Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIETE MACIF a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006.
Par un jugement n° 1311929 du 29 juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 août 2015 et 3 février 2016, la SOCIETE MACIF, représentée par Me Mermillon, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer, d'une part, à titre principal, la décharge des suppléments d'impôts maintenus à sa charge, et, à titre subsidiaire, la réduction des suppléments d'impôts précédents à concurrence de la décharge des impositions supplémentaires résultant de la taxation des intérêts de retard restitués et de la fraction des intérêts moratoires ayant couru sur ces seuls intérêts de retard, et, d'autre, part, de prononcer la réduction des suppléments d'impôts excédant la détermination d'une moins-value à long terme d'au plus 24 282 252 euros, en lieu et place de la somme retenue par l'administration pour 27 117 579 euros, l'ensemble devant être assorti des intérêts moratoires ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le litige relatif aux intérêts de retard ne porte pas sur l'application du 2 de l'article 39 du code général des impôts, mais sur l'imposition de leur réintégration dans les résultats imposables de l'exercice clos en 2006 au titre duquel elle a obtenu le remboursement de droits supplémentaires de taxe sur les conventions d'assurances et des intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices clos de 1997 à 1999 ; son argumentation, présentée dès la première instance, repose sur le principe, qui se recommande tant de la jurisprudence que de la doctrine administrative, suivant lequel il existe une symétrie entre le caractère non déductible d'une charge et l'absence d'imposition de sa reprise ;
- la déduction, à tort, au titre de l'exercice clos en 2002, des intérêts de retard des résultats imposables est le fruit d'une erreur, et non d'une décision de gestion opposable ; or une telle erreur, qui n'a aucune incidence fiscale, ouvre seulement à l'administration le droit de la corriger, ce qu'elle a d'ailleurs fait s'agissant des intérêts de retard restitués au titre de l'année 1999, qu'elle a réintégrés dans ses bases imposables lors d'un contrôle sur pièces de ses déclarations en 2007 ;
- en ce qui concerne les intérêts moratoires,
a) à titre principal, ils ne sont imposables que s'ils se rapportent à une imposition déductible, ce qui n'est pas le cas de la taxe sur les conventions d'assurances que l'assureur collecte et reverse pour le compte de l'assuré ;
b) à titre subsidiaire, elle sollicite la décharge de la seule fraction des intérêts moratoires calculés sur les intérêts de retard, dès lors que ces derniers ne sont pas eux-mêmes déductibles pour l'application du 2 de l'article 39 du code général des impôts ; cette quote-part d'intérêts moratoires s'élève à la somme de 407 372 euros ;
- c'est à tort que l'administration a regardé la moins-value de cession, d'un montant de 28 617 593 euros, comme étant constitutive d'une moins-value à court terme, pour seulement 1 500 013 euros portant sur la cession, le 21 juin 2006, des titres " Socano III " ; en effet, le code de commerce qualifie de " titres nouveaux ", ceux issus d'une augmentation de capital consécutive à un " coup d'accordéon " ; quant à la jurisprudence judiciaire, elle écarte toute idée de continuité entre les parts nouvelles issues de l'augmentation de capital et celles annulées résultant de la réduction de capital ; subsidiairement, l'éventuelle fraction taxable selon le régime du court terme de la moins-value de cession des titres " Socano III " doit être calculée au prorata du nombre d'actions souscrites, et non en fonction des apports versés, comme l'a fait à tort le tribunal, et ainsi d'ailleurs que le confirme la doctrine administrative opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, référencée BOI-BIC-PVMV-30-30-10, n° 80, 90 et 100 et D. adm. 4 B 3121, n° 5 et 7 ; dès lors, il en résulterait un montant de moins-value à court terme de 4 335 340 euros au lieu de 1 500 013 et un montant de moins-value à long terme de 24 282 252 euros au lieu de 27 117 579 euros, entraînant une réduction du rappel à due concurrence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SOCIETE MACIF ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par lettre du 6 octobre 2016, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les intérêts moratoires prévu à l'article L. 208 du livre de procédures fiscales ne ressortissent pas au champ d'application du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
Par un arrêt n° 15VE02777 du 15 novembre 2016, la Cour administrative d'appel de Versailles a déchargé la SOCIETE MACIF des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2006 pour un montant global, en droits et intérêts de retard, de 1 837 452 euros, résultant de la réintégration, sans ses résultats imposables, d'intérêts de retard dégrevés et d'intérêts moratoires versés par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par une décision n° 406722 du 28 janvier 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt susvisé de la Cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles la SOCIETE MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables des intérêts moratoires, pour un montant de 1 798 628 euros, versés par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et renvoyé l'affaire devant la Cour, dans cette mesure.
Procédure devant la Cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2019, la SOCIETE MACIF, représentée par Me Mermillon, avocat, demande, à la Cour :
1°) à titre principal, de la décharger, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 à raison de la réintégration, dans ses résultats imposables, des intérêts de retard qui lui ont été reversés en 206 pour un montant de 2 790 500 euros, et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables, des intérêts moratoires qui lui ont été versés en 2006 pour un montant de 2 206 000 euros ;
2°) à titre subsidiaire, si la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle soulève, n'était pas accueillie favorablement, de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 à raison de la réintégration, dans ses résultats imposables, des intérêts moratoires afférents aux seuls intérêts de retard, qui lui ont été versés en 2006, pour un montant de 407 372 euros.
Elle soutient que :
- eu égard à la portée de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 28 janvier 2019, l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles ne pourra qu'être confirmé sur la décharge prononcée au titre des intérêts de retard reversés à la Macif en 2006 ;
- le régime fiscal des intérêts moratoires, fixé par le 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- en tout état de cause, dès lors que les intérêts moratoires doivent être soumis au même régime fiscal que les sommes auxquelles ils correspondent, la quote-part des intérêts moratoires se rapportant aux intérêts de retard n'est pas imposable ; cette quote-part s'élève à la somme de 407 372 euros.
Par un mémoire distinct, enregistré les 4 avril 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 avril 2019, la SOCIETE MACIF a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité par application des dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté des observations en réponse à la communication de la question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 19VE00346 du 24 juin 2019, le président de la 1ère chambre de la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la SOCIETE MACIF.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SOCIETE MACIF a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a fait l'objet de rappels de taxe sur les conventions d'assurance assortis d'intérêts de retard au titre des exercices 1997 à 1999. Ces impositions et pénalités ont été mises en recouvrement en 2002 et la société les a déduites de son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos la même année. En 2006, elle a obtenu, par une décision du juge judiciaire, le dégrèvement de l'ensemble des impositions et intérêts de retard qu'elle avait ainsi acquittés. A la suite d'une nouvelle vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, l'administration fiscale a réintégré dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés, pour un montant de 2 206 000 euros, les intérêts moratoires qu'elle avait perçus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales lors de l'ordonnancement en 2006 du dégrèvement des rappels de taxe sur les conventions d'assurance et des intérêts de retard correspondants au titre des exercices 1997 à 1999. Par un jugement du 29 juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, de contribution additionnelle et de contribution sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006. La SOCIETE MACIF ayant fait appel de ce jugement, la Cour a, par un arrêt du 15 novembre 2016, réformé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale auxquelles la SOCIETE MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006, résultant de la réintégration dans son résultat imposable des intérêts de retard et des intérêts moratoires mentionnés ci-dessus. Par une décision n° 406722 du 28 janvier 2019, le Conseil d'Etat a partiellement annulé cet arrêt, en ce qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles la SOCIETE MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables des intérêts moratoires, pour un montant de 1 798 628 euros, versés par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et a renvoyé, dans cette seule mesure, l'affaire à la Cour.
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / [...] 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice, à l'exception des taxes prévues aux articles 238 quater et 990 G [...] 2. Les transactions, amendes, confiscations, pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant [...] l'assiette et le recouvrement des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt ". Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. - Toute somme dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. [...] ".
3. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable de 2002, année du paiement par la SOCIETE MACIF, des impositions et des pénalités mentionnées au point 1 ci-dessus, jusqu'au 31 décembre 2005 : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés [...] ". Aux termes du même article dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2006 également applicable pour partie au litige : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés [...] ". Il résulte de ces dispositions que les intérêts moratoires assis sur des impositions dégrevées, qui ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont ainsi que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dégrèvements.
4. Les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts ont le caractère de pénalités au sens du 2. de l'article 39 de ce même code et ne peuvent être déduits pour le calcul des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, l'année de leur paiement. Par suite, les intérêts moratoires assis sur les seuls intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, ne pouvaient donner lieu à taxation. Il est constant que les intérêts moratoires appliqués aux intérêts de retard restitués à la SOCIETE MACIF en 2006 s'élèvent à la somme de 407 372 euros. C'est dès lors à tort que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de la SOCIETE MACIF, la somme de 407 372 euros.
5. Il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MACIF est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2006, à concurrence de la réintégration, dans la base d'imposition de cet impôt, de la somme de 407 372 euros.
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 2006 est réduite d'une somme de 407 372 euros.
Article 2 : La SOCIETE MACIF est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociales assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2006, et celles résultant de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1311929 du 29 juin 2015 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE MACIF est rejeté.
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N° 19VE00346