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18/06/2020 | FRANCE | N°18VE03819

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 juin 2020, 18VE03819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 5 juillet 2017 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1709069 du 14 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 18VE03819 et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 5 juillet 2017 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1709069 du 14 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 18VE03819 et un mémoire, enregistrés les 20 novembre 2018 et 3 janvier 2020, M. B..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1°d'annuler ce jugement et les décisions du 5 juillet 2017 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3° d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

4 ° de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Me D..., d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

* sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé dans son mémoire complémentaire à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi et ont ainsi entaché le jugement d'une omission à statuer et d'un défaut de motivation;

* S'agissant de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie compte tenu de sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ;

- elle contrevient aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation et a entaché sa décision d'une erreur de droit.

* S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est illégale dès lors qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale faute pour le préfet d'avoir procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est senti lié par le refus de titre de séjour pour prononcer la mesure d'éloignement ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

* S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle lui faisant obligation de quitter le territoire national ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 3° de l'article L.511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

* S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire national ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

* S'agissant de la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle viole les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le principe général du droit de l'union européenne d'être entendu ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle prévoit son exécution à compter de la notification des décisions alors qu'elle ne peut courir qu'à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant haïtien né le 26 janvier 1976, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 5 juillet 2017 le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 1709069 du 14 décembre 2017, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu, au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour du cas des étrangers qui remplissent effectivement la condition prévue audit article d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France sous couvert d'un visa au cours du mois d'octobre 2003. Pour justifier de sa résidence habituelle en France au titre des années contestées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, il produit, outre des relevés d'abonnement à la carte de transport Navigo, au titre de l'année 2009, plusieurs bordereaux de transfert d'argent, une note d'honoraires du 9 janvier 2009, deux courriers d'avocat ainsi qu'un courrier de notification d'une ordonnance de la Cour d'appel de Paris en date du 25 mai 2009. Il produit, pour l'année 2010, des déclarations de revenus déposées en février 2010 au centre des impôts, un formulaire de demande d'admission exceptionnelle en date du 2 février 2010 et des bordereaux de transfert d'argent, pour l'année 2011, une fiche de paie pour le mois de janvier, une déclaration de revenus, un avis d'imposition, trois formulaires d'envoi de devises. En outre pour l'année 2013, il produit une déclaration de revenus, deux avis d'imposition, un courrier émanant de la sous-préfecture du Raincy, un accusé de réception d'un courrier, une attestation de dépôt d'une demande d'admission au séjour datée du 23 janvier 2013 et un relevé bancaire sans mouvement. Par suite, M. B... doit être regardé comme justifiant de la continuité de sa présence en France depuis son entrée sur le territoire national en 2003, et notamment pour les années 2009 à 2011 et 2013 contestées par l'administration. Etablissant résider habituellement en France depuis plus de dix ans, M. B... est donc fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède que la décision du 5 juillet 2017 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, lui interdisant de retourner sur le territoire national durant deux années et fixant le pays de renvoi. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

5. L'exécution du présent arrêt implique que la demande de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'effacer le signalement de l'intéressé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge l'Etat, partie perdante, le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1709069 du 14 décembre 2017 du Tribunal administratif de Montreuil ainsi que les décisions du 5 juillet 2017 par lesquelles le préfet de la Seine Saint-Denis a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de deux années et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'effacer le signalement de l'intéressé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : Sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me D..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

N° 18VE03819 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03819
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-18;18ve03819 ?
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