Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... et le syndicat FNSCBA CGT ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 27 octobre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société Entreprise Petit, annulé la décision de refus de licenciement de M. D... prise par l'inspecteur du travail le 19 mars 2014 et délivré l'autorisation de licencier le salarié pour faute.
Par un jugement n° 1500547 du 3 octobre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 27 octobre 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 1er décembre 2017, 31 mai, 24 juillet 2018 et 18 octobre 2019, la société Entreprise Petit, représentée par Me Rozec, avocat, demande à la Cour :
A titre principal :
1° d'annuler le jugement n° 1500547 du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° de juger légale la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 27 octobre 2014 ;
3° de mettre les dépens à la charge de M. D... ;
4° de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5° de mettre à la charge de la FNSCBA CGT la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- chacun des trois griefs invoqués à l'appui de la demande de licenciement de M. D... est établi ;
- ces griefs sont de nature à justifier une autorisation de licenciement ;
- les conditions de retrait de la décision implicite de rejet du ministre du travail étaient remplies dès lors que le retrait est intervenu dans le délai imparti et alors que la décision implicite était illégale ;
- le ministre n'avait pas à faire précéder sa décision d'une enquête contradictoire ;
- la décision repose sur des faits établis et de nature à justifier un licenciement ;
- même intervenus en dehors de l'exécution de son contrat de travail, les faits sont de nature à justifier le licenciement de M. D... ;
- il n'existe pas de lien entre la décision attaquée et le mandat de M. D....
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Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- les observations de Me A... pour la société Entreprise Petit et celles de Me B..., pour M. D... et le syndicat FNSCBA CGT.
Considérant ce qui suit :
1. La société Entreprise Petit, spécialisée dans la construction et la réhabilitation de bâtiments a sollicité, par un courrier du 25 février 2014, l'autorisation de licencier pour faute M. D..., maître ouvrier occupant au sein de la société le poste de boiseur depuis le 8 décembre 1988, et exerçant les fonctions de délégué du personnel, délégué syndical et de membre du comité d'entreprise. Par une décision du 19 mars 2014, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée. A la suite d'un recours hiérarchique formé par la société le 15 mai 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision en date du 27 octobre 2014, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 mars 2014 et autorisé la société Entreprise Petit à licencier M. D.... Ce dernier et le syndicat FNSCBA CGT ont alors demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement en date du 3 octobre 2017, a fait droit à cette demande. La société Entreprise Petit relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.
3. Les trois griefs reprochés à M. D... trouvent leur origine dans un même incident survenu le 4 février 2014 à proximité des locaux de la société Entreprise Petit et du chantier " The Peninsula ". Il est ainsi reproché à M. D..., dans le cadre de ses heures de délégation syndicale et alors qu'il se dirigeait vers le rassemblement lié à une manifestation accompagné de deux de ses collègues, d'une part, d'avoir contesté ouvertement, publiquement et violemment l'application des règles de sécurité en tentant d'accéder à la cabine de toilettes du chantier par un accès interdit, démuni des équipements obligatoires de sécurité et du badge de contrôle requis, d'autre part, d'avoir tenu ce même jour des propos intimidants, insultants et menaçants à l'encontre du personnel d'encadrement et de direction de la société Entreprise Petit ainsi que des insultes et propos à caractère raciste à l'encontre de l'agent de sécurité en charge du contrôle de l'accès sur le chantier.
4. S'agissant du grief tendant à la contestation des règles de sécurité applicables au chantier, il ressort des pièces du dossier que l'altercation à l'origine du litige est née de l'exigence imposée par le gardien du chantier, de respect des règles de sécurité aux trois personnes, dont M. D..., qui souhaitaient y pénétrer, même pour une durée très brève. Le gardien a ainsi refusé l'entrée sur le chantier de M. C..., l'accès devant lequel ce dernier s'était présenté étant en principe réservé au déchargement des camions et le salarié n'étant pas muni du port des équipements de protection individuels exigés. Si M. D... conteste la matérialité des faits en faisant valoir qu'il n'a pas, personnellement tenté d'entrer sur le chantier, il demeure que, s'associant à la demande de M. C..., il s'est violemment opposé au gardien du chantier afin d'obtenir de lui qu'il accepte l'entrée de son collègue sur le chantier en dépit du non-respect des règles de sécurité. Si M. D... fait valoir qu'il était sollicité du gardien une dérogation brève et très circonscrite aux règles de sécurité, cette circonstance est sans incidence sur la matérialité du fait qui demeure établie dans son principe.
5. S'agissant du grief résidant dans le fait d'avoir proféré des insultes et propos à caractère raciste à l'encontre de l'agent de sécurité en charge du contrôle de l'accès sur le chantier, ces faits ne ressortent pas des termes de l'attestation rédigée par le gardien invectivé ce jour-là par M. D.... Les pièces du dossier établissent en revanche que les propos insultants tenus par ce dernier à l'encontre du gardien du chantier l'ont été devant ses collègues et la hiérarchie de M. D..., et plus précisément, devant le directeur de travaux, le directeur général adjoint, et le président de la société Entreprise Petit. Dans cette mesure, le grief est établi, notamment par la production, par la société requérante, du procès-verbal dressé par un huissier le 6 février 2014 qui relate les propos tenus par M. D... sur le répondeur téléphonique du directeur général adjoint de la société.
6. S'agissant enfin des propos irrévérencieux, intimidants et menaçants tenus par M. D... envers sa hiérarchie, notamment envers le conducteur de travaux, le directeur de travaux et le directeur général adjoint de la société, les témoignages et mains courantes rédigés par les intéressés, précis et concordants, permettent de regarder les faits comme établis alors même que ces documents émanent des intéressés eux-mêmes et que M. D... entretenait des relations conflictuelles avec certains de ses collègues dont le directeur de travaux.
7. Il résulte de ce qui précède que les trois griefs reprochés à M. D... doivent être regardés comme établis. Toutefois, survenus dans le contexte isolé et spécifique décrit précédemment, et en l'absence de tout antécédent disciplinaire de M. D... présent dans la société depuis 27 ans, ils ne peuvent être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme des faits qui, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, rendraient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne pouvait donc, par la décision attaquée, autoriser le licenciement de M. D....
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Entreprise Petit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 27 octobre 2014 autorisant le licenciement pour faute de M. D....
Sur les conclusions présentées par la FNSCBA CGT sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail :
9. Aux termes des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail : " Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. / Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. ".
10. Les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la FNSCBA CGT et tendant à ce que la société Entreprise Petit soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ont été présentées pour la première fois en appel et relèvent d'un litige distinct de celui soumis au juge de première instance. Elles sont, à cet égard, irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
11. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société Entreprise Petit doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, davantage dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le paiement à M. D... et à la FNSCBA CGT des sommes qu'ils demandent au titre des frais liés à l'instance en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Entreprise Petit est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la FNSCBA CGT sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail sont rejetées.
N° 17VE03614 2