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09/07/2020 | FRANCE | N°18VE03891

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 juillet 2020, 18VE03891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle ferait l'objet et d'enjoindre à la commune, d'une part, d'aménager son poste conformément aux préconisations de la médecine professionnelle et préventive et, d'autre part, de prendre en charge ses traitements médicaux et soins de kinésithérapie.

Par un jugement n° 1602546 du 24 septembre 201

8, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle ferait l'objet et d'enjoindre à la commune, d'une part, d'aménager son poste conformément aux préconisations de la médecine professionnelle et préventive et, d'autre part, de prendre en charge ses traitements médicaux et soins de kinésithérapie.

Par un jugement n° 1602546 du 24 septembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 novembre 2018, 16 janvier et 28 février 2020, Mme A..., représentée par Me Benoit, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Grigny à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle serait victime et à prendre en charge ses traitements médicaux et soins de kinésithérapie ;

3° de mettre à la charge de la commune de Grigny le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est victime d'agissements en lien notamment avec son rythme de travail, ne respectant pas les préconisations de la médecine professionnelle et préventive, altérant sa santé et qui sont constitutifs d'une situation de harcèlement moral devant conduire la commune à indemniser son préjudice moral ;

- la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne respecterait pas ses obligations professionnelles ;

- les frais de kinésithérapie qu'elle a engagés à la suite d'accidents reconnus imputables au service ne lui ont pas été remboursés.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Mme A... et de Me C..., substituant Me D..., pour la commune de Grigny.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la commune de Grigny en décembre 1999 en qualité d'agent non titulaire avant d'être titularisée sur le grade d'agent des services techniques le 1er novembre 2005. A la suite d'un accident de service, elle a été affectée sur un poste d'agent d'accueil au sein du service de l'état-civil à compter du 9 juin 2009 avant de connaître plusieurs périodes d'arrêt de travail dont un arrêt de longue durée du 2 juillet 2012 au 21 juillet 2013. Par un courrier du 9 septembre 2015, elle a saisi le maire de Grigny d'une demande préalable tendant à l'indemnisation du préjudice moral résultant d'une situation de harcèlement moral dont elle se prétend victime, et à la prise en charge de dépenses de santé. Cette demande ayant été implicitement rejetée, elle a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 24 septembre 2018, dont elle relève appel, a rejeté sa requête.

Sur le harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

4. Mme A... soutient tout d'abord avoir fait l'objet d'un comportement qualifiable de harcèlement moral de la part de son chef de service depuis l'année 2012 en invoquant des tensions relationnelles persistantes. Elle a produit des attestations, complétées en appel, émanant d'agents qui pour certains sont affectés comme elle au sein du service de l'état-civil. Il n'en ressort cependant pas qu'en procédant à des contrôles de la présence des agents et de la bonne exécution des tâches, et en prenant des mesures d'organisation portant notamment sur l'établissement d'un calendrier de présence de ceux-ci, le chef de ce service aurait fait un usage anormal de son pouvoir hiérarchique. En outre, si des différends sont survenus ayant donné lieu notamment à une altercation entre Mme A... et sa cheffe de service le 15 juin 2012, il ne ressort pas de l'instruction, comme l'ont relevé les premiers juges, qu'au cours de ceux-ci des propos blessants ou humiliants auraient été tenus à l'encontre de l'intéressée et que ces difficultés relationnelles seraient constitutives de faits réprimés par les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

5. Mme A... dénonce ensuite le refus de sa collectivité de respecter les préconisations du service de médecine préventive pour l'avoir contrainte à travailler le samedi matin. Il résulte de l'instruction que la commune de Grigny a procédé au reclassement de l'intéressée comme le demandait la commission de réforme dans son avis du 28 avril 2009, et la collectivité n'est pas contestée lorsqu'elle fait valoir que les préconisations émises par cette commission et par le service de médecine préventive ont été mises en oeuvre s'agissant de l'adaptation du poste de travail de Mme A... et des préconisations relatives notamment à l'interdiction de porter des charges lourdes. Si la commune a demandé à l'intéressée d'assurer des permanences d'accueil du public le samedi matin, de manière ponctuelle et non systématique, comme aux autres agents du service, en lui laissant la possibilité de récupérer ses heures travaillées le lundi matin et de bénéficier ainsi de 48 heures de repos consécutives, cette circonstance, alors même qu'elle ne répondait plus aux demandes du service de médecine préventive émises le 21 février 2014 préconisant qu'elle ne travaille pas les samedis et dimanches, ne saurait, à elle seule, constituer des faits de harcèlement moral au sens des dispositions rappelées au point 2.

6. Enfin, si l'intéressée produit un certificat médical du 26 décembre 2017 faisant état d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel en lien avec ses conditions de travail, et des documents médicaux datés notamment des 11 et 22 février 2019 évoquant des conditions de travail défavorables et une situation de "harcèlement professionnel", ces éléments, reprenant les déclarations de l'intéressée faisant état de son ressenti et qui traduisent la réalité de ses troubles de santé, n'établissent pas, en eux-mêmes, la réalité d'une situation de harcèlement au sens des dispositions précitées.

7. Il ressort de l'ensemble des points précédents que les éléments de fait allégués par Mme A... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de la commune de Grigny.

Sur la prise en charge des dépenses de santé :

8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite ".

9. Mme A... sollicite la condamnation de la commune à l'indemniser des frais médicaux qu'elle a dû engager à la suite des accidents reconnus imputables au service et survenus les 29 septembre 2006 et 15 juin 2012, et de la rechute qu'elle a connue le 2 septembre 2014. A ce titre elle produit une attestation émanant de la pharmacie "place aux herbes" faisant état de plusieurs factures non réglées à hauteur de 178,45 euros à la date du 29 juin 2015. Cependant l'intéressée ne justifie pas que ces frais pharmaceutiques, au demeurant non détaillés, seraient en lien avec les conséquences médicales des accidents reconnus imputables au service. En outre, si elle demande le remboursement de frais de kinésithérapie pour des séances ayant eu lieu entre le 26 mai et le 13 septembre 2016, elle ne démontre pas davantage que ces dépenses seraient en lien avec ses accidents de service, dès lors que, comme le fait valoir la commune, il ressort de l'avis de la commission de réforme du 2 février 2016 que les soins de l'intéressée devaient être pris en charge pour une durée de 6 mois après la date de consolidation fixée au 26 novembre 2015.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Grigny.

11. La commune de Grigny n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme A... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à la commune de Grigny en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Grigny fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE03891 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03891
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-09;18ve03891 ?
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