de renouvellement de titre de séjour en qualité de conjoint de français pour la période du 17 novembre 2017 au 16 mai 2018, le préfet des Yvelines lui a, par un arrêté du 11 mai 2018, refusé ce renouvellement, fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme A... épouse D... fait appel du jugement du 26 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... épouse D... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 10 de l'accord franco-tunisien et des conséquences de cette décision sur sa situation. Toutefois, ces moyens ont trait au bien-fondé du jugement et ne sont donc pas susceptibles d'en affecter la régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2018 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien susvisé :

" 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ; (...) ".

4. Pour refuser de délivrer à Mme A... épouse D... un titre de séjour en qualité de conjoint de français, le préfet des Yvelines s'est fondé sur le fait que la communauté de vie avait cessé avec son conjoint en s'appuyant sur trois courriers qui lui ont été adressés par ce dernier entre les mois de février 2017 et mars 2018 dénonçant le caractère fictif du mariage contracté en Tunisie. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée sur le territoire français postérieurement à l'incarcération de son conjoint en novembre 2016. Si elle soutient que ces courriers font suite à des disputes du couple au sujet des conditions de vie et de son activité professionnelle, cette allégation n'est corroborée par aucun élément, aucun d'entre eux ne correspondant notamment à la période durant laquelle elle est retournée en Tunisie pour soutenir une thèse en économie. Par ailleurs, si Mme A... épouse D..., qui est hébergée à Mantes-la-Jolie chez sa soeur, établit avoir rendu visite à son époux, alors incarcéré à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, à six reprises entre les mois de septembre 2017 à juin 2018, elle n'a demandé un permis de visite qu'en septembre 2017, soit neuf mois après son entrée sur le territoire français et alors qu'elle s'apprêtait à solliciter le renouvellement de son titre de séjour. Les échanges de messages téléphoniques qu'elle produit ne couvrent que les mois de février à début juin et n'attestent que de la volonté de l'intéressée d'obtenir un courrier de son conjoint revenant sur ses précédentes déclarations. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien que le préfet des Yvelines a refusé à la requérante le renouvellement de son titre de séjour au motif que la réalité de la communauté de vie des époux n'était plus établie.

5. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... épouse D... n'est entrée sur le territoire français qu'à l'âge de trente-sept ans. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la vie commune avec son époux français, dont elle n'a pas d'enfant, a cessé. Si sa soeur est titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, la requérante n'est toutefois pas dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine, où vivent ses parents et un frère et où elle a suivi une formation professionnelle et disposait d'un emploi avant son arrivée en France. En outre, le contrat de travail à durée indéterminée qu'elle produit est postérieur à la décision en litige. Dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse D... n'établissant pas que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une illégalité, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

8. Pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés aux points 4. et 6., la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. La décision en litige est suffisamment motivée dès lors qu'elle comporte les considérations de droit et de fait, qui la fondent, notamment la circonstance que Mme A... épouse D... n'est pas exposée dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en tout état de cause, celles tendant au remboursement des entiers dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... épouse D... est rejetée.

2

N° 19VE01632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01632
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SEDDIKI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-06;19ve01632 ?
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