Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 13 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'Essonne a accordé à la SA Buffalo Grill l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute, la décision du ministre du travail du 4 décembre 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, ensemble la décision implicite de rejet de son recours.
Par un jugement n° 1508619 du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2017, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1508619 du 12 octobre 2017 du Tribunal administratif de Versailles ;
2° d'annuler la décision du 13 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'Essonne a accordé à la SA Buffalo Grill l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute ;
3° d'annuler la décision du ministre du travail du 4 décembre 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, ensemble la décision implicite de rejet de son recours ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision du 4 décembre 2015 émane d'une autorité incompétente dès lors que la délégation donnée à son signataire a été rédigée en des termes généraux et imprécis ;
- la décision du 13 mai 2015 est entachée d'erreurs de fait ;
- les décisions attaquées sont entachées de violation de la loi dès lors qu'elles sont intervenues en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions attaquées sont en lien avec son mandat.
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Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... a été embauché en 1993 par la société (SA) Buffalo Grill en qualité de grilladin. En 2002, il a été promu responsable de restaurant niveau cadre. Il disposait de la qualité de salarié protégé en tant qu'ancien représentant de la section syndicale CFDT, candidat non élu aux élections de délégués du personnel et du comité d'entreprise en date du 20 novembre et du 4 décembre 2014, ancien représentant syndical au comité d'entreprise, délégué syndical CFDT puis délégué syndical central CFDT au cours de procédure de licenciement. Par courrier en date du 12 novembre 2014, la société Buffalo Grill a convoqué M. E... à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Par lettre en date du 19 novembre 2014, la société a proposé à M. E..., à titre de sanction, une rétrogradation au poste de responsable de salle. Le salarié a refusé cette sanction et a été convoqué à un nouvel entretien préalable qui s'est tenu le 25 février 2015. Le 18 mars 2015, la société a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licencier M. E.... Par une décision en date du 13 mai 2015, l'inspectrice du travail de l'Essonne a accordé l'autorisation de procéder à son licenciement pour absence d'exécution du contrat de travail. Le ministre, saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre cette décision présenté par le salarié, l'a rejeté implicitement puis a confirmé explicitement ce rejet par décision du 4 décembre 2015. M. E... a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande d'annulation de ces décisions. Par jugement en date du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. M. E... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, la décision du 4 décembre 2015 en litige a été signée par M. C... B..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique au sein du ministère du travail, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature consentie par une décision du 11 août 2015 du directeur général du travail publiée au Journal officiel de la République Française du 14 août 2015 dont l'article 7 dispose que " Délégation est donnée à M. C... B..., directeur du travail, chef du bureau du statut protecteur, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau du statut protecteur et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. ". Contrairement à ce que soutient le requérant, une telle délégation n'est ni générale, ni imprécise. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif au point 6 de son jugement, l'erreur de fait affectant la décision de l'inspecteur du travail du 13 mai 2015 dans le rappel de la date de prise de fonctions du requérant au restaurant de Villeneuve d'Ascq, indiquant le 26 février à la place du 1er avril 2014, est restée sans incidence sur l'appréciation de la gravité des fautes commises par le salarié dès lors qu'aucun fait fautif n'est imputé au salarié pour la période comprise entre ces deux dates.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'usage dans l'entreprise, invoqué par M. E... et consistant en l'absence de contrôle par l'entreprise des circonstances exceptionnelles autorisant le dépassement des heures de délégation aurait également consisté, contrairement à ce que soutient le requérant, à tolérer la pratique de détachements de fait, à temps plein, des représentants du personnel, les dispensant ainsi de travailler. Par suite, la décision du 13 mai 2015 de l'inspecteur du travail, n'est pas entachée d'erreur de fait en ce qu'elle considère que l'usage dans l'entreprise consistait simplement en l'absence de contrôle des circonstances exceptionnelles autorisant le dépassement des heures de délégation.
5. En quatrième lieu, la décision du 13 mai 2015 n'est entachée d'aucune erreur de fait lorsqu'elle mentionne que l'usage invoqué par l'employeur a été dénoncé par courrier du 25 juillet 2014, alors même que ce courrier précisait que cette dénonciation ne prendrait effet que le 18 décembre 2014, date du second tour des élections des membres du comité d'entreprise.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Un fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".
7. S'il est constant que l'employeur de M. E... a été informé de ce que le requérant présentait des défaillances dans la gestion du restaurant lors d'une réunion des délégués du personnel du 6 août 2014, il ressort également des pièces du dossier que le comportement de M. E... a perduré après cette date, ainsi qu'en attestent les termes du courrier adressé le 12 août 2014 par la société à son salarié, ainsi que l'extrait du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 13 mars 2015 duquel il ressort que M. E... était absent du site du restaurant de Villeneuve d'Ascq depuis le mois d'avril, et que le rappel à ses fonctions du mois d'août 2014 était resté sans effet. L'inaction de M. E... s'analyse donc comme un comportement ayant perduré après avoir été porté à la connaissance de l'employeur et jusqu'à une période rapprochée de l'entretien du 11 décembre 2014 préalable au licenciement envisagé du salarié, lequel a marqué le début de l'engagement des poursuites disciplinaires à l'encontre du salarié. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail doit, par suite, être écarté.
8. En sixième lieu, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un salarié légalement investi de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
9. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Buffalo Grill reposait initialement sur deux griefs relatifs, d'une part, à la consommation et à l'incitation à la consommation d'alcool sur les lieux de travail, et, d'autre part, à l'inaction fautive et au manquement du salarié dans ses missions principales de gestion de l'établissement de Villeneuve d'Ascq. Le premier grief a été écarté comme insuffisamment établi tant par la décision de l'inspectrice du travail que par celle du ministre saisi sur recours hiérarchique. L'administration du travail a, en revanche, retenu le second grief, tiré du défaut d'exercice des missions principales du requérant et de son inaction fautive dans la gestion de l'établissement dont il avait la charge, considérant que M. E... ne pouvait légitimer l'absence d'exécution de son contrat de travail par la possession de mandats. Elle a ainsi considéré ce grief comme établi et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. Il est constant que M. E..., dès 2012, était absent de son poste et ne fournissait aucune prestation effective de travail. Si M. E... se prévaut d'un usage en vigueur dans l'entreprise, consistant, notamment, en une absence de contrôle de l'imputation des heures de délégation, notamment dans l'hypothèse de pluralité de mandats, en l'absence de décompte des heures de réunion du crédit d'heures ou encore dans le paiement des heures de délégation effectuées au-delà du crédit d'heures sans référence à l'existence de circonstances exceptionnelles, cet usage ne pouvait être compris comme légitimant l'absence totale d'exécution de leur contrat de travail par les salariés concernés. Si M. E... soutient encore que l'employeur avait connaissance de cette situation, il ressort des pièces du dossier que ce n'est qu'en août 2014 que la société a pris conscience de l'usage abusif de la tolérance qu'elle accordait, ainsi que de ses conséquences sur la tenue de certains établissements comme celui de Villeneuve d'Ascq. M. E... ne peut enfin utilement se prévaloir d'une pratique identique de certains autres salariés alors qu'en tout état de cause, la société s'est saisie du cas de plusieurs employés ayant adopté des comportements similaires lorsqu'elle a pris la mesure des dérives évoquées précédemment dans l'utilisation par certains employés de leurs heures de délégation. Il résulte dès lors de ce qui précède qu'eu égard au caractère prolongé dans le temps des manquements de M. E... à ses obligations contractuelles, aux responsabilités exercées, et nonobstant l'absence d'antécédent disciplinaire, l'administration a pu légalement estimer que les fautes commises par le requérant étaient d'une gravité suffisante et autoriser son licenciement.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision d'autorisation de licenciement litigieuse reposant sur les manquements de M. E... à ses missions de gestion de l'établissement de Villeneuve d'Ascq serait en lien avec ses mandats.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. E... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Buffalo Grill dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à la société Buffalo Grill une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Buffalo Grill tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 17VE03644 5