Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Caisse de réassurance Mutuelle Agricole Groupama (CRAMA) Paris Val-de-Loire a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, à hauteur
de 1 814 115 euros.
Par un jugement n° 1702402 du 22 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la Caisse de réassurance Mutuelle Agricole Groupama Paris Val-de-Loire des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, à hauteur de 729 125 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° de remettre à la charge de la CRAMA Paris Val-de-Loire les suppléments de taxe sur les excédents de provisions au titre des exercices clos en 2008 et 2009, soit les sommes respectives de 134 849 euros et 594 276 euros.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait ; le montant déchargé par le tribunal au titre de l'exercice clos en 2009 est erroné ; dès lors que seul l'exercice clos en 2002 de la CRAMA Paris Val-de-Loire est déficitaire, le taux de taxe à appliquer aux excédents de provisions est de 32,4 %, outre les intérêts de retard, soit une somme de 310 683 euros ;
- la CRAMA Paris Val-de-Loire a opté pour la méthode de calcul forfaitaire, laquelle simplifie le suivi de la constitution des provisions pour les branches de sinistres à long développement ; selon cette méthode, le taux de la taxe est calculé en retenant au plus sept exercices, avec pour contrepartie la limitation de la réduction du taux en fonction des exercices déficitaires, limités à quatre années, seuls exercices pouvant être individualisés et permettant de garantir qu'aucun événement non compris dans la période forfaitaire n'est pris en compte ; le calcul du taux de la taxe applicable aux exercices N-5 et antérieurs devant écarter le déficit non compris dans la période N-4 à N-1 ;
- les dispositions de l'article 38-4 bis du code général des impôts sont sans incidence sur ce dispositif, la méthode réelle permettant à l'entreprise de remonter jusqu'à l'exercice de survenance de l'événement ;
- les dispositions de l'article 235 ter X ne visent pas nécessairement un excédent consécutif à une erreur ou une omission dont l'origine remonterait à l'exercice de constitution de la provision pour sinistre à payer ;
- de même, cet article ne concerne pas par principe les assureurs qui ont opté pour la méthode de calcul forfaitaire ;
- l'article 235 ter X ne limite pas le nombre d'exercices déficitaires à retenir dans le calcul de la taxe, mais la doctrine administrative résultant de l'instruction administrative référencée 4L-5-83 du 20 septembre 1983 ne prévoit qu'une mesure de tempérament, laquelle ne peut concerner que les exercices de survenance individualisés, les travaux parlementaires n'apportant pas de précision quant à la prise en compte des exercices déficitaires dans ce cas.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Caisse de réassurance Mutuelle Agricole Groupama (CRAMA) Paris Val-de-Loire est une société d'assurances assujettie à la taxe sur les excédents de provision prévue par l'article 235 ter X du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'interprétation de l'instruction administrative référencée
4L-5-83 du 20 septembre 1983 faite par cette société, qu'elle a par conséquent assujettie à des rappels de taxe sur les excédents de provisions constituées au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Par la requête susvisée, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 22 mars 2018 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a déchargé la CRAMA Paris Val-de-Loire des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle avait été assujettie au titre des années 2008 et 2009, à hauteur de la somme globale de 729 125 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de fait en reconnaissant son acquiescement au chiffrage de la somme dont la décharge était demandée par la CRAMA Paris Val-de-Loire, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé des suppléments d'imposition en litige :
3. D'une part, aux termes de l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa version en vigueur au 31 décembre 2009 : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu. / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. Pour le calcul de cet impôt, les excédents des provisions réintégrés sont diminués, d'une part, d'une franchise égale, pour chaque excédent, à 3 % du montant de celui-ci et des règlements de sinistres effectués au cours de l'exercice par prélèvement sur la provision correspondante, d'autre part, des dotations complémentaires constituées à la clôture du même exercice en vue de faire face à l'aggravation du coût estimé des sinistres advenus au cours d'autres exercices antérieurs. Chaque excédent de provision, après application de la franchise, et chaque dotation complémentaire sont rattachés à l'exercice au titre duquel la provision initiale a été constituée. La taxe est calculée au taux de 0,40 % par mois écoulé depuis la constitution de la provision en faisant abstraction du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. / Toutefois, dans le cas où le montant des provisions constituées pour faire face aux sinistres d'un exercice déterminé a été augmenté à la clôture d'un exercice ultérieur, les sommes réintégrées sont réputées provenir par priorité de la dotation la plus récemment pratiquée. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
" (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". L'instruction administrative 4L-5-83 du 20 septembre 1983 précise : " 14. En pratique, le décompte de la période à retenir est effectué à partir des états B-10. Lorsque l'exploitation du tableau D des états B-10 ne permet pas de connaître l'exercice de constitution de la provision (sur les B-10, les provisions afférentes à l'exercice N-5 et aux exercices antérieurs sont regroupées en une seule colonne), chaque entreprise peut opter pour un calcul forfaitaire. Les provisions afférentes aux exercices N-5 et antérieurs sont alors réputées avoir été constituées à la clôture du septième exercice précédant celui au titre duquel la taxe est due ; le taux applicable, à condition que tous les exercices aient donné lieu au paiement de l'impôt sur les sociétés, sera donc en principe limité à 84 % pour ces exercices. (...) 18. Il résulte du deuxième alinéa du paragraphe I-1 de l'article 14, que la période à retenir pour le calcul de la taxe, déterminée ainsi qu'il est précisé ci-dessus, est diminuée du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. (...) 19. Il est souligné que, lorsque l'entreprise a opté pour la méthode de calcul forfaitaire, la réduction du taux applicable à l'assiette, constituée par les éléments afférents aux exercices N-5 et antérieurs, ne peut excéder quatre années. ".
5. En premier lieu, il est constant que la CRAMA Paris Val-de-Loire, qui en tant que société d'assurances est soumise à la taxe sur les excédents de provisions prévue par les dispositions précitées de l'article 235 ter X du code général des impôts, a opté, au titre des exercices clos en 2009, pour la méthode de calcul forfaitaire de cette taxe, admise par l'administration au point 14 de l'instruction administrative 4L-5-83 précité. Lors de ces exercices, elle a réintégré les excédents de provisions qui avaient été constituées lors d'exercices antérieurs au quatrième exercice précédant celui de réintégration. Si, ainsi que le soutient le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS dans sa requête, cette possibilité constitue une méthode de tempérament dans le cadre de laquelle le taux de la taxe est calculé en retenant au plus sept exercices, avec pour contrepartie la limitation de la réduction du taux en fonction des seuls exercices déficitaires, lesquels sont limités à quatre années afin de garantir l'application d'un taux minimum, en revanche il ne résulte pas des termes de l'instruction administrative 4L-5-83, laquelle est d'interprétation stricte, que les exercices au titre desquels l'impôt sur les sociétés n'était pas dû, devraient nécessairement avoir une ancienneté inférieure à cinq ans au regard de l'exercice de réintégration de l'excédent de provisions. Pour justifier son refus de retenir les exercices N-5 à N-7, l'administration fiscale avance l'impossibilité d'individualiser les déficits afin de s'assurer que les provisions réintégrées au titre de la période ne comporte aucun événement antérieur à celle-ci, il résulte de l'instruction que cette impossibilité ressort des états B-10, sans que la CRAMA Paris Val-de-Loire soit sérieusement contredite quand elle affirme être en mesure de procéder à l'individualisation du suivi de la constitution des provisions par événement sur toute la période prévue dans la méthode de calcul forfaitaire. Dans ces conditions, en l'absence de disposition législative et d'interprétation de l'administration publiée en ce sens, et alors même qu'ainsi que le soutient le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts sont en l'espèce sans incidence dès lors que les dispositions de l'article
235 ter X ne visent pas nécessairement un excédent consécutif à une erreur ou une omission, le calcul du taux de la taxe applicable aux exercices N-5 et antérieurs ne saurait écarter les déficits non compris dans la période N-4 à N-1, dans la limite globale sur toute la période de calcul de quatre exercices. Par suite, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a pris en compte les exercices déficitaires non compris dans la période N-4 à N-1 pour le calcul du taux de la taxe applicable aux exercices antérieurs.
6. En second lieu, il est constant que seul l'exercice clos en 2002 n'a pas donné lieu au paiement d'impôt sur les sociétés par la CRAMA Paris Val-de-Loire, laquelle ne se prévaut pas en appel d'un autre exercice déficitaire sur la période à prendre en compte pour le calcul du taux de taxe selon la méthode forfaitaire. Il résulte de la proposition de rectification
du 20 décembre 2012 qu'au titre de l'exercice clos en 2009, l'administration a appliqué un taux de taxe sur les excédents de provisions de 41,4 %. Par suite, le taux de taxe dû par la CRAMA Paris Val-de-Loire au titre de l'excédent de provisions réintégré au titre de l'exercice clos en 2009 pour les exercices N-5 et antérieurs est de 32,4 %, soit une somme indue mise à sa charge d'un montant limité à la somme de 310 683 euros, dont les intérêts de retard.
7. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la CRAMA Paris Val-de-Loire de la somme
de 594 276 euros mise à sa charge au titre de la taxe sur les excédents de provisions. Par conséquent, il y a lieu d'ordonner la remise à la charge de la CRAMA Paris Val-de-Loire de la somme de 283 593 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que la CRAMA Paris Val-de-Loire demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 283 593 euros est remise à la charge de la CRAMA Paris
Val-de-Loire.
Article 2 : Le jugement n° 1702402 rendu par le Tribunal administratif de Montreuil
le 22 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE et la CRAMA Paris Val-de-Loire est rejeté.
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N° 18VE02604