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02/07/2020 | FRANCE | N°18VE01556

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 02 juillet 2020, 18VE01556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 5 mai 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de prendre les mesures d'exécution impliquées nécessairement par l'annulation de la décision du 5 mai 2015, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à

compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 5 mai 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de prendre les mesures d'exécution impliquées nécessairement par l'annulation de la décision du 5 mai 2015, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506342 du 5 mars 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, M. C..., représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 5 mai 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3° d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de prendre les mesures d'exécution impliquées nécessairement par l'annulation de la décision du 5 mai 2015, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplissait les conditions du décret du 29 avril 2002 pour avoir droit à l'alimentation de son compte épargne-temps à hauteur de vingt-cinq jours de congés qu'il n'a pas pu prendre au titre de l'année scolaire 2013-2014 ainsi qu'à l'indemnisation de ces jours épargnés ; il a pris le minimum de vingt jours de congés annuels et pouvait donc demander l'alimentation de son compte-épargne temps à hauteur de vingt-cinq jours de congés annuels non pris ; il disposait de quarante-cinq jours sur son compte-épargne temps et pouvait donc exercer son droit d'option et demander l'indemnisation de vingt-cinq jours épargnés ; cette demande a fait l'objet d'un avis favorable du chef d'établissement ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en substituant au fondement erroné de la décision une circulaire dépourvue de valeur réglementaire ajoutant illégalement une condition aux dispositions réglementaires applicables ;

- la circulaire DAPAOS/DE n° 2014-028 du 27 octobre 2014 fait obligation aux directeurs et chefs d'établissement de prendre des mesures afin que les agents puissent prendre la majorité de leurs congés annuels de manière régulière et non aux agents de justifier des circonstances exceptionnelles justifiant qu'ils n'ont pas été mesure de prendre l'ensemble de leurs congés annuels ; au demeurant, il résulte du certificat administratif établi par son chef d'établissement que cette situation n'est pas de son fait mais des nécessités de service ; le rectorat de Versailles n'a pris aucune mesure, notamment par l'allocation de moyens humains supplémentaires, permettant de mettre un terme aux circonstances le mettant dans l'impossibilité de prendre l'intégralité de ses congés ; le caractère récurrent de la demande d'indemnisation n'est pas un motif légal de refus.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

- l'arrêté du 28 juillet 2004 portant application dans les services déconcentrés et établissements relevant du ministre de l'éducation nationale et dans les établissements relevant du ministère chargé de l'enseignement supérieur du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte-épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat ;

- l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., attaché principal d'administration, affecté en qualité d'adjoint gestionnaire du lycée Antoine Lavoisier à Porcheville, fait appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mai 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande d'indemnisation de vingt-cinq jours de congés non pris au titre de l'année scolaire 2013/2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Il est institué dans la fonction publique de l'Etat un compte épargne-temps. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels, tels que prévus par le décret du 26 octobre 1984 susvisé, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsque, au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est inférieur ou égal à un seuil, fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, qui ne saurait être supérieur à vingt jours, l'agent ne peut utiliser les droits ainsi épargnés que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Lorsque, au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article 5 : I. - Les jours ainsi épargnés n'excédant pas ce seuil ne peuvent être utilisés par l'agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. II. - Les jours ainsi épargnés excédant ce seuil donnent lieu à une option exercée au plus tard le 31 janvier de l'année suivante : 1° L'agent titulaire mentionné à l'article 2 ou le magistrat mentionné à l'article 2 bis opte dans les proportions qu'il souhaite : a) Pour une prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique dans les conditions définies à l'article 6-1 ; b) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l'article 6-2 ; c) Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions définies à l'article 6-3. Les jours mentionnés au a et au b sont retranchés du compte épargne-temps à la date d'exercice d'une option. En l'absence d'exercice d'une option par l'agent titulaire ou le magistrat, les jours excédant ce seuil sont pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique. (...) ".

3. Par une circulaire n° 2014-028 du 27 octobre 2014 relative aux conditions d'ouverture, d'alimentation et d'utilisation du compte épargne-temps pour les congés de l'année scolaire 2013-2014, le recteur de l'académie de Versailles a précisé que " si une situation exceptionnelle, une année, peut expliquer qu'un agent n'ait pas pu prendre tous ses congés annuels, en revanche, il n'est pas concevable que des agents soient amenés à épargner chaque année un nombre très important de jours de congés non pris. Ces situations devront, au demeurant, être justifiées par le supérieur hiérarchique. Il convient donc de veiller à ce que les agents puissent prendre la majorité de leurs congés annuels de manière régulière ".

4. M. C..., qui avait obtenu l'indemnisation de vingt-cinq jours de congés non pris au titre de chacune des années 2011, 2012 et 2013, a sollicité pour l'année scolaire 2013/2014 l'indemnisation de vingt-cinq jours de congés non pris. Par la décision attaquée du 5 mai 2015, le recteur de l'académie de Versailles a rejeté cette demande en indiquant à l'intéressé " Je vous rappelle qu'à titre tout à fait exceptionnel, vous avez bénéficié précédemment, à plusieurs reprises, de l'indemnisation de jours de congés non pris. Par courrier en date du 6 mars 2014, il vous a été indiqué que cet accord ne serait pas renouvelé. Je vous confirme par conséquent, que je ne peux pas réserver une suite favorable à votre demande ".

5. Toutefois, M. C... produit à l'appui de sa demande d'indemnisation un certificat administratif du chef d'établissement du lycée Lavoisier à Porcheville qui fait état de plusieurs circonstances étayées ayant fait obstacle à ce que le requérant prenne plus de vingt jours de congés (départ en congé longue maladie d'un personnel, plusieurs absences d'un autre agent, absence de l'agent comptable d'un autre établissement) et indique que " bien qu'ayant reçu une demande du secrétaire général d'académie l'année dernière me demandant de permettre à M. C... de prendre l'intégralité de ses congés, j'ai ordonné à ce dernier d'être présent afin d'assurer la continuité du service public ". Cette attestation, au demeurant rédigée conformément aux dispositions de la circulaire du 27 octobre 2014 citées au point 3, établit, dès lors que l'administration ne conteste la réalité d'aucun des éléments qu'elle contient, que M. C... a été empêché de prendre ses congés pour des motifs attachés au bon fonctionnement de l'établissement au sein duquel il est affecté et qu'il est donc fondé à demander l'indemnisation des jours de congés qu'il n'a pas pu prendre. Par ailleurs, la circonstance que la situation se reproduise depuis 2011, alors que le chef d'établissement expose pour chacune des années en cause des motifs tant conjoncturels (travaux, fuite de gaz...) que structurels (situation de sous-effectif), n'est pas de nature à faire obstacle à l'indemnisation des jours de congés dont M. C... n'a pas pu bénéficier. Dans ces conditions, la décision litigieuse par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté la demande de M. C... tendant à l'indemnisation de vingt-cinq jours de congés non pris au titre de l'année 2014 est entachée d'illégalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mai 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

8. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature dans sa version alors en vigueur : " Les montants forfaitaires par jour mentionnés aux a et b du 1° et au a du 2° du II de l'article 6, aux articles 6-1, 6-2 et 10-1 du décret du 29 avril 2002 susvisé sont fixés par catégorie statutaire de la manière suivante : 1° Catégorie A et assimilé : 125 € ; 2° Catégorie B et assimilé : 80 € ; 3° Catégorie C et assimilé : 65 €. ".

9. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation retenu, implique nécessairement que le recteur de l'académie de Versailles procède à la liquidation de la somme due au titre des vingt-cinq jours du compte épargne-temps de M. C... au taux horaire applicable à la catégorie A pour l'année 2014, soit 125 euros, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros à verser à M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1506342 du 5 mars 2018 du Tribunal administratif de Versailles, ainsi que la décision du 5 mai 2015 du recteur de l'académie de Versailles, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. C..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Versailles de procéder M. C... à la liquidation de la somme qui est due à M. C... au titre des vingt-cinq jours de congé annuel non pris en 2014 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

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N° 18VE01556


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : SCOTTI-PIQUET AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18VE01556
Numéro NOR : CETATEXT000042091844 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;18ve01556 ?
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