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05/06/2020 | FRANCE | N°18VE03613

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 juin 2020, 18VE03613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, de décaler, par prise en compte d'un congé de maladie, la date d'effet de l'arrêté du 10 juin 2015 du maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois prononçant son placement en disponibilité pour convenance personnelle, d'annuler la sanction d'exclusion temporaire d'un an prononcée par arrêté du maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois du 29 septembre 2016, notifié et ayant pris effet le 6 octobre 2016, de reporter d'un an l'ent

rée en vigueur de cette sanction, enfin d'annuler, d'une part, la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, de décaler, par prise en compte d'un congé de maladie, la date d'effet de l'arrêté du 10 juin 2015 du maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois prononçant son placement en disponibilité pour convenance personnelle, d'annuler la sanction d'exclusion temporaire d'un an prononcée par arrêté du maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois du 29 septembre 2016, notifié et ayant pris effet le 6 octobre 2016, de reporter d'un an l'entrée en vigueur de cette sanction, enfin d'annuler, d'une part, la décision refusant de lui verser un revenu de remplacement et, d'autre part, celle refusant de lui verser au prorata de sa présence sa prime d'activité et sa prime de zone d'éducation prioritaire sur la période allant de mars à septembre 2016.

Par une ordonnance n° 1608263 du 24 septembre 2018 rendue sur le fondement des 4° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2018, Mme C..., représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler la décision du 29 septembre 2016 lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions ;

3° d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois a refusé de faire droit à sa demande de versement d'un revenu de remplacement ;

4° d'enjoindre au maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois de reconstituer ses droits sociaux et sa carrière ;

5° de mettre à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* l'ordonnance est irrégulière dès lors que :

- le Tribunal n'a pas statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui verser un revenu de remplacement ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait entachant la décision de sanction d'exclusion temporaire de fonctions du 29 septembre 2016 ;

- en prenant effet pendant son congé de maladie, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions est entachée d'une erreur de droit ; par suite ce moyen ne pouvait pas être écarté comme étant manifestement insusceptible de venir au soutien de ses conclusions ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'un revenu de remplacement n'étaient pas tardives ;

* s'agissant de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions du 29 septembre 2016 :

- cette décision est illégale pour avoir été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il revenait à l'autorité territoriale et non au président du conseil de discipline, de l'informer de ce qu'une procédure disciplinaire était engagée contre elle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été informée de son droit à communication de son dossier, ce qui l'a privée d'une garantie ;

- elle n'a pas été invitée à prendre connaissance du rapport disciplinaire, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989, et a été ainsi privée d'une garantie ;

- le conseil de discipline était irrégulièrement composé au regard des dispositions de l'article 5 du décret n°89-677 du 18 septembre 1989 dès lors que la commune de Sainte- Geneviève-des-Bois est affiliée au centre interdépartemental de gestion. En outre, le principe d'impartialité a été méconnu ;

- compte tenu de ces manquements, le principe général du droit au respect des droits de la défense a été méconnu ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour avoir pris effet durant son congé pour maladie ;

- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an est disproportionnée ;

* s'agissant de la décision lui refusant le versement d'un revenu de remplacement :

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle disposait d'un droit à bénéficier d'un tel revenu, en application des dispositions de l'article L. 351-1 du code du travail.

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., adjointe technique territoriale titulaire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, a été placée sur sa demande en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 1er juillet 2015, pour une durée de deux ans, par un arrêté du 10 juin 2015. Placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire le 24 juin 2015, elle a alors sollicité le report de sa disponibilité en raison de son congé de maladie et demandé que soit retenu comme motif celui de pouvoir suivre son conjoint. Par un courrier du 4 février 2016, le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a accepté la demande de réintégration de Mme C... et fixé sa date de reprise du service au 7 février 2016. Après que l'intéressée a été placée en situation d'arrêt de travail, le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois a, par un arrêté du 29 septembre 2016, prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an. Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de décaler la date d'effet de son placement en disponibilité, d'annuler la sanction d'exclusion temporaire d'un an et les décisions refusant de lui verser un revenu de remplacement ainsi que sa prime d'activité et sa prime de zone d'éducation prioritaire au prorata de sa présence. Par une ordonnance du 24 septembre 2018, dont elle relève appel, le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal administratif a répondu au point 5 de l'ordonnance, au moyen tiré de l'erreur de fait entachant la décision de sanction d'exclusion temporaire de fonctions du 29 septembre 2016, en considérant que ce moyen était inopérant, dès lors que la sanction infligée à Mme C... ne reposait pas sur son insuffisance professionnelle. En outre, contrairement à ce que soutient l'intéressée, le premier juge a pu écarter comme étant manifestement insusceptible de venir au soutien des conclusions en annulation de la sanction disciplinaire, le moyen tiré de ce que celle-ci serait entachée d'une erreur de droit pour avoir pris effet pendant son congé de maladie, dès lors que la circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision d'exclusion temporaire du service. Toutefois, comme le soutient Mme C..., le premier juge n'a pas statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui verser un revenu de remplacement, alors même qu'il les avait visées, entachant ainsi son ordonnance d'une irrégularité. Il y a lieu par conséquent d'annuler l'ordonnance n° 1608263 rendue par le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Versailles le 24 septembre 2018 en tant qu'elle ne statue pas sur la légalité de la décision refusant d'accorder à Mme C... un revenu de remplacement.

3. Par suite, il convient d'évoquer dans cette limite et de statuer immédiatement sur la demande en annulation de la décision refusant d'accorder à Mme C... un revenu de remplacement, et de se prononcer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la légalité de la décision refusant le versement d'un revenu de remplacement :

4. Mme C... soutient que la décision refusant de lui accorder un revenu de remplacement au cours de son exclusion temporaire de service est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 351-1 du code du travail.

5. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige et remplaçant les dispositions de l'article L. 351-1 de ce code, abrogées au 1er mars 2008 par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ".

6. Si la sanction d'exclusion prononcée à l'encontre d'un agent de la fonction publique entraîne pour celui-ci la privation de la rémunération attachée à son emploi, elle n'a pas pour effet de le priver, au sens des dispositions du code du travail citées au point 5, de cet emploi, qu'il a le droit de réintégrer au terme de la période d'exclusion. L'agent exclu temporairement ne peut donc prétendre, pendant la période où court cette sanction, à un revenu de remplacement sur le fondement des dispositions de l'article L. 5421-1 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de verser à Mme C... un revenu de remplacement doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la sanction du 29 septembre 2016 prononçant une exclusion temporaire d'un an :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

8. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : L'avertissement ; Le blâme ; / Deuxième groupe : L'abaissement d'échelon ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à deux ans ; / Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office ; La révocation. ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il ressort des pièces du dossier que par la décision d'exclusion temporaire de fonctions d'un an prononcée par l'arrêté en litige, après avis favorable du conseil de discipline, le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a entendu sanctionner Mme C... pour s'être abstenue de transmettre ses arrêts de travail dans le délai réglementaire, pour avoir été en situation d'absence injustifiée du service, pour s'être soustraite à deux contrôles médicaux diligentés par son administration, et avoir manqué de professionnalisme. En outre, la commune a fait état de ce que l'intéressée avait été sanctionnée le 11 mars 2015 d'une exclusion temporaire de fonctions de trois jours pour des faits similaires. Toutefois, compte tenu de la nature des manquements reprochés, de la pathologie dépressive affectant Mme C..., et de l'écart entre la sanction prononcée l'année précédente pour des faits similaires et celle en litige, la sanction d'un an d'exclusion temporaire doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme disproportionnée. Par suite, l'arrêté du 29 septembre 2016 infligeant à Mme C... une sanction d'exclusion temporaire d'un an doit être annulé et celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande en annulation de cette sanction.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois de reconstituer les droits et la carrière de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Mme C... n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à sa charge au bénéfice de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions, au bénéfice de l'appelante.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Versailles n° 1608263 du 24 septembre 2018 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Versailles à fin d'annulation de la décision refusant de lui verser un revenu de remplacement est rejetée.

Article 3 : L'arrêté du 29 septembre 2016 infligeant à Mme C... la sanction d'exclusion temporaire du service pour une durée d'un an est annulé.

Article 4 : Il est enjoint à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois de reconstituer les droits et la carrière de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : La commune de Sainte Geneviève-des-Bois versera à Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 18VE03613 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03613
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SAUTEREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-05;18ve03613 ?
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