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22/09/2020 | FRANCE | N°19VE01550

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 septembre 2020, 19VE01550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par une ordonnance n° 1900502 du 30 janvier 2019, la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, M. A..., représenté par

Me Berdugo, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2° d'annuler, pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par une ordonnance n° 1900502 du 30 janvier 2019, la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, M. A..., représenté par Me Berdugo, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande était recevable dès lors que, pour les personnes détenues, le délai de recours de 48 heures prévu au IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'insuffisance de motivation ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- il n'a pas été en mesure de présenter des observations écrites, ni de se faire assister du mandataire de son choix, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'une insuffisance de motivation ainsi que d'un vice de procédure tiré du défaut de contradictoire ;

- il est dépourvu de base légale en l'absence de risque de fuite ;

- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapporteur de Mme C...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel de l'ordonnance du 30 janvier 2019 par laquelle la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2019 du préfet de l'Essonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant". Aux termes du IV du même article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 : " En cas de détention de l'étranger, celui-ci est informé dans une langue qu'il comprend, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, qu'il peut, avant même l'introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil ".

3. Lorsque les conditions de la notification à un étranger en détention d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai portent atteinte à son droit au recours effectif, garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ne le mettant pas en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant mauritanien dépourvu de titre l'autorisant à séjourner en France, interpelé le 17 janvier 2019 par les services de police de Juvisy-sur-Orge pour conduite d'un véhicule à moteur sans permis de conduire et outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, a été placé en garde à vue puis en détention provisoire le vendredi 18 janvier 2019. M. A... soutient, sans être contredit, qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de communiquer avec son conseil, entre la notification de l'obligation de quitter le territoire sans délai au commissariat le vendredi 18 janvier 2019 à 16 heures 03 et l'entretien avec son conseil lors de sa comparution immédiate devant le Tribunal de grande instance d'Evry le lundi 21 janvier 2019. Dans ces circonstances particulières, alors qu'il n'a au demeurant pas été informé de la possibilité de se faire assister d'un interprète et d'un conseil, ni de la faculté de déposer son recours auprès de l'administration chargée de sa détention, le requérant est fondé à soutenir que sa demande de première instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 21 janvier 2019 à 19 heures 23 n'était pas tardive. C'est dès lors à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles à l'encontre de l'arrêté du 18 janvier 2019 et devant la cour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...).

7. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui vise notamment les disposions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. A... est entré irrégulièrement en France le 30 décembre 2009, qu'il s'est maintenu sur le territoire sans titre de séjour, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire notifiée le 25 avril 2012, suite au rejet de sa demande d'asile, qu'il est célibataire sans enfant et qu'il n'établit pas qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A....

9. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations écrites ni de se faire assister d'un mandataire de son choix avant de prendre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort toutefois des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant de façon générale le respect d'une procédure contradictoire en préalable aux décisions individuelles soumises à l'exigence de motivation, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que M. A... a pu faire valoir ses observations lors de son audition par les services de police. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée du vice de procédure allégué.

10. Si M. A... invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ", il ne donne aucune indication sur les conditions de son séjour en France et ne produit en appel, comme en première instance, que les décisions contestées. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement critiquée porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : /1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). ".

12. La décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire est motivée par la circonstance que celui-ci ne justifie pas de la possession de document d'identité ou de voyage en cours de validité, que son comportement constitue une menace à l'ordre public et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

13. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision refusant un délai de départ volontaire à un étranger objet d'une obligation de quitter le territoire français.

14. Enfin, à supposer que M. A... ne présente pas de risque de fuite dès lors qu'il dispose d'un domicile stable, ce dont il ne justifie pas, le refus de départ volontaire est légalement fondé par la circonstance que le comportement de l'intéressé constitue une menace à l'ordre public et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.

Sur l'interdiction de retour :

15. L'arrêté en litige porte obligation de quitter le territoire français sans délai et détermine le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit, mais ne comporte aucune décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il résulte que les moyens dirigés contre cette décision inexistante, qui sont inopérants, ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2019 doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions à fin d'injonction et de celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Versailles n° 1900502 du 18 janvier 2019 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles est rejeté.

2

N° 19VE01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01550
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-22;19ve01550 ?
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