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18/06/2020 | FRANCE | N°17VE02343

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 juin 2020, 17VE02343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le directeur du centre départemental " enfants et familles " (A...) de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;

2° de condamner le A... à lui verser une somme de 11 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire ;

3° d'enjoindre au A... de procéder au re

trait de la décision litigieuse de son dossier administratif et de prendre les mesures de prote...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le directeur du centre départemental " enfants et familles " (A...) de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;

2° de condamner le A... à lui verser une somme de 11 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire ;

3° d'enjoindre au A... de procéder au retrait de la décision litigieuse de son dossier administratif et de prendre les mesures de protection qui s'imposent ;

4° de mettre à la charge du A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601554 du 19 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2017 et 24 février 2020, Mme F..., représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le directeur du centre départemental " enfants et familles " (A...) de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;

2° de condamner le A... à lui verser une somme de 11 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire ;

3° d'enjoindre au A... de procéder au retrait de la décision litigieuse de son dossier administratif et de prendre les mesures de protection qui s'imposent ;

4° de mettre à la charge du A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a intérêt à demander l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- le jugement est insuffisamment motivé pour n'avoir pas pris en compte son argumentation sur les conditions difficiles dans lesquelles elle a pris ses fonctions ;

- la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le directeur du A... a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle est illégale pour être entachée d'une erreur de fait, d'une erreur dans la qualification juridique des faits et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les accusations diffamatoires de harcèlement moral dont elle a été victime et les appréciations humiliantes portées sur son comportement professionnel constituent des attaques devant donner lieu à protection fonctionnelle. En outre, les reproches sur sa manière de servir émanant de son employeur ne pouvaient justifier le refus de lui accorder cette protection, ces reproches étant au surplus infondés dès lors que sa manière de servir n'avait pas été contestée ; enfin aucune faute personnelle ou motif d'intérêt général ne pouvait fonder le refus contesté ;

- il incombait à l'administration de mettre un terme aux attaques dont elle a fait l'objet, qui ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail, et de réparer les préjudices en ayant résulté, notamment professionnel et matériel ; elle est ainsi fondée à réclamer la condamnation du A... à lui verser une somme de 11 000 euros.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n°2001-1207 du 19 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me D... pour Mme F... et de Me E..., substituant Me G..., pour le centre départemental " enfants et familles " de la Seine Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., attachée d'administration hospitalière, alors employée en qualité d'adjointe de la directrice des ressources humaines du A... de la Seine-Saint-Denis, a demandé au directeur de cet établissement, par un courrier du 31 août 2015, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Cette demande ayant été rejetée par une décision du 2 novembre 2015, Mme F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision et de condamner le A... à lui verser une somme de 9 290 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 19 mai 2017, dont elle relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué ayant procédé au rejet de la demande de Mme F... après avoir examiné sa demande "au fond", les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le A.... Par suite le moyen tiré par le A... de ce que le jugement serait irrégulier en ce qu'il n'a pas statué sur sa fin de non-recevoir ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Mme F... soutient que le jugement serait irrégulier pour être insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'auraient pas répondu à son argumentation sur les conditions difficiles dans lesquelles elle a pris ses fonctions. Cependant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens de la demande, a statué par une appréciation motivée, sur l'ensemble des moyens soulevés dans la demande, et a notamment relevé au point 8 de son jugement qu'il existait "un contexte de tension générale en lien avec une réorganisation des services en cours". Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'une motivation insuffisante doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions en annulation de la décision du 2 novembre 2015 :

5. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles ceux-ci sont exposés, mais aussi de leur assurer une réparation adéquate des torts qu'ils ont subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister ses agents dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'ils entreprendraient pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de ses agents, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. D'autre part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Selon les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

7. Mme F... a pris ses fonctions le 1er janvier 2014 dans un climat préexistant de tensions et de réorganisation du service rendue nécessaire par des audits et, dans ce contexte, elle a rencontré des difficultés relationnelles avec plusieurs agents de son service. Si elle fait état de ce qu'elle aurait été empêchée d'assurer pleinement sa mission d'animation de l'équipe placée sous son autorité en raison notamment de l'attitude de la directrice des ressources humaines et de la responsable qui a assuré son intérim à compter du mois de mars 2015, qui l'auraient placée dans une situation d'isolement, et qu'elle aurait subi des agressions verbales et physiques de certains agents, elle ne l'établit pas par les seules pièces produites. Il apparaît au contraire que le A... a nommé Mme F... sur des fonctions correspondant à son grade, que lors des enquêtes internes organisées par la direction et par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, elle a pu faire valoir sa position et répondre aux dysfonctionnements que certains agents lui reprochaient, que le directeur général lui a apporté à plusieurs reprises son soutien, et que les difficultés rencontrées au cours des années 2014 et 2015 ont été sans incidence négative sur ses évaluations annuelles. Si elle soutient que les accusations diffamatoires de harcèlement moral dont elle a été victime et les appréciations humiliantes portées sur son comportement professionnel par des agents de son service, qu'elle a exposés dans son courrier du 31 août 2015, constituaient des attaques devant donner lieu à protection fonctionnelle, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 21 mai 2015 adressé au directeur général du A... par cinq agents du service de l'intéressée visait à alerter l'employeur sur leur mal être au travail, qui, s'il était imputé à l'attitude de Mme F..., ne constituait pas pour autant des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages, au sens des dispositions précitées au point 5. En outre, si les signataires de ce courrier invoquaient leur intention de recourir à des actions en justice, il ne ressort nullement du dossier que Mme F... aurait fait l'objet d'une plainte déposée dans le cadre d'une instance pénale. De plus, si l'intéressée fait état, sans pour autant l'établir, d'incivilités de la part de certains membres de son équipe qui s'opposaient ouvertement à son autorité hiérarchique, les agissements invoqués, à supposer qu'ils fussent avérés, révélaient des difficultés relationnelles au sein d'un service connaissant des tensions depuis plusieurs années et ne relevant pas de la protection fonctionnelle des agents publics. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme F... ne peut être regardée comme ayant été contrainte de demander sa mutation hors du A... en raison de l'inertie de l'autorité administrative face à des accusations mensongères qu'elle aurait subies de la part de certains agents. Par suite, les faits avancés par Mme F... pour prétendre au bénéfice de la protection fonctionnelle ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant pour constituer des agissements prévus par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précité. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la décision du 2 novembre 2015 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle serait illégale pour être entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de qualification juridique des faits ou d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 2 novembre 2015 refusant à Mme F... le bénéfice de la protection fonctionnelle doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Le A... ayant légalement pu refuser d'accorder à Mme F... le bénéfice de la protection fonctionnelle compte tenu de ce qui précède, l'intéressée n'est pas fondée à demander sa condamnation à lui verser les sommes qui auraient dû être prises en charge par son employeur si cette protection avait été mise en oeuvre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2015 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, ainsi que ses conclusions indemnitaires présentées à l'encontre de cet établissement. Par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le A... de la Seine-Saint-Denis, sa requête doit être rejetée y compris, en conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Le A... de la Seine-Saint-Denis n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme F... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... une somme à verser au A... en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le A... de la Seine-Saint-Denis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02343
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-18;17ve02343 ?
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