Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIETE ANONYME (SA) GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.
Par un jugement n° 1604535 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Versailles a réduit la base de l'impôt sur les sociétés fixée à la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES au titre de l'exercice clos en 2012 à la somme de 819 530 euros, ordonné la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard, correspondants, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 septembre 2018 et 17 décembre 2019 sous le numéro 18VE03137, la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES, représentée par Me Delpeyroux, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa requête ;
2° de prononcer la décharge de l'imposition laissée à sa charge.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit, l'indemnité d'éviction représentant une contrepartie suffisante à la résiliation anticipée du bail dès lors que le montant doit s'apprécier au regard du besoin de trésorerie immédiat et d'absence de solution de financement alternative ; le montant perçu n'est pas anormal ;
- il est également entaché d'une erreur dans l'appréciation des faits, l'indemnisation devant s'apprécier au regard non seulement de l'augmentation de loyer, mais également de la pérennisation du bail, de la faculté de sous-louer et de l'absence de valorisation des aménagements qu'elle avait réalisés ;
- d'une part, la somme de 545 470 euros retenue comme valeur indemnisable n'est pas justifiée mais s'explique uniquement par la durée de l'amortissement prévu par la société d'où une absence de correspondance entre la valeur vénale et la valeur nette comptable ; les immobilisations figurant à l'actif du bilan social correspondent à des travaux effectués sur le gros oeuvre et donc non valorisables auprès de tiers car indissociables de l'ensemble immobilier ; elles ne pouvaient que revenir au bailleur ; leur valeur nette comptable n'était que de 294 747 euros au 31 décembre 2016 ; aucun élément ne justifie de retenir la valeur nette comptable des immobilisations au jour de la négociation ; en tout état de cause, les biens en cause seraient revenus gratuitement à la SCI des 3 forêts à l'échéance du bail, soit le 31 décembre 2016 ;
- d'autre part, le montant de l'indemnité perçue pour compenser la hausse de loyers résultant du nouveau bail n'est pas insuffisante ; le surcoût des loyers a été couvert dès lors que le nouveau bail l'autorisait à sous-louer les locaux, ce qui a généré pour elle un gain de 179 644 euros ; en outre, le nouveau bail était de douze ans et non neuf ans.
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II°) Par un recours et un mémoire, enregistrés les 9 novembre 2018 et 12 juillet 2019 sous le numéro 18VE03726, LE MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions de la requête de la SA Groupe Bruno Courtois Automobiles ;
2° de remettre à la charge de la SA Groupe Bruno Courtois Automobiles la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, et des intérêts de retard, pour un montant global de 281 919 euros.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ; en effet, au cas présent, le retour au bailleur doit s'analyser non comme réalisé à titre gratuit mais comme une cession d'éléments d'actif et la perte non déductible correspondante doit s'apprécier au regard de la valeur vénale des biens cédés au jour de leur transmission ; or le tribunal a relevé qu'aucune clause du bail ne prévoyait un retour des constructions au bailleur à titre gratuit en cas de rupture anticipée du bail et que ce retour s'était fait à titre onéreux ; au demeurant, ce retour a été réalisé moyennant une indemnité de résiliation ;
- la valeur vénale des constructions au jour de leur cession au bailleur étant de 1 350 000 euros, l'indemnité limitée à 800 000 euros est constitutive d'un acte anormal de gestion ;
- pour les motifs exposés en première instance, les conclusions présentées par la SA Groupe Bruno Courtois Automobiles doivent être rejetées.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- les observations de Me Devillieres, avocat de la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Soveda, filiale intégrée de la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES exerçant une activité de concessionnaire automobile, a fait l'objet, en 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, à l'issue de laquelle le service lui a proposé une rectification portant notamment sur les conditions dans lesquelles est intervenue la résiliation de son bail commercial, par anticipation en 2012, que l'administration a regardées comme constitutives d'un acte anormal de gestion. La SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES fait appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir réduit la base de l'impôt sur les sociétés qui lui a été fixée au titre de l'exercice clos en 2012 à la somme de 819 530 euros et ordonné la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait également appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
2. La requête de la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES et celle du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Soveda a connu des difficultés financières importantes à compter du deuxième semestre de l'année 2008 et jusqu'en 2012 qui ont conduit à la désignation de deux mandataires ad hoc par le Tribunal de commerce de Versailles aux fins de négocier un règlement des dettes contractées avec la société Peugeot, laquelle a finalement, par un courrier du 25 avril 2012, exigé le comblement du fonds de roulement, en déficit au bilan de clôture 2011 de 978 000 euros, sous peine de retrait de l'enseigne. La société Soveda a alors demandé à son bailleur, la SCI des Trois forêts, la résiliation anticipée du contrat de location des locaux qu'elle avait construits et pris à bail, arrivant normalement à échéance le 1er janvier 2017. La résiliation anticipée souhaitée par la société Soveda a été actée par une convention conclue le 20 décembre 2012, moyennant une indemnité d'un montant de 800 000 euros, versée par la bailleresse " en contrepartie de la perte anticipée des droits à construction " du locataire. Il est ainsi démontré que cette indemnité d'éviction de 800 000 euros versée à la société Soveda a permis à cette dernière de couvrir son besoin de fonds de roulement et, en satisfaisant aux critères financiers fixés par le groupe Peugeot, de pouvoir bénéficier de nouveau d'un contrat de concession lui permettant de poursuivre son activité dans de meilleures conditions.
5. D'autre part, il est constant que la résiliation anticipée du bail de location est intervenue non pas à la demande du bailleur mais à la demande exclusive de la société Soveda. Dans ces conditions, le bailleur n'ayant pas procédé à l'éviction anticipée de la société des locaux, aucune indemnité pour éviction anticipée des locaux ne lui était due.
6. Au surplus, il résulte de l'instruction que l'indemnité versée couvre quasiment intégralement le surcoût des loyers induits par le nouveau bail alors que celui-ci a été consenti pour une durée plus longue et autorise une sous-location des biens loués, laquelle a d'ailleurs été rapidement mise en oeuvre et a été génératrice de recettes pour la société Soveda. En outre, concernant l'absence d'indemnisation des constructions édifiées par cette société sur les terrains nus qu'elle a pris à bail depuis 1966 et sur lesquels elle exploite son activité commerciale, il résulte des baux commerciaux conclus depuis 1991 que l'ensemble des constructions édifiées sur ces terrains avaient vocation à demeurer la propriété de la bailleresse, la SCI des 3 forêts. Le bail renouvelé en 1999, puis reconduit par un acte du 24 juin 2008, et conclu pour une durée de 9 ans précisant au 5° du paragraphe " CHARGES ET CONDITIONS " que " tous les embellissements, améliorations... resteront en fin de bail la propriété de la société bailleresse, sans indemnité de sa part ". Dès lors, la résiliation du bail est intervenue dans des conditions qui n'ont fait qu'anticiper le transfert de la propriété des bâtiments tel qu'il était contractuellement prévu, à des conditions ne constituant pas par elles-mêmes un acte anormal de gestion. Le fait qu'il n'existerait aucune clause précisant que ces conditions s'appliqueraient également en cas de rupture anticipée, à le supposer établi, est insuffisant à démontrer l'absence d'intérêt de la société Soveda à consentir cette transmission anticipée à titre gratuit, alors au demeurant qu'elle a continué à bénéficier de la jouissance des bâtiments dans des conditions garantissant la stabilité de son activité et la rationalisation de ses charges d'exploitation. De même, il n'est pas établi que la sortie anticipée des constructions de l'actif de la société locataire devait nécessairement faire l'objet d'une indemnisation par la société bailleresse, dans la mesure notamment où il n'est pas allégué que les constructions prévues auraient été terminées et qu'il résulte au contraire de l'instruction que la société Soveda les a poursuivies dans le cadre du nouveau bail qu'elle a conclu. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité librement consentie entre les parties à la convention du 20 décembre 2012 du fait d'une résiliation anticipée du bail à la demande exclusive du preneur ne peut constituer un acte anormal de gestion pour la société Soveda quels que soit les liens existant entre les deux parties et la valeur qui pouvait être attribuée, à la date de résiliation du bail, aux constructions réalisées par le preneur sur les terrains du bailleur durant la durée du bail.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a refusé de la décharger de l'ensemble de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, et des intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 à raison de l'existence d'un acte anormal de gestion. Par suite, il y a lieu de prononcer la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012, à concurrence de la somme supplémentaire de 546 858 euros. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS dans le cadre de l'instance n° 18VE03726 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés fixée à la SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES au titre de l'exercice clos en 2012 est réduite d'une somme complémentaire de 546 858 euros.
Article 2 : La SA GROUPE BRUNO COURTOIS AUTOMOBILES est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, et des intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1604535 du Tribunal administratif de Versailles du 10 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le recours du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.
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N° 18VE03137 et 18VE03726