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07/07/2020 | FRANCE | N°17VE00208

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juillet 2020, 17VE00208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par deux demandes distinctes, de surseoir à statuer, à titre principal, dans l'attente de l'issue des plaintes en manquement contre la France devant la Commission européenne à la suite de l'arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 2012, et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de plusieurs questions préjudicielles et, à titre subsidiaire, d'annuler, d'une part, les avis de mise en recouvrement référencés AMR 201507 M

001, 201507 M002, 201507 M003 et 201507 M004 émis le 11 août 2015 et de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par deux demandes distinctes, de surseoir à statuer, à titre principal, dans l'attente de l'issue des plaintes en manquement contre la France devant la Commission européenne à la suite de l'arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 2012, et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de plusieurs questions préjudicielles et, à titre subsidiaire, d'annuler, d'une part, les avis de mise en recouvrement référencés AMR 201507 M001, 201507 M002, 201507 M003 et 201507 M004 émis le 11 août 2015 et de prononcer la décharge, assortie des intérêts moratoires, des sommes mises à sa charge, relatives à la restitution d'une somme précédemment remboursée au titre d'une créance de précompte mobilier revendiquée par la société Suez et, d'autre part, de procéder à la mainlevée des mises en demeure valant commandement de payer référencées MDP 1507034 et MDP 15070535 émises le 23 octobre 2015 en vue du recouvrement de ses mêmes sommes et de prononcer la décharge des sommes ainsi mises à sa charge.

Par un jugement nos 1601679, 1603412 du 22 novembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir joint ces deux demandes, a refusé de surseoir à statuer et en a prononcé le rejet.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2017 et des mémoires, enregistrés les 6 juillet 2017, 8 février et 18 octobre 2019 et 08 juin 2020, la SOCIETE GENERALE, représentée par Mes A... et Marouby, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler ce jugement ;

2° à titre principal, d'annuler les avis de mise en recouvrement référencés AMR 201507 M001, 201507 M002, 201507 M003 et 201507 M004 émis le 11 août 2015 et de prononcer la décharge, assortie des intérêts moratoires, de la somme totale de 779 576 340 euros mise à sa charge par ces derniers ;

3° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles ;

4° à titre infiniment subsidiaire, d'annuler les avis de mise en recouvrement susmentionnés et de prononcer la décharge, assortie des intérêts moratoires, des sommes mises à sa charge par ces derniers à hauteur d'un montant de 358 278 552 euros ;

5° dans tous les cas de figure, de constater qu'elle bénéfice du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'ensemble des sommes en litige, ainsi que la caducité des mises en demeure valant commandement de payer référencées MDP n° 15 07 05034 et MDP n°15 07 05035 émises à son encontre le 23 octobre 2015 ;

6° de mettre à la charge de l'État la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- elle est recevable à former une réclamation préalable au titre du contentieux de l'assiette concernant les montants de précompte mobilier acquittés par la société Suez au titre des années 1999, 2000 et 2001 et dont le remboursement lui est demandé, dans la mesure où, d'une part, l'arrêt n° 08PA01456 de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014, devenu définitif, qui prononce la remise à la charge de la société Suez du précompte mobilier en cause dont elle avait obtenu la restitution en première instance, n'est pas revêtu à son égard de l'autorité de la chose jugée et que, d'autre part, elle avait qualité et intérêt pour introduire à son tour une réclamation préalable contestant le bien-fondé de la perception de ces montants de précompte, par l'effet des articles L. 190 et R. 197-4 du livre des procédures fiscales.

- sa demande relative au contentieux de l'assiette étant recevable, elle a bénéficié à ce titre du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, de telle sorte que les actes de poursuite émis à son encontre sont caducs ;

- elle est fondée à obtenir la décharge de l'intégralité des montants de précompte mobilier en litige, dans la mesure où, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne rendue en ce qui concerne le dispositif fiscal, identique dans ses fondements, de la " fairness tax " belge, le dispositif du précompte mobilier n'est pas conforme aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil du

23 juillet 1990, reprises sans changement, pour ce qui concerne le présent litige, par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 sur le fondement de laquelle s'est prononcée la Cour, dès lors qu'il institue une double imposition de ces dividendes supérieure à celle admise par la directive ;

- en tout état de cause, restreindre le droit à restitution du précompte mobilier acquitté à hauteur de l'imputation montant des impositions effectivement payées par ses filiales dans les autres États de l'Union européenne dans lesquelles elle sont établies laisserait perdurer une inégalité de traitement incompatible avec les principes du droit de l'Union en ce qui concerne le traitement fiscal des dividendes versés par ces filiales étrangères et celui des dividendes qui auraient été servis par des filiales françaises, lesquels sont intégralement exonérés d'impôt, dans la mesure où le taux d'imposition effectif des bénéfices des sociétés appliqué dans les autres États de l'Union peut être inférieur au taux de l'impôt sur les sociétés français ;

- les déclarations de précompte souscrites par la société Suez ne lui sont pas opposables, en ce que ces formulaires, dont l'objet est purement fiscal, conduisent à déclarer des imputations de dividendes servis par les filiales d'une société mère incompatibles avec les principes d'effectivité et d'équivalence prévus par le droit de l'Union, les conditions d'imputation dans le précompte mobilier des revenus provenant de ses filiales établis dans d'autres États de l'Union européennes qui découlent de l'utilisation de ces déclarations de précompte étant moins favorables que celles applicables aux revenus provenant de ses filiales françaises ; pour la détermination des droits à crédit d'impôt dont elle peut se prévaloir, il convient de prendre en compte uniquement les documents sociaux émanant des organes compétents pour décider d'une distribution ; en tout état de cause, elle est fondée à demander, nonobstant les mentions portées sur ces déclarations de précompte, que les distributions de dividendes ayant donné lieu au prélèvement de ce précompte soient réputées avoir été effectuées par reversement aux actionnaires des revenus de ses filiales situées dans l'autres États de l'Union européenne dont elle disposait au titre de chacune des années de distribution en litige et à obtenir, par suite, la restitution des montants de précompte en cause, dans la mesure où, pour les motifs exposés ci-dessus, ces revenus auraient dû être distribués en franchise de précompte ;

- c'est à tort, ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice de l'Union européenne par sa décision C 416/17, Commission européenne c/ République française du 4 octobre 2018, que le tribunal a refusé de prendre en compte, pour le calcul de son droit à restitution du précompte mobilier versé à tort, les impositions dont se sont acquittées ses sous-filiales ;

- les stipulations de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, qui permet à une société mère de demander au fisc italien le bénéfice de l'avoir fiscal qui aurait été attaché, en vertu de la législation de cet État, aux dividendes versés par ses filiales italiennes, ne peuvent avoir pour effet de réduire le droit à restitution du précompte mobilier qu'elle tire de l'incompatibilité de ce dispositif avec le droit de l'Union ; en tout état de cause, la prise en compte de ces avoir fiscaux devrait elle-même être minorée à raison de la prise en compte de la retenue à la source opérée sur ces mêmes dividendes en application du paragraphe 4 b de l'article 10 de cette même convention ;

- la limitation du crédit d'impôt dont elle peut demander la restitution au tiers du montant des dividendes perçus de ses filiales et pris en compte pour le calcul du précompte mobilier, par référence au taux nominal de l'impôt sur les sociétés appliqué en France, dont le tribunal a fait application, ne permet pas d'assurer l'égalité de traitement des dividendes versés par les filiales d'une société-mère, que ces filiales soient françaises ou établies dans d'autres États de l'Union européenne, et elle est en outre entachée d'une erreur de droit ;

- la méthode de calcul du crédit d'impôt demandé, en ce qu'elle limite le montant de l'impôt acquitté par les filiales européennes et pris en compte pour l'établissement de ce crédit à celui correspondant au résultat comptable distribué à la société mère, est impossible ou excessivement difficile à mettre en oeuvre et laisse subsister une inégalité de traitement selon l'origine des dividendes redistribués ; il y a donc lieu, comme l'a d'ailleurs admis l'administration fiscale devant la Cour de justice de l'Union européenne, d'inclure dans l'assiette crédit d'impôt le montant global des impositions supportées par les filiales au titre des dividendes qu'elles lui ont distribués au titre des cinq exercices précédant les distributions ayant donné lieu au versement du précompte mobilier pour les années 1999, 2000 et 2001 ;

- à titre subsidiaire, il y aurait lieu pour la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles tendant à ce que cette juridiction indique si, d'une part, l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un régime national prélevant un impôt sur la distribution de dividende tel que le précompte mobilier, si ce régime a pour conséquence que lorsqu'un dividende reçu d'une filiale résidente d'un autre État membre de l'Union européenne est distribué par une société résidente, elle doit acquitter au titre de ce dividende le précompte mobilier, qui constitue une imposition qui excède le seuil prévu à l'article 4, paragraphe 2, précité, de cette directive et si, d'autre part, en cas de réponse positive à cette question, l'État est en droit de demander la justification des impositions acquittées par les filiales ou sous-filiales établies dans d'autres États membres pour exclure les dividendes services par ces dernières à leur mère de l'assiette du précompte, alors que l'État de résidence de la société mère a opté pour un régime d'exonération et si ce même État est en droit d'opposer au contribuable les imputations contenues dans un formulaire purement fiscal pour exclure les dividendes mère-fille de source communautaire de l'assiette du précompte alors que l'effet direct de la directive prescrit une application inconditionnelle de ce régime ;

- à titre infiniment subsidiaire et si la Cour estimait qu'il fallait tirer toutes les conséquences de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 4 octobre 2018 précitée, le montant du crédit d'impôt dont elle pourrait obtenir dans ce cas la restitution devrait, compte tenu des éléments de preuve qu'elle apporte en ce qui concerne les dividendes servis par les filiales de la société Suez et le taux d'imposition effectif de ces derniers, à la somme totale de 358 278 552 euros ;

- en ce qui concerne sa demande relative à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les avis de mise en recouvrement litigieux, l'administration fiscale ne pouvait mettre à sa charge, sur le fondement de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, le paiement de l'impôt constitué par les montants de précompte mobilier en cause, dès lors qu'en sa qualité de cessionnaire, par voie de bordereau " Dailly ", de la créance fiscale constituée par ces précompte, elle n'était pas le redevable de cette imposition et ne s'est pas substituée à la société Suez en cette qualité de redevable, pas plus qu'elle n'est débitrice solidaire de cette imposition ; le recouvrement des sommes en cause ne peut donc être effectué qu'auprès de la société Suez, devenue Engie, redevable initial du précompte ;

- le 2. de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales ne peut servir de fondement légal au recouvrement de créances non fiscales auprès d'un tiers à l'impôt de sorte que les mises en demeure valant commandement de payer consécutifs aux avis de mise en recouvrement contestés sont irrégulières ;

- les avis de mise en recouvrement litigieux ne peuvent pas être fondés sur l'application de l'article 1377 du code civil, qui ne présente qu'un caractère subsidiaire aux voies de recouvrement applicable en matière fiscale que l'administration n'a pas épuisées en l'espèce ;

- la méthode servant au calcul du précompte à restituer retenue par le Conseil d'État dans ses décisions du 10 décembre 2012 est contraire au droit de l'Union de sorte qu'elle est fondée à contester l'obligation de payer les sommes déterminées au moyen de cette méthode.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 juin 2020 :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SOCIETE GENERALE.

Considérant ce qui suit :

1. La société Suez a perçu en 1999, 2000 et 2001 des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres États membres de l'Union européenne. Lors de la redistribution de ces dividendes, elle a acquitté, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts, un précompte s'élevant au titre des années 1999, 2000 et 2001 aux sommes respectives de 128 478 605 euros, 219 132 715 euros et 270 489 417 euros. Après avoir formé en vain une réclamation préalable tendant à la restitution de ces montants de précompte au motif de l'incompatibilité de cette imposition avec le droit de l'Union, la société Suez a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce que soit ordonné le remboursement de ces sommes le 22 janvier 2003. En vertu des articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, la société Suez a cédé en cours d'instance à la SOCIETE GENERALE, sa créance sur le Trésor Public correspondant à sa demande de restitution du précompte, par convention conclue le 5 septembre 2005. Par un jugement n° 0300768 en date du 28 décembre 2007, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Suez et ordonné la restitution des sommes litigieuses, augmentées des intérêts moratoires, lesquelles ont été perçues par la SOCIETE GENERALE en sa qualité de cessionnaire de la créance fiscale en cause. Toutefois, par un arrêt n° 08PA01456 du 12 décembre 2014, devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et remis à la charge de la société Suez les montants de précompte dont la restitution avait été prononcée en première instance, en tenant compte pour l'exécution de son arrêt de ce que les sommes correspondantes avaient été encaissées par la SOCIETE GENERALE. En conséquence, l'administration fiscale a émis dans un premier temps, le 11 août 2015, quatre avis de mise en recouvrement au nom de la SOCIETE GENERALE portant sur les sommes mentionnées au titre du précompte en litige pour les années 1999 à 2001 ainsi que des intérêts moratoires dont elles avaient été augmentées, référencés AMR 201507 M001, 201507 M002, 201507 M003 et 201507 M004, puis, dans un second temps, deux mises en demeure valant commandement de payer, référencées MDP 1507034 et MDP 15070535, mises à l'encontre de la SOCIETE GENERALE le 23 octobre 2015. La SOCIETE GENERALE a alors formé, d'une part, une réclamation préalable en date du 10 novembre 2015 contestant le bien-fondé de l'application du précompte mobilier aux redistributions de dividendes servis par les filiales de la société Suez, sollicitant la décharge des sommes dont le recouvrement était poursuivi auprès d'elle et demandant, en outre, le bénéfice du sursis de paiement des sommes litigieuses en vertu de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. D'autre part, elle a également formé une opposition à poursuites par courrier du 17 décembre 2015. La SOCIETE GENERALE fait appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant notamment à la décharge des sommes mises à sa charge en vertu des avis de mise en recouvrement précités et à la décharge de l'obligation de payer ces sommes, visées par les deux commandements de payer dont elle a fait l'objet.

Sur les conclusions aux fins de décharge des sommes visées par les avis de recouvrement contestés :

2. Aux termes de l'article L. 190 du livre de procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts (...) relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) " . L'article R. 190-1 du même livre dispose : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 196-1 de ce même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190... ". Enfin, aux termes de l'article R. 197-4 de ce livre : " Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. (...) Toutefois, il n'est pas exigé de mandat (...) des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable. Il en est de même si le signataire de la réclamation a été mis personnellement en demeure d'acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation. (...). ".

3. En premier lieu, la cession à la SOCIETE GENERALE de la créance qu'affirmait détenir la société Suez sur l'État à raison des montants de précompte mobilier dont elle affirmait être fondée à obtenir la restitution n'a eu ni pour objet, ni pour effet de faire perdre à la société Suez sa qualité de redevable exclusif de cette imposition, ni de conférer cette qualité à la SOCIETE GENERALE. En outre, si l'article 4 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014 précité énonce qu'en vue de l'exécution de cette décision qui remet à la charge de la société Suez les montants de précompte mobilier en litige, " il sera tenu compte de ce que la société Suez a cédé sa créance fiscale sur le Trésor public (...) à la Société Générale ", les sommes dont l'administration fiscale pouvait exiger le remboursement à la SOCIETE GENERALE en exécution de cette décision juridictionnelle n'ont pas la nature d'une imposition nouvelle mise à la charge de la société requérante, mais, dans le cadre de l'exécution de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014, d'un indu, correspondant au montant de l'impôt initialement restitué en première instance au redevable de celui-ci et rétabli par le juge d'appel, qui avait été versé à la SOCIETE GENERALE en sa qualité de cessionnaire de la créance correspondante en exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 décembre 2007. Ainsi, le litige opposant la SOCIETE GENERALE à l'administration fiscale ne tenant pas à une erreur commise dans l'assiette ou le calcul d'impositions qui seraient supportées par cette société, mais aux conditions d'exécution de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris précité, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle était recevable à présenter une réclamation préalable d'assiette, sur le fondement des articles L. 190 et R. 190-1 du livre des procédures fiscales, pour contester le remboursement du précompte mobilier qui lui a été demandé en application de l'arrêt, de devenu définitif, de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014 et remettre ainsi en cause la portée de cet arrêt.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la SOCIETE GENERALE a présenté sa réclamation préalable relative à l'assiette du précompte mobilier du 10 novembre 2015 en son nom personnel et non en vertu du mandat de représentation de la société Suez que lui avait conféré l'article 5 de la convention de cession du 5 septembre 2005 susmentionnée. En admettant même que ce mandat n'avait pas pris fin avec la conclusion de la procédure contentieuse engagée par la société Suez du fait de l'intervention de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014, ce qui aurait, dans ces conditions, autorisé la SOCIETE GENERALE à former sa réclamation d'assiette en vertu de ce mandat pour l'application du premier alinéa de l'article R. 197-4 précité, il n'en demeure pas moins que cet arrêt est devenu définitif et est revêtu à ce titre de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la société Suez et, par voie de conséquence, de ses mandataires éventuels. Par ailleurs, et ainsi qu'il est dit au point précédent, les sommes mises à la charge de la SOCIETE GENERALE par les avis de mise en recouvrement contesté ne mettent pas à sa charge le paiement de l'impôt constitué par les montants de précompte mobilier à l'origine du litige au sens du second alinéa de l'article R. 197-4, mais le remboursement des sommes que lui a indûment versé le Trésor public consécutivement à la restitution du précompte mobilier prononcée au profit de la société Suez par le jugement, annulé en appel, du Tribunal administratif de Paris du 28 décembre 2007. Dans ces conditions, la SOCIETE GENERALE n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle aurait été recevable à former une réclamation préalable portant sur le bien-fondé du précompte mobilier supporté par la société Suez au titre des années 1999, 2000 et 2001, que ce soit sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 197-4 du livre des procédures fiscales ou du deuxième alinéa de ce même article.

5. En troisième et dernier lieu, et dans la mesure où la SOCIETE GENERALE aurait entendu soutenir qu'elle était en droit, en sa qualité de cessionnaire " Dailly " de contester en son nom propre et par le biais d'une nouvelle réclamation distincte de celle à l'origine de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014, les impositions supplémentaires mises à la charge de la société Suez, il résulte de l'instruction, qu'en tout état de cause, le délai de réclamation dont disposait la SOCIETE GENERALE pour contester, en sa qualité de cessionnaire de la créance prétendument détenue par la société Suez sur le Trésor, l'assiette du précompte mobilier auquel se rapporte cette créance a nécessairement commencé à courir, pour ce qui la concerne, à compter de la date de la convention de cession du 5 septembre 2005 constitutive de l'événement déclenchant à son encontre le délai de recours contentieux au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscale. Par suite, le délai prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales expirant, dans ce cas, le 31 décembre 2007 et n'ayant pas été rouvert par un événement postérieur, la réclamation d'assiette présentée par la SOCIETE GENERALE était également irrecevable comme tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, d'une part, l'administration fiscale a rejeté comme irrecevable la réclamation préalable présentée par la SOCIETE GENERALE le 10 novembre 2015 et que, d'autre part, les premiers juges ont rejeté, pour ce motif, les conclusions de la société requérante aux fins de décharge des sommes mises à sa charge par les avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 11 août 2015. Par voie de conséquence, doit également être rejetée comme dépourvue d'objet la demande de la SOCIETE GENERALE tendant à ce que soit posées à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles, en ce que ces questions ont exclusivement trait au bien-fondé de l'application du précompte mobilier aux dividendes versés par la société Suez.

Sur les conclusions aux fins de décharge de l'obligation de payer les sommes mises à la charge de la SOCIETE GENERALE par les mises en demeure valant commandements de payer du 23 octobre 2015 :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : "Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat (...) ". L'article L. 281 du même livre dispose : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : /1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; /2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ".

8. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 décembre 2014 a eu pour seul objet en ce qui concerne la SOCIETE GENERALE, et pour les besoins de l'exécution de cet arrêt, de mettre à la charge de cette société, en sa qualité de cessionnaire de la créance fiscale que prétendait détenir la société Suez sur le Trésor public, le remboursement des montants de précompte remis à la charge de la société Suez, augmentés des intérêts moratoires, que l'administration fiscale avait auparavant été tenue de lui verser en totalité en conséquence de la cession de créance en cause. Ainsi, d'une part, la SOCIETE GENERALE ne saurait soutenir que la créance en litige serait distincte de celle qu'elle a acquise par voie de cession, de sorte que le service ne pouvait en poursuivre le recouvrement qu'à l'encontre de son redevable légal. D'autre part, et alors même que les sommes dont le recouvrement est recherché auprès de la SOCIETE GENERALE n'ont pas, à son égard, la nature d'une imposition supplémentaire, elles présentent par leur nature même le caractère d'une créance fiscale du cédant, la convention de cession intervenue entre la SOCIETE GENERALE et la société n'ayant pas eu pour effet de lui faire perdre son caractère à cette créance. Par suite, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale pouvait régulièrement émettre à son encontre, en vue du recouvrement des sommes en litige, des avis de mise en recouvrement en application des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, qui vise la restitution de sommes indûment versées par l'État, et émettre sur ce fondement de ces titres exécutoires les commandements de payer contestés.

9. En deuxième lieu, et ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration fiscale a engagé le recouvrement des sommes indûment versées à la SOCIETE GENERALE en application des dispositions précitées de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales. Ainsi, et bien que les avis de mise en recouvrement du 11 août 2015 mentionnent à tort, en surplus de ces dispositions, l'article 1377 du code civil, la SOCIETE GENERALE ne saurait soutenir que l'administration fiscale aurait fondé ces avis sur l'application de ce dernier article, subsidiaire aux voies de recouvrement prévues en matière fiscale, sans mettre en oeuvre ces mêmes voies.

10. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que le recouvrement des sommes en litige méconnaîtrait soit la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 dite " directive mère-fille ", soit les stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté de circulation des capitaux et à la liberté d'établissement et pourrait conduire de ce fait à une condamnation en manquement de l'État se rattache, non à son obligation de payer, mais au bien-fondé de l'imposition dont procède cette obligation. Il ne saurait donc être utilement invoqué au soutien d'une contestation en recouvrement introduite sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales.

11. D'autre part, l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dispose : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent... ".

12. La SOCIETE GENERALE n'était pas recevable, ainsi qu'il a été dit plus haut, à former auprès de l'administration fiscale une réclamation préalable aux fins de contestation de l'assiette du précompte mobilier dont les montants restitués en ses mains lui sont désormais réclamés. Elle n'a pu ainsi obtenir le bénéfice du sursis de paiement qu'elle a sollicité à l'occasion du dépôt de cette réclamation. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'en vertu des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, elle aurait bénéficié d'un tel sursis de paiement qui aurait emporté, par suite, caducité de ces actes de poursuite.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GENERALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit à ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE GENERALE est rejetée.

2

N° 17VE00208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00208
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;17ve00208 ?
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