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18/06/2020 | FRANCE | N°17VE01229

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 juin 2020, 17VE01229


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1509483, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a suspendu de ses fonctions de proviseur, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 28 octobre 2015 ;

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 1601849 :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre

2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale a décidé le retrait de ses fonctions de prov...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1509483, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a suspendu de ses fonctions de proviseur, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 28 octobre 2015 ;

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 1601849 :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale a décidé le retrait de ses fonctions de proviseur du Lycée Mozart au Blanc-Mesnil, l'a affecté auprès de la rectrice de l'académie de Créteil à compter de la notification de l'arrêté, et l'a affecté dans l'emploi de principal du collège Plaine des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre à compter du 1er février 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2016 du recteur de l'Académie de Créteil l'affectant auprès de lui du 8 au 31 janvier 2016 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale a abrogé l'article 3 de l'arrêté du 18 décembre 2015 et a implicitement refusé de l'affecter dans un emploi de personnel de direction ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de le réintégrer sur un poste de chef d'établissement public local ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

5°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 402,86 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés du 18 décembre 2015 et des 8 janvier et 29 janvier 2016 et des différentes fautes commises à son égard, le tout augmenté des intérêts légaux à compter du 9 mars 2016 ;

6°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 402,86 euros, du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques dont il a été victime, le tout augmenté des intérêts légaux à compter du 9 mars 2016.

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 1604078 :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée le 30 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle demandée par courrier du 28 mars 2016 reçu le 31 mars suivant ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ou, à défaut, de réexaminer ses demandes dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

IV. Par une requête, enregistrée sous le n° 1605262 :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a affecté dans l'emploi de principal adjoint du collège Jean-Jaurès de Clichy à compter du 1er septembre 2016 ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Par un jugement n°1509483, n° 1601849, n° 1604078 et n° 1605262 du 6 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a :

- annulé les décisions des 4 février et 14 avril 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Créteil a refusé de faire droit à la demande de M. B... de protection fonctionnelle sollicitée le 30 janvier 2016 et la décision implicite par laquelle la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle du 28 mars 2016 et lui a enjoint d'accorder à M. B... la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois ;

- annulé l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a affecté M. B... dans l'emploi de principal adjoint du collège Jean-Jaurès de Clichy et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois ;

- condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 6 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, augmentée des intérêts légaux à compter du 9 mars 2016 ;

- rejeté le surplus des demandes de l'intéressé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2017 et des mémoires enregistrés les 22 novembre 2017 et 26 février 2019, M. B..., représenté par Me Sarrazin, avocat, demande à la Cour, :

1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a, d'une part, rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 9 septembre et 18 décembre 2015 et des 8 et 29 janvier 2016, d'autre part, rejeté sa demande de condamner l'Etat pour un montant supérieur à la somme de 6 000 euros ;

2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 183,86 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités des arrêtés des 9 septembre 2015, 18 décembre 2015 et 8 et 29 janvier 2016 et des différentes fautes commises à son égard, le tout augmenté des intérêts légaux à compter de la réception de sa demande préalable ;

3° à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 183,86 euros, en réparation du préjudice anormal et spécial qu'il a subi du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques dont il a été victime, le tout augmenté des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, d'une part, en ce qu'il ne répond pas à l'argumentaire développé au soutien des conclusions en annulation de l'arrêté du 18 décembre 2015, d'autre part, pour ne pas répondre suffisamment au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, soulevé à l'encontre des arrêtés des 8 et 29 janvier 2016 ;

- le jugement est entaché d'une contradiction dès lors que les premiers juges ont estimé que les arrêtés du 18 décembre 2015 et des 8 et 29 janvier 2016 ne révélaient pas une sanction disciplinaire déguisée, tout en reconnaissant qu'il avait été écarté de ses nouvelles fonctions sans avoir pu les exercer ;

* sur la légalité des arrêtés du 18 décembre 2015 et des 8 et 29 janvier 2016 :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2016 étaient irrecevables pour être dirigées contre un acte recognitif ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit dès lors que le retrait des fonctions décidé dans l'intérêt du service en application de l'article 23 du décret du 11 septembre 2001, devait donner lieu, à l'issue d'une période de 4 mois, soit à l'engagement de poursuites disciplinaires, soit à sa nomination sur une nouvelle affectation, alors qu'il a été privé de fonctions pendant une année ;

- l'administration a commis une erreur dans son appréciation de l'intérêt du service ;

- ces arrêtés constituent une sanction disciplinaire déguisée, dès lors qu'il a été privé de toute fonction et qu'il a subi une perte de rémunération ;

* sur la responsabilité de l'Etat :

- la responsabilité de l'administration est engagée dès lors qu'il a été écarté du service pendant toute l'année scolaire 2015/2016 en dépit de l'obligation pour l'Etat d'affecter ses agents sur des emplois correspondant à leur grade ;

- il a connu un préjudice financier lié à la perte de rémunération provoquée par le retrait de ses fonctions évalué à la somme de 10 974,60 euros, et qui entraînera en outre une diminution de sa pension de retraite estimée à 60 782,40 euros. En outre, il a dû exposer des frais de déménagement pour la somme de 3 320 euros et a été privé d'un logement de fonction entre septembre 2015 et septembre 2016, soit une perte estimée à 18 000 euros. De plus, il a été privé de congés payés sur la période 2014-2015, ce qui représente une somme de 8 105,96 euros ;

- le refus illégal de lui accorder la protection fonctionnelle a entraîné un préjudice moral du fait de l'atteinte à sa réputation, des troubles de santé qui ont d'ailleurs été reconnus comme résultant d'un accident de service, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence en raison de ses déménagements successifs. L'ensemble de ces préjudices devra être indemnisé pour une somme qui ne saurait être inférieure à 50 000 euros ;

- à titre subsidiaire, il a subi un préjudice anormal et spécial du fait de la suspension illégale de ses fonctions puis du retrait de celles-ci décidés dans l'intérêt du service.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., personnel de direction affecté en qualité de proviseur du Lycée Mozart du Blanc-Mesnil depuis le 1er septembre 2014, a été suspendu de ses fonctions par arrêté du 9 septembre 2015 du ministre de l'éducation nationale. Par un arrêté du 18 décembre 2015, le ministre de l'éducation nationale a ensuite décidé de lui retirer ses fonctions de proviseur de cet établissement, de l'affecter auprès de la rectrice de l'académie de Créteil et de l'affecter au 1er février 2016 dans l'emploi de principal du collège Plaine des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre. Par un arrêté du 8 janvier 2016, le recteur de l'académie de Créteil affectait M. B... auprès de lui pour la période du 8 au 31 janvier 2016 tandis que, par un arrêté du 29 janvier 2016, le ministre de l'éducation nationale procédait à l'abrogation de l'article 3 de l'arrêté du 18 décembre 2015 affectant l'intéressé sur l'emploi de direction de principal du collège Plaine des Glacis. M. B... a alors demandé, le 30 janvier 2016 puis le 28 mars 2016, à son administration de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui lui a été refusée par des décisions des 4 février et 14 avril 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil. Il va ensuite solliciter, le 9 mars 2016, du ministre de l'éducation nationale qu'il procède à l'indemnisation des préjudices qu'il indiquait avoir subis à hauteur de 100 000 euros. Après avoir implicitement rejeté cette demande, la ministre de l'éducation nationale a alors, par un arrêté du 8 juin 2016, affecté M. B... dans l'emploi de principal adjoint au collège Jean Jaurès de Clichy à compter du 1er septembre 2016. Saisi par M. B..., le Tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 6 février 2017, annulé les décisions des 4 février et 14 avril 2016 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, annulé l'arrêté du 8 juin 2016 affectant l'intéressé dans l'emploi de principal adjoint du collège Jean-Jaurès de Clichy, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, et rejeté le surplus des demandes de l'intéressé. M. B... relève, dans cette dernière mesure, appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B... soutient que le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de ce que l'arrêté du 18 décembre 2015 constituerait une discrimination et méconnaîtrait les dispositions de l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il prétend que les premiers juges n'ont pas répondu à ses écritures dans lesquelles il indiquait avoir dénoncé des agissements illégaux et avoir en conséquence été victime de décisions administratives défavorables. Cependant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien de ce moyen, et qui notamment n'avait pas à citer l'enchaînement chronologique des faits ni à énumérer les agissements dénoncés par M. B... et les décisions prises à son encontre, y a répondu par une appréciation suffisamment motivée, aux points 20 et 21 de son jugement. De plus, si l'intéressé fait valoir que le tribunal n'a pas statué sur l'illégalité de la décision procédant au retrait de ses fonctions, il apparaît que les premiers juges ont apporté une réponse motivée, aux points 11 à 22 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, M. B... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2016 étaient irrecevables.

4. Aux termes de l'art 22 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale : " Le ministre chargé de l'éducation procède aux mutations des personnels (...)". Il ressort de ces dispositions qu'il incombait au ministre de l'éducation nationale, et non au recteur de l'académie de Créteil, de décider d'affecter M. B... aux services du rectorat pour la période courant du 8 au 31 janvier 2016. Le ministre de l'éducation nationale ayant procédé à cette affectation par son arrêté du 18 décembre 2015, l'arrêté du recteur de l'académie de Créteil du 8 janvier 2016 décidant à nouveau de procéder à cette affectation était superfétatoire et n'était pas susceptible de faire grief. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions en annulation dirigées contre l'arrêté du 8 janvier 2016 comme étant irrecevables.

5. En troisième lieu, l'intéressé soutient que le jugement ne répond pas suffisamment au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, soulevé à l'encontre des arrêtés des 8 janvier et 29 janvier 2016 qui constituaient selon lui une nomination pour ordre. Cependant, dès lors que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 8 janvier 2016 ne faisait pas grief et était, par suite, insusceptible de recours, ils n'étaient pas tenus de répondre aux moyens soulevés à son encontre par l'intéressé. En outre, s'agissant de l'arrêté du 29 janvier 2016, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen soulevé, au point 29 de leur jugement, en relevant que l'arrêté litigieux ne pouvait être regardé comme refusant implicitement d'affecter l'intéressé dans un emploi de personnel de direction.

6. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du 6 février 2017 doivent être écartés.

Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés des 9 septembre 2015, 18 décembre 2015, 8 et 29 janvier 2016 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...). Elle contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

8. Les conclusions en appel de M. B... à l'encontre de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 9 septembre 2015 ne sont assorties d'aucun moyen. En effet, contrairement à ce que soutient l'intéressé dans sa réponse au moyen d'ordre public qui lui a été adressé, il s'est contenté dans sa requête enregistrée dans le délai d'appel, de contester la régularité du jugement, estimant que les premiers juges n'avaient pas apporté une réponse motivée au moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté litigieux, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983. Par conséquent, ces conclusions sont irrecevables.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les conclusions en annulation dirigées contre l'arrêté du 8 janvier 2016 du recteur de l'académie de Créteil doivent être rejetées comme étant irrecevables, pour être dirigées contre un acte superfétatoire ne faisant pas grief.

10. En troisième lieu, M. B... doit être regardé comme soutenant que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de ses motifs, dès lors que les premiers juges ont estimé que les arrêtés des 18 décembre 2015 et 8 et 29 janvier 2016 ne révélaient pas une sanction disciplinaire déguisée, tout en reconnaissant qu'il avait été écarté de ses nouvelles fonctions sans avoir pu les exercer. Toutefois, le Tribunal a pu, aux points 19, 28 et 29 de son jugement, estimer, d'une part, que les décisions en litige ne constituaient pas des sanctions disciplinaires déguisées et, après avoir relevé que la perspective de l'arrivée de l'intéressé comme principal du collège des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre avait généré, avant même sa prise de fonctions, une mobilisation significative des enseignants, des parents d'élèves et d'élus, juger, d'autre part, que l'arrêté du 29 janvier 2016 mettant fin, dans l'intérêt du service, à son affectation à venir dans ce collège n'était entaché ni d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'un détournement de pouvoir, sans pour autant entacher le jugement d'une contradiction de motifs.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale a décidé le retrait des fonctions de proviseur du Lycée Mozart, de l'affectation de l'intéressé auprès de la rectrice de l'académie de Créteil et de son affectation au 1er février 2016 dans l'emploi de principal du collège Plaine des Glacis:

11. En premier lieu, aux termes de l'article 23 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'Education nationale : " Au cas où le maintien en exercice d'un chef d'établissement ou d'un chef d'établissement adjoint serait de nature à nuire gravement au fonctionnement du service public, le ministre chargé de l'éducation nationale peut prononcer, à titre conservatoire et provisoire, la suspension de fonctions de l'intéressé qui conserve l'intégralité de la rémunération attachée à son emploi. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise sur sa situation, l'intéressé est rétabli dans le poste qu'il occupait ".

12. M. B... ayant été suspendu de ses fonctions de proviseur du lycée Mozart du Blanc-Mesnil par un arrêté du 9 septembre 2015, il ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 18 décembre 2015 méconnaîtrait les dispositions rappelées au point précédent, dès lors qu'à la date de son adoption, le délai de quatre mois n'avait pas expiré.

13. En deuxième lieu, il résulte des pièces du dossier que le lycée Mozart du Blanc-Mesnil a connu d'importants dysfonctionnements lors de la rentrée scolaire de septembre 2015 qui a dû être retardée. En outre, il ressort tant du rapport de la rectrice de l'académie de Créteil en date du 3 septembre 2015 que de la déclaration de l'assemblée générale de cet établissement réunie le même jour, qu'il existait une situation de blocage et des tensions relationnelles conséquentes entre l'intéressé, en sa qualité de proviseur de l'établissement, et la communauté éducative. Par suite, et dès lors que l'intéressé n'était pas en mesure de continuer à exercer ses fonctions, le ministre de l'éducation nationale a pu dans l'intérêt du service, et sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, lui retirer ses fonctions par la décision attaquée.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 précité : "Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, des emplois de direction des établissements mentionnés à l'article de ce code, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code. (...) Les personnels de direction peuvent aussi se voir confier d'autres fonctions concourant à l'exécution du service public de l'éducation, notamment dans les services déconcentrés et à l'administration centrale."

15. M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de lui retirer ses fonctions de proviseur du lycée Mozart du Blanc-Mesnil, le ministre de l'éducation nationale aurait pris à son encontre une sanction disciplinaire déguisée dès lors que, d'une part, et comme cela a été rappelé au point 13, l'intérêt du service l'exigeait, et que, d'autre part, l'intéressé n'a pas été privé de toute fonction, la décision attaquée procédant tout d'abord à son affectation auprès du Recteur de l'Académie de Créteil, comme le prévoyaient les dispositions de l'article 2 du même décret, puis l'affectant sur les fonctions de principal du collège Plaine des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2015 doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'arrêté du 29 janvier 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale a procédé à l'abrogation de l'article 3 de l'arrêté du 18 décembre 2015 affectant l'intéressé sur l'emploi de direction de principal du collège Plaine des Glacis :

17. En premier lieu, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

18. M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 29 janvier 2016 abrogeant les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 18 décembre 2015 l'affectant à compter du 1er février 2016 sur les fonctions de principal du collège Plaine des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre méconnaîtrait le principe rappelé au point précédent, dès lors qu'au 29 janvier 2016, date de son édiction, l'acte attaqué ne privait pas l'intéressé d'affectation dès lors que celui-ci était encore en fonctions auprès du recteur de l'académie de Créteil.

19. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont souligné les premiers juges, la perspective de l'arrivée de M. B... en qualité de principal du collège des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre a occasionné, avant même sa prise de fonctions, une mobilisation significative des enseignants, des parents d'élèves, et d'élus contre son arrivée, et que cette mobilisation s'est notamment traduite par des articles parus dans la presse locale à l'occasion desquels M. B... a d'ailleurs demandé la protection fonctionnelle. Par suite, compte tenu des troubles suscités par la perspective de l'arrivée de l'intéressé, sur lesquels la rectrice de l'académie de Créteil avait attiré son attention par une note du 29 janvier 2016, le ministre de l'éducation nationale a pu, dans l'intérêt du service et sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, décider par l'arrêté en litige pris ce même jour d'abroger sa précédente décision du 18 décembre 2015 d'affecter M. B... dans cet établissement.

20. M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de lui retirer ses fonctions de principal du collège des Glacis à la Ferté-sous-Jouarre, le ministre de l'éducation nationale aurait pris à son encontre une sanction disciplinaire déguisée dès lors que, d'une part, et comme cela a été rappelé au point précédent, l'intérêt du service l'exigeait, et que, d'autre part, l'intéressé n'était pas, à la date de son édiction, privé de toute fonction dès lors qu'il était encore affecté auprès du recteur de l'académie de Créteil.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation dirigées contre l'arrêté du 29 janvier 2016 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

22. En premier lieu, M. B... n'a devant le tribunal administratif de Montreuil fondé ses demandes indemnitaires que sur la faute de l'Etat à ne l'avoir pas soutenu lorsqu'il était en poste au Blanc-Mesnil, à avoir refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle à laquelle il pouvait prétendre et avoir pris à son encontre des décisions illégales les 9 septembre 2015, 18 décembre 2015, 8 janvier et 29 janvier 2016. En invoquant en appel la faute de l'administration à l'avoir évincé du service au titre des années scolaires 2015/2016 et 2016/2017 et à ne pas avoir donné suite à ses demandes d'affectation à un poste de chef d'établissement, M. B... invoque un fait générateur distinct de celui tiré de l'illégalité des décisions précitées, qui n'ont eu ni pour objet ni pour effet de le laisser sans affectation, qui n'a pas été discuté devant les premiers juges. Ainsi les conclusions indemnitaires fondées sur cette faute doivent être regardées comme nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

23. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale a procédé au retrait de ses fonctions de proviseur du lycée Mozart du Blanc-Mesnil serait illégal. Par suite, les conclusions indemnitaires qu'il présente sur le fondement de l'illégalité fautive de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

24. En troisième lieu, il ressort de l'instruction que, par le jugement attaqué, dont il n'a pas été relevé appel par le ministre de l'éducation nationale, le Tribunal administratif a annulé les décisions des 4 février et 14 avril 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Créteil a refusé de faire droit à la demande de protection fonctionnelle sollicitée le 30 janvier 2016 par M. B... ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle du 28 mars 2016, et jugé que leur illégalité fautive engageait la responsabilité de l'Etat. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation des préjudices subis par M. B... en lui accordant à ce titre une somme de 6 000 euros.

25. En quatrième lieu, si M. B... affirme qu'il aurait subi une situation de harcèlement moral et que l'administration aurait dû le protéger en sa qualité de lanceur d'alerte, il n'est pas fondé à invoquer à ce titre les décisions le suspendant de ses fonctions puis l'affectant auprès du Recteur de l'académie de Créteil qui ne sont pas entachées d'illégalité. En outre l'illégalité du refus de lui accorder la protection fonctionnelle ne saurait, à elle seule, constituer une situation visée aux articles 6 ter et 6 quinquies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 susvisée.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

26. M. B..., qui ne peut invoquer l'illégalité fautive de la décision le suspendant de ses fonctions au titre de la responsabilité pour faute de l'Etat, soutient à titre subsidiaire qu'il a subi un préjudice anormal et spécial pour s'être vu retirer ses fonctions de proviseur du lycée Mozart du Blanc-Mesnil dans l'intérêt du service. Toutefois, il ne démontre pas que cette décision lui aurait causé, à elle seule, un tel préjudice.

27. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. B... doivent être rejetées.

28. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions en annulation dirigées contre les arrêtés des 9 septembre et 18 décembre 2015, 8 et 29 janvier 2016, et n'a condamné l'Etat à lui verser qu'une somme n'excédant pas 6 000 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. B... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

N° 17VE01229 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01229
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SARRAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-18;17ve01229 ?
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