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09/06/2020 | FRANCE | N°18VE00476

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 juin 2020, 18VE00476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de la région Ile de France en date du 18 juin 2015 l'enjoignant de quitter le logement de fonction qui lui avait été attribué, d'annuler le titre exécutoire valant facture n° 2016-1.1 du 8 mars 2016 d'un montant de 1587,67 euros, et le titre exécutoire valant facture n° 2016-4 du 17 juin 2016 pris par le lycée Albert Schweitzer portant sur une somme de 6933,58 euros correspondant aux redevances, majorées, d'occupation s

ans titre du logement pour les mois de septembre à décembre 2015 et de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de la région Ile de France en date du 18 juin 2015 l'enjoignant de quitter le logement de fonction qui lui avait été attribué, d'annuler le titre exécutoire valant facture n° 2016-1.1 du 8 mars 2016 d'un montant de 1587,67 euros, et le titre exécutoire valant facture n° 2016-4 du 17 juin 2016 pris par le lycée Albert Schweitzer portant sur une somme de 6933,58 euros correspondant aux redevances, majorées, d'occupation sans titre du logement pour les mois de septembre à décembre 2015 et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes, d'annuler le titre exécutoire valant facture n° 2016-3 en date du 21 mars 2016 émis par le lycée Albert Schweitzer pour un montant de 2116,90 euros, correspondant à la redevance, majorée, d'occupation sans titre du logement pour le mois de mars 2016.

Par un jugement n°s 1604220, 1603480, 1606416, 1606418 du 5 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés 5 et 13 février 2018, Mme E..., représentée par Me Delarue, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler la décision du 18 juin 2015 l'enjoignant à quitter son logement de fonction ;

3° d'annuler les titres exécutoires émis au titre de l'occupation irrégulière de ce logement ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés du vice de procédure, de l'exception d'illégalité de la délibération du 8 octobre 2015 ainsi que de l'incompétence de l'auteur de la décision du 18 juin 2015 faute d'avoir justifié l'empêchement de Mmes C... et A... ;

- les premiers juges n'ont pas répondu avec une motivation suffisante au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1, 3° du décret du 17 octobre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision en date du 18 juin 2015 :

- la décision du 18 juin 2015 a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'elle ne mentionne pas la qualité de son auteur, qu'il n'est pas établi que Mmes C... et A... étaient empêchées et que la gestion du domaine public n'est pas concernée par la délégation octroyée à Mme B... ;

- elle a été prise au terme d'une procédure d'attribution irrégulière ;

- elle méconnait les dispositions de l'article R. 216-6 du code de l'éduction dès lors qu'elle ne respecte pas le nombre de logement disponible pour les fonctionnaires d'Etat fixé par barème ;

- elle méconnait l'article 3-1, 3° du décret du 17 octobre 2011 dès lors qu'en qualité de fondé de pouvoir et représentant d'agent comptable elle aurait dû bénéficier d'un logement au sein de l'établissement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'une rupture dans l'égalité de traitement ;

En ce qui concerne la légalité des titres exécutoires et des demandes de décharge :

- les titres exécutoires émis à son encontre sont insuffisamment motivés dès lors qu'ils ne justifient pas le montant de la dette ;

- l'annulation de la décision du 18 juin 2015 entrainera par voie de conséquence l'annulation des titres exécutoires ;

- le titre exécutoire du 17 juin 2016 correspondants aux redevances pour les mois de septembre à novembre 2015 méconnait le principe de non rétroactivité dès lors qu'ils sont fondés sur un avis du service des domaines en date du 17 novembre 2017 ;

- les délibérations n° 23 et n° 26 du conseil d'administration du lycée du 19 mai 2016 sont illégales et doivent entrainer par voie de conséquence l'annulation du titre exécutoire émis le 17 juin 2016 dont elles constituent le fondement dès lors que la délibération n° 23 n'est pas motivée, n'a pas été inscrite à l'ordre du jour, n'a pas été précédée de l'avis conforme préalable du comptable public, et rapporte au-delà du délai de quatre mois une décision individuelle créatrice de droits ;

- le titre litigieux est illégal, en raison de l'illégalité de la délibération n° 26 du 16 mai 2016 du conseil d'administration du lycée dès lors qu'il ressort des articles L. 421-4 et R. 421-20 que le conseil d'administration était incompétent pour autoriser le proviseur à procéder au recouvrement du paiement des redevances ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du lycée et de la région :

- à titre subsidiaire, les fautes commises par le lycée Albert Schweitzer ainsi que par la région Ile-de-France doit entrainer une modulation du montant des titres exécutoires ;

- le lycée a commis une faute en lui retirant le bénéfice d'un logement pour nécessité absolue de service qu'il lui avait donné, en lui délivrant une attestation d'occupation lui laissant croire à une occupation régulière de son logement ;

- la région d'Ile-de-France a commis une faute en lui demandant de quitter son logement alors pourtant qu'elle y avait droit et qu'il restait un logement disponible et en ne prenant pas formellement des autorisations d'occupation domaniales.

Vu les pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code du domaine de l'Etat ;

- le code de l'éducation ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président ;

- et les conclusions de Mme Aventino-Martin rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., agent titulaire de la fonction publique d'Etat, affectée au sein du lycée Albert Schweitzer du Raincy à compter du 1er septembre 2014 en qualité d'agent de gestion, relève appel du jugement en date du 5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil régional d'Ile-de-France en date du 18 juin 2015 lui enjoignant de quitter le logement de fonction dont elle bénéficiait dans ce lycée ainsi que des titres exécutoires émis au titre de l'occupation irrégulière de ce logement, la décharge des sommes correspondante et la condamnation du lycée Albert Schweitzer et de la région Ile-de-France à lui verser ces mêmes sommes en réparation des fautes commises.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. D'une part, il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné et écarté les moyens tirés du vice de procédure, de l'exception d'illégalité de la délibération du 8 octobre 2015 ainsi que de l'incompétence de l'auteur de la décision du 18 juin 2015. Le moyen tiré du défaut de réponse à ces moyens doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

4 D'autre part, les premiers juges ont visé l'article 3-1 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, détaillé avec précision la situation de la requérante ainsi que la procédure d'attribution du logement de fonction et fait état des arguments avancés par la requérante au soutien de ses prétentions avant de retenir que la requérante ne pouvait se prévaloir du bénéfice de plein droit d'un logement de fonction. Par suite, le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments, est suffisamment motivé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision en date du 18 juin 2015 :

5. Par un arrêté n° 15-041 du 25 mars 2015, publié antérieurement à la décision attaquée, le président du conseil régional d'Ile-de-France a régulièrement donné délégation permanente à Mme B..., sous-directrice en charge de la gestion des établissements scolaires de la direction de l'administration, des finances et des moyens des lycées, signataire de la décision attaquée, pour signer " tous actes et décisions " entrant dans la compétence de la sous-direction de la gestion des établissements scolaires. La décision contestée, eu égard à sa nature, entrait dans le champ de cette délégation, elle-même suffisamment précise. Si Mme E... allègue que Mmes A... et C... n'auraient pas été empêchées, dans des conditions permettant à Mme B... de faire usage de la délégation de signature dont elle dispose en cas d'empêchement de ces dernières, il appartient aux parties contestant la qualité de délégataire pour signer l'arrêté attaqué d'établir la présence ou l'absence d'empêchement de cette autorité. La requérante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. En outre, la décision litigieuse mentionne le nom et prénom ainsi que la qualité de son auteur. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 18 juin 2015 ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes des dispositions de l'article 3-1 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat : " Sauf autorisation délivrée par l'autorité académique, les attachés d'administration de l'Etat chargés de la gestion matérielle et financière d'un établissement ou des fonctions d'agent comptable ou de représentant d'agent comptable sont alors tenus de résider sur leur lieu d'affectation lorsqu'il s'agit d'un établissement d'enseignement ou de formation " ;

7. En vertu de l'article R. 216-4 du code de l'éducation, les conditions dans lesquelles des concessions de logement peuvent, par nécessité absolue ou par utilité de service, être accordées aux personnels de l'Etat dans les établissements publics locaux d'enseignement sont fixées par les articles R. 92 à R. 103 du code du domaine de l'Etat et par les articles R. 216-5 à R. 216-18 du code de l'éducation. Le premier alinéa de l'article R. 94 du code du domaine de l'Etat, désormais abrogé, dont la substance a été reprise à l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques, dispose que : " Il y a nécessité absolue de service, lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service sans être logé dans les bâtiments où il doit exercer ses fonctions ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 216-5 du code de l'éducation : " Dans les conditions fixées au premier alinéa de l'article R. 94 du code du domaine de l'Etat, sont logés par nécessité absolue de service : 1° Les personnels de direction, d'administration, de gestion et d'éducation, dans les limites fixées à l'article R. 216-6, selon l'importance de l'établissement (...) ". L'article R. 216-6 du même code fixe, selon un classement des établissements déterminé en fonction du nombre d'élèves scolarisés, le nombre des personnels devant être logés dans chaque établissement par nécessité absolue de service. L'article R. 216-9 du même code prévoit que " peuvent être logés par utilité de service, dans la limite des logements disponibles après application des articles R. 216-5 à R. 216-8, les personnels occupant les emplois dont la liste est proposée par le conseil d'administration de l'établissement sur rapport du chef d'établissement ". Selon l'article R. 216-16 du même code, le conseil d'administration de l'établissement d'enseignement propose, sur le rapport du chef d'établissement, les emplois dont les titulaires bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou par utilité de service, la situation et la consistance des locaux concédés ainsi que les conditions financières de chaque concession et en vertu de l'article R. 216-17 du même code, la collectivité territoriale de rattachement délibère sur les propositions faites par le conseil d'administration.

8. Il résulte de ce qui précède, et notamment des dispositions des articles R. 216-16 et R. 216-17 du code de l'éducation, qu'il appartient à l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement de l'établissement d'enseignement d'arrêter, sur la proposition du conseil d'administration de l'établissement, la liste des emplois dont les titulaires bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou par utilité de service, la situation et la consistance des locaux concédés, ainsi que les conditions financières de chaque concession, dans la limite, s'agissant des agents devant être logés par nécessité absolue de service, du nombre de logements déterminé par le barème établi dans les conditions prévues à l'article R. 216-6. Il s'ensuit que les personnels de direction, d'administration, de gestion et d'éducation, mentionnés à l'article R. 216-5 du code de l'éducation, ne sauraient être regardés comme bénéficiant d'un droit à être logés dans l'établissement par nécessité absolue de service que dans la mesure où leur emploi figure sur une liste arrêtée par l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement, laquelle doit être établie en prenant en compte les fonctions qui ne pourraient être exercées normalement par un agent qui ne serait pas logé sur place.

9. Mme E... a obtenu le bénéfice d'un logement de fonction lors de son affectation en qualité de fondé de pouvoir représentant de l'agent comptable au sein du lycée le 1er septembre 2014 en vertu de la délibération du conseil d'administration du lycée en date du 3 juillet 2014 qui a arrêté une liste de concessions de logements par nécessité absolue de service pour l'année scolaire 2014-2015 qu'il a adressée à la région Ile de France. Si ce dernier a, par délibération n° CR 83-06 du 6 octobre 2006, défini les modalités d'attribution aux personnels techniques, ouvriers et de services (TOS) de logement par nécessité absolue ou utilité de service dans les lycées, ouvrant droit à quatre concessions pour nécessité absolue de service pour ces personnels et alors demandé au proviseur du lycée Albert Schweitzer du Raincy, par courriers du 3 août 2007 puis du 31 janvier 2011, de réserver les logements qui se libéreront à cette catégorie d'agents territoriaux, le conseil d'administration a toutefois, par cette liste, proposé un logement de fonction à Mme E..., agent titulaire de la fonction publique de l'Etat, qui s'y est installée dès son affectation. Le Conseil régional d'Ile-de-France, relevant ne pas avoir validé cette occupation accordée à un agent de l'Etat, à titre exceptionnel, a demandé à Mme E..., par la décision attaquée du 18 juin 2015, de libérer l'appartement qu'elle occupait au sein du lycée, dès que possible et au plus tard le 31 août 2015, afin de permettre l'installation du titulaire de la fonction à laquelle était réservée cette concession de logement, et l'a informée de ce qu'elle engagerait, à défaut pour Mme E... de libérer le logement qu'elle occupait, une procédure d'expulsion à son encontre et qu'elle appliquerait les majorations de redevances liées à une occupation sans titre. La délibération de la commission permanente de la région Ile-de-France a finalement eu lieu le 8 octobre 2015 et n'a pas validé l'attribution du logement à Mme E.... Le conseil d'administration du lycée, par délibération du 30 juin 2015, a arrêté la nouvelle liste des concessions pour nécessité absolue de service pour l'année 2015-2016, qui ne comprend plus Mme E... comme bénéficiaire et le proviseur du lycée, par courrier du 6 octobre 2015, lui a demandé de libérer l'appartement au plus tard pour le 31 août 2015. Cette seconde liste a été validée le 16 novembre 2016 par délibération de la commission permanente de la région Ile-de-France. Des titres exécutoires majorés ont été émis à partir du mois de janvier 2016 pour cette occupation sans titre. Par suite, Mme E... a bénéficié d'un logement de fonction avant que cette attribution soit validée par délibération de la commission permanente de la région Ile-de-France. Cette dernière étant seule habilitée à le faire, la région Ile de France était fondée à demander à la requérante, par courrier du 18 juin 2015, de quitter le logement qu'elle occupait illégalement.

10. La seule appartenance de Mme E... au corps des attachés ou l'occupation d'un logement par la personne l'ayant précédée dans ses fonctions dans le lycée, ne lui ouvrait pas de plein droit le bénéfice d'un logement de fonction, et elle ne peut pas plus utilement se prévaloir de la mention, dans son avis de mutation dans ce lycée, d'un tel bénéfice ou encore de fiches émises par la direction générale des collectivités locales ni de la circonstance qu'elle aurait été bénéficiaire d'une concession pour nécessité absolue de service dans le cadre de ses précédentes fonctions. Son emploi ne figurait pas sur la liste des emplois ouvrant droit, dans son lycée, à l'attribution d'un logement pour nécessité absolue de service. Le lycée ne comprend que huit logements de fonction et la requérante n'établit pas, par les pièces produites, l'existence d'un autre logement de fonction qui présenterait les conditions d'habitabilité nécessaires. La délibération susmentionnée du conseil régional du 6 octobre 2006, qui réserve d'ailleurs le cas de situations particulières liées notamment aux propositions transmises par les conseils d'administration, a attribué, sans erreur de droit et sans méconnaître le code de l'éducation, le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier des attachés d'administration de l'Etat ou l'article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale, quatre de ces logements aux personnels territoriaux, quatre autres logements restant destinés aux personnels de l'Etat. S'agissant de ces derniers logements, qui peuvent seuls être pris en compte pour apprécier leur attribution à des personnels de l'Etat, Mme E... n'établit pas que ses fonctions de fondée de pouvoir de l'agent comptable du lycée, qu'elles aient ou non été exercées par intérim, nécessitaient un logement sur place, comparativement aux autres agents de l'Etat prioritaires, dont le proviseur, ses deux adjoints, le conseiller principal d'éducation et l'agent comptable. Une rupture d'égalité de traitement avec les autres agents de l'Etat ou usagers des dépendances domaniales ne peut être utilement invoquée, dès lors qu'il s'agit d'agents placés dans des situations différentes. La circonstance qu'un agent ait disposé dans des fonctions antérieurement exercées de ce logement de fonction ne peut être utilement soulevée. S'il est vrai que le lycée Albert Schweitzer avait, à tort, mis à sa disposition un logement à son arrivée dans le lycée, cette tolérance n'a pas été validée par le Conseil régional, seul compétent pour le faire, et ne saurait ouvrir un droit au maintien de cette occupation. La circonstance que le logement en litige ne serait pas effectivement occupé depuis son départ ne lui ouvrent pas droit à une occupation dans l'intérêt du service, ni ne traduisent, en tout état de cause, l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation par le Conseil régional.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision du conseil régional du 18 juin 2015 est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la légalité des titres exécutoires :

S'agissant des moyens communs dirigés contre les titres exécutoires :

12. Aux termes de l'article 24 du décret n° 2102-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recette indique les bases de sa liquidation ".

13. En premier lieu, les titres litigieux valant facture, qui font référence à l'article R. 421-68 du code de l'éducation, précisent être fondés sur une occupation sans titre du logement de fonction occupé par l'intéressée en indiquant les périodes concernées, à savoir les mois de janvier à juin 2016. Ils indiquent ainsi tant l'objet de la dette que la période concernée. Ils font expressément référence à l'évaluation faite par le service des domaines, aux montants dus au titre des redevances ainsi qu'aux majorations de 50%, appliquées au titre de l'article R. 124-74 du code général de la propriété des personnes publiques et qui n'avaient pas à faire l'objet d'une justification particulière. Ils indiquent ainsi les bases et le calcul de la liquidation des sommes mises à la charge de Mme E..., et le fondement de la majoration appliquée. Ils sont, dès lors, suffisamment motivés.

14. En deuxième lieu, la méconnaissance du caractère préalable d'un avis rendu par le service des domaines dans le cadre d'une occupation domaniale ne constitue pas, en tant que telle et en tout état de cause, une formalité substantielle. La circonstance, au demeurant non établie, que la surface retenue par le service des domaines pour déterminer la valeur locative de l'appartement excèderait la surface réelle n'entache pas d'irrégularité ces titres, suffisamment motivés, dès lors que le loyer ainsi fixé ne parait pas manifestement disproportionné, au regard notamment du montant de la taxe habitation acquitté et de la moyenne des loyers pratiqués dans cette commune.

15. En dernier lieu, Mme E... n'établit pas que la décision du 18 juin 2015 serait entachée d'illégalité. Par suite, elle n'est pas fondée à demander l'annulation des titres exécutoires à raison de cette prétendue illégalité.

S'agissant des moyens propres dirigés contre le titre exécutoire n° 2016-4 du 17 juin 2016 :

16. En premier lieu, Mme E... soutient à nouveau en appel que le titre exécutoire litigieux est illégal en raison de l'illégalité de la délibération n° 23 du 16 mai 2016 du conseil d'administration du lycée dès lors qu'elle aurait dû être précédée de l'avis conforme préalable du comptable public en vertu de l'article R. 421-69 du code de l'éducation, qu'elle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de la séance du conseil d'administration et que, faute pour le conseil d'administration d'adopter l'ordre du jour en début de séance en vertu de l'article R. 421-25 du code de l'éducation, il doit être regardé comme ayant approuvé le projet d'ordre du jour, lequel ne comprenait pas la remise de redevances, que cette méconnaissance est substantielle, et que les faits repris dans le procès-verbal étant entachés d'inexactitude. Elle soutient que cette délibération est également irrégulière en ce qu'elle rapporte, en C... du délai de quatre mois, la décision individuelle créatrice de droits du proviseur qui tendait à lui donner cette concession gratuitement au moins jusqu'au 31 décembre 2015. Enfin, elle soutient à nouveau que cette même délibération n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

17. En deuxième lieu, Mme E... soutient à nouveau en appel que le titre exécutoire du 17 juin 2016 est illégal, dès lors qu'il se fonde sur des délibérations elles-mêmes illégales. Toutefois, par cette délibération, le conseil d'administration du lycée a rejeté la demande de remise gracieuse présentée par Mme E.... Une telle délibération, eu égard à son objet, ne peut être regardée comme étant la base légale du titre exécutoire litigieux, qui ne peut pas plus être regardé comme ayant été pris en application de cette même délibération. En tout état de cause, aucun texte ne donne compétence au conseil d'administration du lycée relativement à l'émission de titres exécutoires, qui ne fait pas partie des attributions énumérées aux articles L.421-4 et R. 421-20 du code de l'éducation. Le fait générateur des sommes dues par Mme E... est l'occupation par la requérante d'un logement sans droit ni titre. Si elle soutient avoir fait l'objet d'un retrait de décision créatrice de droits, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été informée dès le courrier en date du 18 juin 2015 de ce qu'elle devait quitter son logement, et des redevances dont elle devrait le cas échéant s'acquitter si elle refusait de le quitter dans les délais impartis. L'exception d'illégalité ne peut, dès lors, être accueillie.

18. En troisième lieu, Mme E... soutient également à nouveau en appel que le titre litigieux est illégal, en raison de l'illégalité de la délibération n° 26 du 16 mai 2016 du conseil d'administration du lycée Albert Schweitzer, en ce qu'il ressort des articles L. 421-4 et R. 421-20 du code de l'éducation que le conseil d'administration était incompétent pour autoriser le proviseur à procéder au recouvrement du paiement des redevances. La délibération n° 26 du 16 mai 2016 du conseil d'administration du lycée Albert Schweitzer, dont l'objet est le paiement de la redevance due par Mme E... pour occupation d'un logement sans titre, se prononce pour le paiement intégral de la redevance et des charges locatives pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2015. Toutefois, le fait générateur de la créance est l'occupation illicite du logement par Mme E.... Dans ces conditions, le titre exécutoire litigieux ne peut être regardé comme trouvant son fondement dans cette délibération. L'exception d'illégalité invoquée ne peut, dès lors, être accueillie.

19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme E... à fin d'annulation des titres exécutoires et décharge doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

20. Mme E... demande, à nouveau en appel à titre subsidiaire, de condamner le lycée Albert Schweitzer et la région Ile-de-France au titre des fautes commises. Elle fait valoir que le lycée a commis une faute en lui retirant le bénéfice d'un logement pour nécessité absolue de service qu'il lui avait donné, en lui délivrant une attestation d'occupation lui laissant croire à une occupation régulière de son logement et que la région Ile-de-France a commis une faute en lui demandant de quitter son logement alors qu'elle y avait droit et qu'il restait un logement disponible, et en ne prenant pas formellement des autorisations d'occupation domaniales formalisées. Le préjudice subi, qui s'établit au même montant que les titres exécutoires contestés, serait certain, eu égard à la situation précaire et anxiogène dans laquelle elle a été placée.

21. Toutefois, à supposer ces conclusions, non précédées d'une demande préalable et sans liens suffisants avec les conclusions principales, recevables, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le retrait du bénéfice du logement pour nécessité absolue de service n'est pas entaché d'illégalité et que l'intéressée ne pouvait ignorer, plus particulièrement à la date des titres exécutoires, ni le caractère irrégulier de l'occupation de ce logement, ni le caractère précaire de la tolérance. La circonstance que le logement qu'elle occupait n'a pas été immédiatement pourvu n'est pas de nature à constituer une illégalité fautive. L'absence de formalisation d'une autorisation d'occupation domaniale ne peut être utilement invoquée, l'intéressée n'ayant, ainsi que dit précédemment, pas droit au logement en cause, aucune erreur n'ayant été commise à ce titre par le lycée ou la région, et l'intéressée ne subissant aucun préjudice direct du fait de l'absence de formalisation pour des personnes tierces. Les conclusions indemnitaires présentées ne peuvent, dans ces conditions, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme E... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

2

N°18VE00476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00476
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Concours et examens professionnels.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme AVENTINO-MARTIN
Avocat(s) : DELARUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-09;18ve00476 ?
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