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09/07/2020 | FRANCE | N°17VE02675

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 juillet 2020, 17VE02675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 août 2014 par lequel le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE a prononcé son licenciement à l'issue de son année de stage, ainsi que le courrier du 30 juin 2014 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a informé de ce que le jury académique avait proposé un refus définitif à sa titularisation dans le corps des professeurs de lycée professionnel et,

d'autre part, d'enjoindre au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIG...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 août 2014 par lequel le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE a prononcé son licenciement à l'issue de son année de stage, ainsi que le courrier du 30 juin 2014 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a informé de ce que le jury académique avait proposé un refus définitif à sa titularisation dans le corps des professeurs de lycée professionnel et, d'autre part, d'enjoindre au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE de le réintégrer en tant que professeur de lycée professionnel titulaire et de l'affecter dans le ressort de l'académie de Versailles, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1407279 du 23 juin 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE du 29 août 2014 et enjoint au ministre de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2017 et 25 juin 2020, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE demande à la Cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Il soutient que, contrairement à l'appréciation des premiers juges, le jury académique a émis un avis complémentaire sur l'intérêt d'autoriser M. B... à effectuer une seconde année de stage, conformément au décret du 6 novembre 1992 et à l'arrêté du 12 mai 2010, qui n'exigent pas que cet avis soit émis dans un document distinct de celui qui matérialise la délibération du jury.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;

- l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation ;

- l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son admission lors de la session 2013 au concours externe de recrutement de professeurs de lycée professionnel, dans les disciplines d'anglais et de lettres modernes, M. B... a été nommé professeur stagiaire à compter du 1er septembre 2013 et affecté au lycée professionnel René Auffray à Clichy. A l'issue de sa première année de stage, et après que le jury académique a proposé, le 16 juin 2014, un refus définitif à sa titularisation dans le corps des professeurs de lycée professionnel, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE a, par un arrêté du 29 août 2014, prononcé le licenciement de M. B... à l'issue de son stage. Par un jugement du 23 juin 2017, dont le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'un non-lieu à statuer :

2. Si par un arrêté du 26 octobre 2017, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE a de nouveau prononcé le licenciement de M. B..., après l'avoir réintégré en exécution du jugement du 23 juin 2017 du Tribunal administratif de Versailles qui avait annulé l'arrêté du 29 août 2014 de licenciement de l'intéressé, cette circonstance ne rend pas sans objet le recours du ministre dirigé contre le jugement du 23 juin 2017 du Tribunal administratif de Versailles.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 10 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel : " Les candidats reçus aux concours prévus à l'article 4 et remplissant les conditions de nomination dans le corps sont nommés fonctionnaires stagiaires et affectés pour la durée du stage dans une académie par le ministre chargé de l'éducation. Les prolongations éventuelles du stage sont prononcées par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est effectué. / Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation dispensée, dans le cadre des orientations définies par l'Etat, sous la forme d'actions organisées à l'université, d'un tutorat, ainsi que le cas échéant d'autres types d'actions d'accompagnement. Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées par le ministre chargé de l'éducation. / A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel. / Le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage a été effectué peut autoriser l'accomplissement d'une seconde année de stage. A l'issue de cette période, l'intéressé est soit titularisé par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il a effectué cette seconde année, soit licencié, soit réintégré dans son grade d'origine ou dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, lorsqu'il s'agit d'un stagiaire qui effectue une première année de stage, l'avis défavorable à la titularisation doit être complété par un avis sur l'intérêt au regard de l'aptitude professionnelle d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. / Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation. ". Enfin, selon les dispositions de l'article 6 de cet arrêté : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury et arrête par ailleurs la liste de ceux qui sont autorisés à accomplir une seconde année de stage. Les stagiaires qui n'ont été ni titularisés ni autorisés à accomplir une seconde année de stage sont, selon le cas, licenciés ou réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir envisagé de ne pas proposer la titularisation de M. B..., le jury académique a entendu celui-ci à l'occasion de l'entretien prévu à l'article 5 de l'arrêté du 12 mai 2010 susvisé. En indiquant dans son avis du 16 juin 2014 que l'intéressé "a réalisé une auto-analyse très superficielle", fait preuve d'un "déni avéré" en ne reconnaissant pas ses difficultés, et "n'a pas su porter un regard réflexif nécessaire à l'évolution de sa pratique et n'a pas pris la mesure du niveau d'exigence à atteindre pour faire réussir ses élèves" pour ensuite émettre une proposition de refus définitif de titularisation, le jury ne s'est pas abstenu de se prononcer sur l'intérêt d'autoriser M. B... à effectuer une seconde année de stage au regard de ses aptitudes professionnelles. Par conséquent, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré du vice de procédure, en l'absence d'avis complémentaire du jury académique sur l'intérêt d'autoriser M. B... à effectuer une seconde année de stage, pour annuler son arrêté du 29 août 2014 par lequel il a prononcé le licenciement de ce dernier à l'issue de sa première année de stage.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Versailles.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par sa délibération du 16 juin 2014, produite par l'administration, le jury académique s'est prononcé sur les aptitudes de M. B..., conformément aux dispositions rappelées au point 3. Par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait illégal en l'absence de saisine du jury académique doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000 susvisée, applicable au litige : " Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ". Aux termes de l'art 4 de cette même loi : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

8. Le jury académique appelé à émettre un avis sur la titularisation des professeurs stagiaires ne figure pas au nombre des autorités administratives visées à l'article 1er de la loi du 12 avril 2000. En outre, il résulte des dispositions citées au point 3 qu'il n'appartient pas à ce jury de prendre la décision de titulariser ou de licencier les agents et que s'il émet un avis en ce sens, celui-ci ne constitue pas une décision au sens des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, dont la méconnaissance ne peut dès lors être utilement invoquée à l'encontre de l'appréciation du jury académique.

9. En troisième lieu, il résulte des dispositions rappelées au point 3 que le jury académique se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage et que, s'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être effectuée en fin de stage, cette appréciation ne peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir qu'en cas d'erreur manifeste.

10. Il ressort des pièces du dossier que le professeur conseiller pédagogique tuteur de M. B... a estimé dans son rapport conclusif que "la longue expérience de pratique de classe en tant que contractuel n'a pas permis à M. B... de saisir l'étendue des responsabilités et des exigences professionnelles indispensables à l'exercice du métier d'enseignant". Le rapport d'inspection concernant l'intéressé, en date du 12 mai 2014, fait état quant à lui de "l'absence de réflexion du professeur quant aux potentialités des supports proposés, son manque de rigueur dans la conception de la séance et la rédaction des consignes, l'absence de densité dans le contenu des activités, la qualité approximative des documents (...) rendant l'ensemble difficilement opérationnel et efficace". En outre, l'évaluation des aptitudes de M. B... opérée par son chef de l'établissement et l'inspecteur désigné par le recteur, mentionne qu'à l'issue du stage probatoire neuf des dix compétences requises étaient insuffisantes. Ainsi, la proposition du jury de ne pas titulariser M. B... à l'issue de son stage n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que l'intéressé ne se serait jamais absenté, qu'il aurait créé un blog et une exposition, aurait rencontré les parents d'élèves à de nombreuses reprises et soutient sans le démontrer qu'il n'aurait pas bénéficié d'un accompagnement suffisant de son tuteur au cours de cette période probatoire.

11. En quatrième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions rappelées au point 3, que l'administration est tenue de prononcer le licenciement d'un professeur stagiaire ne figurant ni sur la liste des stagiaires déclarés aptes à être titularisés, ni sur la liste des stagiaires autorisés à accomplir une seconde année de stage. Comme il l'a été dit, il ressort des pièces du dossier que, par sa délibération du 16 juin 2014, le jury académique a estimé que M. B... n'était pas apte à être titularisé et qu'il ne devait pas être autorisé à effectuer une deuxième et dernière année de stage, en émettant un avis de refus définitif de titularisation. Par suite, et comme il le fait valoir, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE avait compétence liée pour licencier l'intéressé. En tout état de cause, il ressort de la décision du 10 avril 2013, produite devant les premiers juges par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, que la signataire de l'arrêté litigieux avait reçu délégation lui donnant compétence pour signer l'arrêté du 29 août 2014, que celui-ci exposait les considérations de fait et de droit ayant présidé à son adoption, et comme il l'a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation portée sur les compétences de M. B... serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En conséquence, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 29 août 2014, de son défaut de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé son arrêté du 29 août 2014.

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées à son encontre par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 1407279 du 23 juin 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions d'appel sont rejetées.

N° 17VE02675 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02675
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations. Titularisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : VERNEREY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-09;17ve02675 ?
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