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02/07/2020 | FRANCE | N°18VE01121-18VE01125

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18VE01121-18VE01125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le maire de MORIGNY-CHAMPIGNY a mis fin à compter du 19 mai 2014 à son détachement pour effectuer un stage en qualité d'ingénieur et l'a réintégré dans son cadre d'emploi d'origine au grade de technicien principal de 1ère classe ; d'enjoindre à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY de procéder à son avancement au grade d'ingénieur à compter du 19 mai 2014, date de sa réintégration

illégale au grade de technicien ; de condamner cette commune à reconstituer sa carrière...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le maire de MORIGNY-CHAMPIGNY a mis fin à compter du 19 mai 2014 à son détachement pour effectuer un stage en qualité d'ingénieur et l'a réintégré dans son cadre d'emploi d'origine au grade de technicien principal de 1ère classe ; d'enjoindre à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY de procéder à son avancement au grade d'ingénieur à compter du 19 mai 2014, date de sa réintégration illégale au grade de technicien ; de condamner cette commune à reconstituer sa carrière en lui versant la totalité des traitements dus en tant qu'ingénieur à compter du 19 mai 2014 ainsi que les droits sociaux y afférents, au besoin sous astreinte, et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice de carrière du fait de l'illégalité de la décision contestée ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2014 par lequel le maire de MORIGNY-CHAMPIGNY a prononcé son changement d'affectation, ainsi que l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel cette autorité a prononcé la suppression de sa nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 30 décembre 2014 ; de condamner la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY pour faute du fait de l'illégalité des décisions attaquées ; d'enjoindre à cette commune de procéder à sa réintégration sur son poste de responsable des services techniques ; de condamner cette commune au rétablissement de sa rémunération et de sa NBI depuis le 30 décembre 2014 ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière à compter de cette même date, à lui verser la somme de 8 403,68 euros au titre des rémunérations non perçues, ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice de carrière et de son préjudice moral ;

3°) d'annuler la décision implicite du 20 février 2015 par laquelle le maire de MORIGNY-CHAMPIGNY a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ; de condamner la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY à la reconstitution de sa carrière, au besoin sous astreinte ; de la condamner, au titre de la protection fonctionnelle, à la prise en charge intégrale des frais de procédure, et au versement de la somme de 20 000 euros en raison du préjudice moral subi ;

4°) d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle le maire de MORIGNY-CHAMPIGNY a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie ; de prononcer la qualification en accident de travail des arrêts maladie depuis le 11 février 2014 ; d'enjoindre à cette commune de procéder à la reconstitution de sa carrière et notamment au versement de son plein traitement jusqu'à la date de consolidation médicalement constatée.

Par un jugement n°s 1405047, 151589, 152887 et 162206 du 29 janvier 2018, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir annulé les arrêtés du maire de MORIGNY-CHAMPIGNY en date du 29 décembre 2014 portant changement d'affectation de M. C..., en date du 26 janvier 2015 supprimant la NBI dont il bénéficiait, en date du 15 janvier 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie et la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle, a enjoint à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY, dans le délai de trois mois suivant sa notification, de réintégrer M. C... à compter du 30 décembre 2014 dans ses fonctions de responsable des services techniques et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date, de reconnaître à M. C..., dans un délai de trois mois, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et le droit de conserver l'intégralité de son traitement pour la période du 11 février 2014 jusqu'à la date de consolidation médicalement constatée, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, a condamné la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY à verser à M. C... la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18VE01121, le 30 mars 2018 et le 20 mars 2019, la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY, représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er à 6 de ce jugement ;

2° de rejeter les demandes de première instance de M. C... ;

3° de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de changement d'affectation du 29 décembre 2014 est une mesure d'ordre intérieur ; elle est sans rapport avec la plainte pénale déposée par M. C..., dont le maire n'avait pas connaissance à cette date ; la mutation était dans l'intérêt du service ;

- l'arrêté du 26 janvier 2015 supprimant la nouvelle bonification indiciaire a été pris à bon droit, compte tenu du changement des missions données à l'intéressé ;

- s'agissant de la décision implicite de rejet de la demande de protection fonctionnelle, le comportement inadapté de M. C... suite au refus de titularisation est seul à l'origine des difficultés qu'il invoque ; l'absence de harcèlement moral a été constatée judiciairement ; les conditions de travail de M. C... ne se sont pas dégradées ;

- s'agissant de la décision du 15 janvier 2016 refusant l'imputabilité au service des arrêts maladie, la maladie alléguée n'est pas caractérisée, et le comportement de l'agent n'est pas en rapport avec la dépression alléguée ; un syndrome dépressif en tant que tel ne présente pas, en l'absence de justifications, le caractère d'un accident imputable au service ; l'accident doit effectivement présenter un caractère soudain et violent : aussi le syndrome ne présente pas le caractère d'un accident imputable au service ; le lien causal entre les fonctions et la maladie n'est pas établi ;

- pour ces motifs, la demande de première instance doit être rejetée.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18VE01125 le 3 avril 2018, M. D... C..., représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté du 29 avril 2014 du maire de MORIGNY-CHAMPIGNY, et d'annuler ce même arrêté ;

2° d'enjoindre à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 19 mai 2014 et notamment des droits y afférents ainsi qu'au versement de son traitement en tant qu'ingénieur, et de lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et de carrière subi ;

3° de mettre à la charge de la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titularisation n'est pas motivé, est entaché d'un vice de procédure, d'erreurs de droit et de fait, de détournements de procédure et de pouvoir ;

- l'absence de perspectives professionnelles au sein des services municipaux, le blocage de son avancement au grade d'ingénieur, et d'avancement au sein de ce grade constitue un préjudice de carrière et moral ; la perte de rémunération liée à sa position d'ingénieur territorial stagiaire et des primes afférentes au grade constitue un préjudice financier.

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III. Par une lettre enregistrée le 17 juin 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., avocat, a saisi le président de la Cour d'une demande d'exécution du jugement n°s 1405047, 151589, 152887 et 162206 du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles.

Il doit être regardé comme demandant à la Cour de :

1° fixer le montant des frais et honoraires de procédure de première instance à hauteur d'un montant de 8.809,54 euros hors taxes soit 10.571,45 euros toutes taxes comprises au titre de la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle ;

2° mettre à la charge de la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la prise en charge des frais et honoraires exposés est obligatoire en application du VII de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 renvoyant au décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 ;

- le taux horaire appliqué par son avocat sur les prestations diligentées n'a aucune incidence sur l'obligation de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, la commune pouvant seulement contester le montant des honoraires si elle l'estime anormal ;

- l'ensemble des actes illégaux constitue en soi des agissements de harcèlement moral contre lesquels la protection fonctionnelle doit être mise en oeuvre ;

- la circonstance que la procédure pénale a été classée sans suite est sans incidence sur l'obligation de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle ;

- le jugement n'a pas rejeté la demande d'annulation du refus de la protection fonctionnelle ;

- en confondant le montant dû au titre des frais d'instance avec le montant à prendre en charge au titre de la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, la commune viole l'autorité de la chose jugée ; le montant dû au titre des frais d'instance est forfaitaire et, d'usage, sans tenir compte des frais réellement acquittés par le justiciable ; en tout état de cause, cela ne concerne pas la procédure pénale ; la persistance à ne pas exécuter le jugement constitue la poursuite du harcèlement moral ;

- le quantum sollicité est conforme à l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat.

Par une ordonnance du 18 juin 2019, le président de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du jugement n°s 1405047, 151589, 152887 et 162206 du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le décret n° 90-126 du 9 février 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY, et de Me B..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien principal territorial de 1ère classe, affecté à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY, a été détaché, le 1er juillet 2013, pour un stage de six mois, en vue de sa promotion au grade d'ingénieur. Par un arrêté du 29 avril 2014, l'autorité territoriale a mis fin à ce détachement à compter du 19 mai 2014 et l'a réintégré dans son cadre d'emploi d'origine, ces décisions devant être regardées comme emportant refus de titularisation. En outre, la demande présentée par M. C..., tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle du fait du harcèlement moral dont il alléguait être victime, a fait l'objet d'un rejet implicite né le 20 février 2015. Par des arrêtés du 29 décembre 2014 et du 26 janvier 2015, le maire a décidé de changer son affectation au sein des services communaux, et, par conséquent, de supprimer, à compter du 30 décembre 2014, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) qui lui avait été jusqu'alors accordée. Enfin, par un arrêté du 15 janvier 2016, la même autorité a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail déposés depuis le 11 février 2014 par M. C.... Par la requête n° 18VE01121, la commune relève appel du jugement du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles, en tant que cette juridiction a annulé le changement d'affectation de M. C... et la suppression de la NBI dont il bénéficiait, le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, et le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail susmentionnés, lui a enjoint, dans le délai de trois mois, de réintégrer M. C... à compter du 30 décembre 2014 dans ses fonctions de responsable des services techniques et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date, de lui reconnaître, dans le même délai, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et le droit de conserver l'intégralité de son traitement pour la période du 11 février 2014 jusqu'à la date de consolidation médicalement constatée, et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et l'a condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral. Par un appel incident, enregistré sous le n° 18VE01125 après expiration du délai d'appel, M. C... relève appel du même jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande en annulation, pour excès de pouvoir, du refus de titularisation dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux. Il demande également, par la requête enregistrée sous le n° 19VE02211, que soient prises les mesures nécessaires à l'exécution de ce jugement, en ce qui concerne le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 18VE01121, 18VE01125 et 19VE02211 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 18VE01125 de M. C... :

3. Aux termes, d'une part, de l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours, selon les modalités définies au 2° de l'article 36, mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...), suivant l'une des modalités ci-après : / (...) 2° Inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire compétente, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ". L'article 46 de la même loi dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " La nomination, intervenant dans les conditions prévues aux articles 25, 36 ou 38, paragraphes a, c et d, ou 39 de la présente loi à un grade de la fonction publique territoriale présente un caractère conditionnel. La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier ". Enfin, en application de l'article 30 de cette loi, les commissions administratives paritaires connaissent des refus de titularisation. Aux termes, d'autre part, du deuxième alinéa de l'article 30 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics : " Lorsque l'autorité territoriale prend une décision contraire à l'avis ou à la proposition émis par la commission, elle informe dans le délai d'un mois la commission des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre cet avis ou cette proposition ".

4. Aux termes de l'article 13 du décret du 9 février 1990 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux : " Les fonctionnaires inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 8 et recrutés sur un emploi d'une des collectivités ou établissements publics mentionnés à l'article 3 sont nommés ingénieurs stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée de six mois pendant laquelle ils sont placés en position de détachement auprès de la collectivité ou de l'établissement qui a procédé au recrutement ". Aux termes de l'article 14 du même décret : " La titularisation des stagiaires intervient, par décision de l'autorité territoriale, à la fin du stage mentionné aux articles 12 et 13, au vu notamment d'un rapport établi par le président du Centre national de la fonction publique territoriale. Lorsque la titularisation n'est pas prononcée, le stagiaire est soit licencié s'il n'avait pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégré dans son cadre d'emplois, corps ou emploi d'origine. / Toutefois, l'autorité territoriale peut, à titre exceptionnel et après avis du président du Centre national de la fonction publique territoriale, décider que la période de stage est prolongée d'une durée maximale de six mois pour les stagiaires mentionnés à l'article 12 et de deux mois pour les stagiaires mentionnés à l'article 13 ".

5. En premier lieu, si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. En l'absence d'une décision expresse de titularisation, de réintégration ou de licenciement au cours ou à l'issue de cette période, l'agent conserve la qualité de stagiaire. L'administration peut alors mettre fin à tout moment à son stage pour des motifs tirés de l'inaptitude de l'intéressé à son emploi par une décision qui doit être regardée comme un refus de titularisation. Il résulte de ce qui précède que le maintien de M. C... en qualité de stagiaire au-delà de la durée maximale de stage prévue par les dispositions statutaires citées au point précédent est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient cet agent, le maire n'était nullement tenu de prendre de décision quant à sa titularisation dans le délai d'un mois prétendument imparti par la commission administrative paritaire (CAP) du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région d'Ile-de-France (CIG) en suite de son avis du 4 mars 2014 défavorable au refus envisagé de titularisation de M. C..., mais seulement, en application de l'article 30 du décret du 17 avril 1989 précité, de l'informer de sa décision contraire à cet avis consultatif, formalité en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser la titularisation de M. C..., le maire aurait tenu compte d'éléments d'appréciation autres que la valeur professionnelle de l'intéressé, qui s'entend de l'aptitude à exercer les fonctions auxquelles cet agent peut être appelé et, de manière générale, de sa manière de servir et de ses acquis de l'expérience. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de son stage, le 31 juillet 2013, M. C... a contesté la décision de l'adjoint au maire chargé des associations de mettre à disposition du club de football d'une commune voisine le terrain stabilisé du complexe sportif, du 15 au 21 août 2013, en répondant qu'en l'absence de gardien et de personnel de ménage disponibles, les vestiaires et douches ne seraient pas ouverts, et que le terrain ne serait ni nivelé, ni tracé. En décembre 2013, à la suite d'un problème de chauffage à l'école maternelle Jean-de-la-Fontaine, M. C... a également contesté la décision du maire d'équiper cet établissement de chauffages d'appoint, afin de le maintenir ouvert. Par ailleurs, il est constant que les rapports entre M. C... et le maire ont été difficiles durant la période de stage, et sont allés en se dégradant, M. C... ayant été jusqu'à s'emporter, en public, contre ce dernier, le 14 janvier 2014, au cours du relogement d'une famille par le centre communal d'action sociale. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. C... a rencontré des difficultés dans ses fonctions d'encadrement, en n'organisant pas les astreintes hivernales et celles du service " entretien et ATSEM " en l'absence de sa responsable souffrante, en négligeant la transmission d'informations à ses équipes, et en tardant à accélérer le processus de recrutement d'un agent aux espaces verts. La commune établit ainsi la matérialité des faits reprochés à M. C.... Eu égard à la méconnaissance répétée par M. C... du devoir d'obéissance hiérarchique, mais également à son incapacité à proposer, dans l'intérêt du service, des solutions aux difficultés qu'il s'était contenté d'opposer aux élus pour ne pas mettre en oeuvre leurs demandes, et, enfin, à ses lacunes en matière d'organisation d'encadrement du service dont il avait la responsabilité, l'autorité territoriale n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de le titulariser au grade d'ingénieur territorial. Ni les témoignages favorables d'anciens élus sur sa manière de servir, ni l'appréciation portée par l'autorité territoriale lors de la notation de l'agent pour l'année 2013, intervenue au demeurant avant la mise au stage, ne sont de nature à remettre en cause cette appréciation.

8. En quatrième lieu, le refus de titularisation litigieux a pour seul effet de réintégrer M. C... dans le cadre d'emploi des techniciens territoriaux, au grade de technicien principal territorial. Ainsi et en tout état de cause, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette décision aurait eu pour but véritable de lui infliger la sanction de la rétrogradation. Quant au détournement de pouvoir allégué, il n'est pas établi.

9. En dernier lieu, la décision refusant de titulariser un agent à l'issue du stage n'a pour effet, ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait pour lui un droit ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits. Une telle décision n'est, dès lors, pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur. Ainsi, et alors qu'en outre la décision en litige n'a pas le caractère d'une sanction, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

10. En l'absence de faute commise par la commune de nature à engager sa responsabilité, la demande indemnitaire de M. C... ne peut qu'être rejetée. Le présent d'arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... doivent être également rejetées.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY ni la recevabilité de la requête de M. C..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande en annulation de la décision du 29 avril 2014 refusant sa titularisation dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux, et de l'indemniser.

Sur la requête n° 18VE01121 de la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY :

En ce qui concerne le changement d'affectation :

12. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation (...) ".

13. En premier lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'en qualité de responsable des services techniques, M. C... était responsable du centre technique municipal et, à ce titre, chargé d'encadrer des équipes comptant 18 agents, de gérer les travaux en régie et externalisés, et d'assurer la logistique des fêtes et cérémonies municipales. Il exerçait également des fonctions de conception, de réalisation et de suivi des projets portant sur les bâtiments et les espaces verts communaux, et assurait le suivi administratif des budgets ainsi que la veille technique et juridique propre aux services dont il était chargé. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la fiche de poste correspondante, que le poste de coordinateur des risques et de la gestion du patrimoine immobilier sur lequel il a été affecté par la décision du 29 décembre 2014 litigieuse consiste à élaborer et suivre des documents techniques relatifs à l'évaluation des risques professionnels et au plan communal de sauvegarde, ainsi qu'à suivre le patrimoine matériel immobilier, sans que ces missions n'impliquent d'encadrer du personnel ni ne justifient le maintien de la NBI jusqu'alors perçue par l'agent. Il résulte de ce qui précède que l'affectation de M. C... sur le poste de coordinateur des risques et de la gestion du patrimoine immobilier, emportait, pour l'intéressé, une diminution sensible de ses attributions et responsabilités, et, dès lors, lui faisait grief. Par conséquent, la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée constituerait une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir.

14. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les relations entre M. C... et sa hiérarchie se sont encore dégradées après le refus du maire de le titulariser dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux. En outre, le maire a constaté que des travaux d'installation d'une gâche électrique sur le portail d'une école et de réfection d'un logement au presbytère, ordonnés respectivement en mars et octobre 2013, n'avaient pas été menés complètement à bien par M. C..., sans que les explications avancées par celui-ci en septembre et octobre 2014 à ce propos ne puissent tenir lieu de justifications valables. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à partir du mois de juillet 2014, le véhicule jusqu'alors utilisé par M. C... lui a été retiré, sans qu'il ne puisse utiliser un autre véhicule pour se rendre sur les chantiers qu'il supervisait ou suivait. Il n'est pas contesté que le 8 décembre suivant, le suivi de la commission de sécurité lui a été retiré sans qu'il n'en soit avisé, de même que, le 19 décembre 2014, il a été procédé à l'emport des dossiers se trouvant dans son bureau. Intervenus peu de temps avant la décision contestée, ces faits caractérisent la volonté de l'autorité territoriale de porter atteinte à la situation de M. C..., en l'écartant du service. Compte tenu de cette intention et de la diminution sensible des attributions et responsabilités de M. C... rappelée au point précédent, la décision du 29 décembre 2014 revêt, dans les circonstances particulières de l'espèce, le caractère d'une sanction déguisée, qui, n'étant pas au nombre des sanctions disciplinaires prévues par l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, ne pouvait lui être légalement infligée.

15. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 29 décembre 2014 portant changement d'affectation de M. C..., ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 26 janvier 2015 supprimant sa NBI.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :

16. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ". L'article 11 de la même loi énonce que : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

17. Il ressort des pièces du dossier que le refus de titularisation de M. C... était justifié pour les motifs exposés précédemment, et que la notation de l'agent était similaire en 2013 et 2014, seule l'appréciation littérale portée sur la manière de servir ayant évolué, l'autorité territoriale, tout en reconnaissant les compétences professionnelles de M. C..., l'ayant alors invité à améliorer ses relations avec sa hiérarchie et ses collaborateurs, la matérialité des difficultés relationnelles étant établie. De même, en confiant en avril et mai 2013, à M. C..., la responsabilité des services chargés de l'urbanisme, de l'entretien et de la voirie, l'autorité territoriale n'a fait qu'user de son pouvoir d'organisation des services communaux, à l'exclusion de toute intention de nuire aux agents précédemment chargés de ces services. Le maire n'a pas procédé autrement en retirant à cet agent le suivi du contrat de téléphonie, réattribué au 1er septembre 2013 à une juriste dorénavant chargée de suivre tous les contrats conclus par la commune. La circonstance qu'en avril 2014, les élus auraient échangé, par courriels, avec le responsable des bâtiments et la secrétaire de M. C... ne saurait caractériser, à elle seule, la volonté d'évincer l'intéressé, d'ailleurs mis en copie de la plupart de ses échanges, de la chaîne de transmission de l'information. Enfin, ainsi qu'il a déjà été dit, M. C... a tardé à mener le recrutement d'un agent pour les services des espaces verts, justifiant que le suivi de ce dossier lui soit retiré. L'intéressé ne saurait donc soutenir que ces faits seraient constitutifs d'attaques justifiant que la protection fonctionnelle lui soit accordée.

18. En revanche, à l'été 2014, M. C... s'est vu retirer l'usage du véhicule qu'il utilisait jusqu'alors, sans que ce retrait ne soit accompagné d'une solution alternative pour qu'il puisse se rendre sur les chantiers. De plus, il a été maintenu dans un bureau isolé et à partir d'octobre 2014, l'autorité territoriale a organisé systématiquement des contre-visites médicales lors de ses arrêts pour dépression. La commune n'apporte aucune justification sur les raisons ayant conduit au retrait du suivi de la commission de sécurité au début du mois de décembre 2014, à l'absence de convocation à la réunion des services municipaux du 18 décembre 2014, et à l'enlèvement de dossiers dans son bureau le lendemain. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 14, l'affectation de M. C... sur le poste de coordinateur des risques et de la gestion du patrimoine immobilier était mue, non par l'intérêt du service, mais par la volonté de le sanctionner. La restitution, par M. C..., le jour même de la prise de cette mesure, des clés des locaux du service, de ses ordinateur et téléphone portables, de ses cartes de visite, ainsi que de dossiers informatisés, en public et en présence du maire, qui a consigné cette restitution sur procès-verbal, comportant au demeurant une erreur matérielle de date, revêt, en l'espèce, un caractère vexatoire. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les certificats d'arrêt de travail des 8 octobre et 29 décembre 2014, ce dernier étant reconduit à trois reprises jusqu'au 9 avril 2015, font état d'une dépression puis d'un syndrome anxio-dépressif en lien avec " une situation vécue comme frustrante et stressante dans le travail ", et que les contre-visites médicales réalisées le 22 octobre 2014 et le 6 février 2015 ont conclu au caractère justifié des arrêts de travail. Au surplus, dans son avis du 17 décembre 2015, la commission de réforme a constaté l'existence d'un " lien direct, certain et déterminant entre les lésions décrites, les fonctions habituelles de l'agent ainsi que les conditions difficiles de travail ". En se bornant à affirmer que le syndrome anxio-dépressif de M. C... ne serait pas établi, et en relevant à cet égard que son altercation avec une collègue, le 18 février 2015, est incompatible avec un tel état, la commune ne remet pas valablement en cause les constatations médicales décrites ci-dessus.

19. Il résulte de ce qui précède que les agissements répétés, dirigés contre M. C... et constatés à partir de l'été 2014, revêtent la nature d'un harcèlement moral, sans qu'à cet égard le classement sans suite de la plainte pénale de l'intéressé ait une incidence sur leur qualification. En refusant implicitement d'assurer à ce dernier la protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement moral dont il était victime, la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY a donc méconnu les dispositions citées au point 16.

20. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision implicite refusant l'octroi à M. C... de la protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement moral.

En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service des arrêts de travail :

21. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de former sa conviction sur les points en litige au vu des circonstances de l'espèce.

22. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 16 février 2015, M. C... a demandé que ses arrêts maladie déposés les 11 février, 12 mai et 8 octobre 2014 soient regardés comme imputables au service, en conséquence " du harcèlement moral et des pressions " dont il disait être l'objet de la part du maire d'une part, et que l'intervention de ce dernier le 29 décembre 2014 dans les conditions décrites au point 18 soit regardée comme un accident de service, à la suite duquel il a dû à nouveau cesser le travail et suivre un traitement pour trouble anxio-dépressif d'autre part.

23. Après avoir été informé de l'intention du maire de ne pas le titulariser dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, M. C... a été placé en arrêt pour maladie du 11 au 25 février 2014. Il a également été arrêté du 12 mai au 13 juin 2014, à la suite du refus du maire de se conformer à l'avis du 4 mars précédent de la CAP du CIG. Toutefois, ces seules circonstances ainsi que l'accentuation des dissensions entre le maire et M. C..., tenant en partie aux difficultés de celui-ci à s'intégrer dans la nouvelle organisation municipale, ne sauraient suffire à identifier un incident ou un dysfonctionnement du service susceptible d'être regardé comme pouvant constituer la cause du syndrome anxio-dépressif dont souffre l'agent.

24. En revanche, ainsi qu'il a été déjà dit, à partir de l'été 2014, M. C... a subi des faits de harcèlement moral, prenant la forme d'une réduction de ses moyens de travail et d'une mise à l'écart progressive du service, avant d'être l'objet d'un déplacement d'office, pris en vue de porter atteinte à sa situation et dans les conditions vexatoires décrites ci-dessus au point 18. De même, les certificats d'arrêt de travail successivement envoyés à la commune à partir du 8 octobre 2014 font état d'une dépression puis d'un syndrome anxio-dépressif en lien avec " une situation vécue comme frustrante et stressante dans le travail ", cependant que les contre-visites médicales diligentées par la commune ont conclu à leur caractère justifié, ainsi qu'il a été dit précédemment.

25. Enfin, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état dépressif de M. C... résulterait d'une cause étrangère au service, ni que l'intéressé aurait souffert de troubles similaires antérieurement à ces faits. La circonstance, non contestée, que le 18 février 2015, cet agent a été particulièrement impoli avec une collègue ne saurait, à elle seule, suffire à remettre en cause ces constatations médicales, ainsi qu'il a déjà été dit. D'autre part, si la gestion par M. C... de certains dossiers, notamment ceux mentionnés au point 14, a été caractérisée par des manquements de sa part, ceux-ci ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une faute qui aurait pour effet de détacher du service les évènements rappelés au point précédent. Il résulte de ce qui précède qu'il existe un lien direct et certain entre les conditions de travail de M. C..., telles qu'elles se présentaient à compter de l'été 2014, et le syndrome anxio-dépressif dont il est atteint et qui a donné lieu à des arrêts de travail à compter du 8 octobre 2014 d'une part, et entre l'incident du 19 décembre 2014 et ce syndrome d'autre part. En ne reconnaissant pas leur imputabilité au service, le maire a donc entaché, dans cette mesure, sa décision d'une erreur d'appréciation. Dès lors, la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler, en toutes ses dispositions, la décision du 15 janvier 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail déposés depuis le 11 février 2014 par M. C... et de l'accident de service du 19 décembre 2014.

26. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour.

27. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté n° 14-24 du 1er avril 2014 ayant fait l'objet des formalités de publicité requises, et en particulier de la transmission au sous-préfet d'Etampes le 8 avril suivant, M. F... avait reçu délégation du maire, à l'effet de signer les arrêtés afférents à la carrière des agents communaux. La circonstance que cet arrêté n'a pas été notifié pour information au président du CIG est sans incidence sur son caractère exécutoire. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

28. En deuxième lieu, pour refuser à M. C... l'imputabilité au service du certificat d'arrêt de travail débuté le 11 février 2014, le maire s'est fondé sur la circonstance, erronée en droit, que la notification de son intention de ne pas le titulariser ne constituait pas un événement ayant un caractère soudain et violent. Cependant, il résulte de l'instruction qu'en se fondant sur le second motif, tenant à l'absence de lien causal entre cette notification et l'arrêt, distant de plus d'une semaine, le maire aurait pris la même décision. Par ailleurs, le refus d'imputabilité au service du certificat d'arrêt de travail débuté le 12 mai 2014 est fondé notamment sur la circonstance que son abstention à titulariser M. C..., en dépit de l'avis du 4 mars 2014 de la CAP du CIG, n'est pas constitutive, en soi, d'un accident de service. Cependant, il résulte de l'instruction qu'en tout état de cause, en se fondant sur le second motif, tenant à l'absence de démonstration de l'existence d'un lien causal entre l'inaction alléguée du maire et cet arrêt de travail, distant de plusieurs semaines, le maire aurait pris la même décision.

29. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision critiquée est entachée d'erreur de fait, en ce que la commune ne pouvait considérer que l'annonce d'un refus de titularisation " constitue une situation parfaitement normale pour déplaisante qu'elle soit ", une telle argumentation a trait, en réalité, à la qualification juridique des faits. A cet égard, et pour les motifs rappelés au point 23, le maire n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

30. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, en toutes ses dispositions, la décision du 15 janvier 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail déposés depuis le 11 février 2014 par M. C... et de l'accident de service du 19 décembre 2014.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident présentées par M. C... :

31. En premier lieu, le présent arrêt, qui annule partiellement l'arrêté du 15 janvier 2016, implique seulement que soit reconnu à M. C..., dans un délai de quatre mois à compter du présent jugement, le bénéfice des dispositions précitées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et le droit de conserver l'intégralité de son traitement pour la période du 8 octobre 2014 jusqu'à la date de consolidation médicalement constatée. Il y a lieu d'enjoindre au maire de MORIGNY-CHAMPIGNY de prendre ces mesures, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans l'hypothèse où la date de consolidation n'aurait pas été encore fixée, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de saisir, à cette fin, la commission de réforme, dans le même délai.

32. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 font obligation à l'administration d'accorder sa protection à l'agent victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dans l'exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d'une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu'il a luimême introduites, elles n'ont pas pour effet de contraindre l'administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l'intégralité de ces frais. L'administration peut décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque, notamment, ces frais n'étaient pas nécessaires pour assurer la défense de l'agent ou correspondent à des honoraires dont le montant apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les notes d'honoraires n°s 20141470 du 12 novembre 2014 et 20162054 du 1er août 2016 relatives à la procédure pénale pour faits de harcèlement moral engagée par M. C... et deux de ses collègues, ainsi que les notes d'honoraires n°s 20151572 du 3 juin 2015, en ce qu'elles concernent les diligences du 20 avril 2015, et 20182441 du 31 janvier 2018 relative à la procédure devant le Tribunal administratif tendant à l'annulation du refus d'octroi de la protection fonctionnelle sont en lien direct avec la protection fonctionnelle à laquelle M C... avait droit en raison des agissements dont il a été victime, l'obligation de protection ayant pour objet, ainsi que cela a été rappelé précédemment, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. Le montant des honoraires mis à la seule charge de M. C..., en ce qui concerne strictement ces seules procédures, ne présente pas un caractère excessif. Ainsi, il y a lieu d'en retenir les montants respectifs, toutes taxes comprises, de 1 299,96 euros, 519,99 euros, 2 184 euros et 159 euros. En revanche, dès lors que les autres notes d'honoraires ou parties de notes d'honoraires se rapportent aux autres litiges introduits par M. C... devant le Tribunal administratif de Versailles, elles ne peuvent qu'être écartées. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune à verser à M. C... la somme totale de 4 162,95 euros toutes taxes comprises, au titre de la protection fonctionnelle.

33. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'illégalité fautive des décisions des 29 décembre 2014 et 26 janvier 2015 d'une part, et du refus d'accorder à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle d'autre part, est de nature à engager la responsabilité de la commune. En fixant à une somme globale de 3 000 euros l'indemnisation du préjudice moral dont M. C... justifie et résultant directement de ces décisions, les premiers juges en ont fait une juste appréciation. Par ailleurs, en l'absence de lien direct entre les décisions des 29 décembre 2014 et 26 janvier 2015 et le préjudice de carrière invoqué, il n'y a pas lieu de l'indemniser, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif. Enfin, il résulte de l'instruction que la commune a déjà versé à M. C... les rémunérations non perçues, en ce compris la NBI, à compter du 30 décembre 2014, de sorte que le présent arrêt n'implique, à cet égard, aucune mesure d'exécution. Par suite, le surplus des conclusions susvisées doit être rejeté.

Sur la requête n° 19VE02211 tendant à l'exécution du jugement du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles :

34. Le présent arrêt condamnant la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY à indemniser M. C... au titre de la protection fonctionnelle, sa demande d'exécution du jugement susvisé, portant sur cette indemnisation, se trouve privée d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement de la somme que M. C... demande à ce titre. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la commune au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19VE02211 de M. C....

Article 2 : La requête n° 18VE01125 de M. C..., ainsi que les conclusions présentées dans le cadre de cette instance par la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La décision du 15 janvier 2016 du maire de MORIGNY-CHAMPIGNY refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail à partir du 11 février 2014, et de l'incident du 29 décembre 2014 est annulée en tant qu'elle a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail à partir du 8 octobre 2014, et de l'incident du 29 décembre 2014.

Article 4 : Il est enjoint à la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY de reconnaître à M. C..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et le droit de conserver l'intégralité de son traitement pour la période du 8 octobre 2014 jusqu'à la date de consolidation médicalement constatée, ou, dans l'hypothèse où cette date n'aurait pas été encore fixée, de saisir, à cette fin, la commission de réforme, dans le même délai.

Article 5 : La COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY est condamnée à verser à M. C... la somme de 4 162,95 euros, au titre de la protection fonctionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18VE01121 de la COMMUNE DE MORIGNY-CHAMPIGNY et le surplus des conclusions d'appel incident de M. C... présentées dans le cadre de cette instance, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : Le jugement n°s 1405047, 151589, 152887 et 162206 du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

2

Nos 18VE01121, 18VE01125, 19VE02211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01121-18VE01125
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : MUDRY ; MUDRY ; LABONNELIE ; LABONNELIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;18ve01121.18ve01125 ?
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