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25/02/2020 | FRANCE | N°18VE02103

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 25 février 2020, 18VE02103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile des Mousquetaires (SC des Mousquetaires) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de contribution exceptionnelle à cet impôt sur, d'un montant global de 417 304 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1604904 du 23 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile des Mousquetaires (SC des Mousquetaires) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de contribution exceptionnelle à cet impôt sur, d'un montant global de 417 304 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1604904 du 23 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juin 2018 et 18 décembre 2019, la SC des Mousquetaires, représentée par la société d'avocats Coulon et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à hauteur de 417 304 euros, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a eu recours à des éléments obtenus auprès de tiers pour apprécier la normalité du prix d'acquisition des titres de la société Sopodis ;

- la détermination du prix d'acquisition des titres de la société Sopodis n'a pas été surévaluée et cette acquisition n'est par conséquent pas constitutive d'un acte anormal de gestion.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société civile des Mousquetaires.

Considérant ce qui suit :

1. La société ITM Alimentaire Centre Ouest, membre d'un groupe fiscal intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, dont la société mère est la SC des Mousquetaires, a pour objet la défense de l'intégrité du réseau Intermarché dans la région centre ouest de la France et achète à cet effet des participations dans les points de vente que les propriétaires souhaitent céder. Il résulte de l'instruction que, le 3 janvier 2011, la société ITM Alimentaire Centre Ouest a acquis, pour un prix de 187,91 euros l'unité, 7 999 actions de la société Sopodis, exploitant un supermarché sous l'enseigne Intermarché. Le 16 décembre 2011, elle a revendu 6 983 de ces actions à un nouvel exploitant, pour un montant unitaire de 15,74 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces de la société ITM Alimentaire Centre Ouest, l'administration fiscale a estimé que cette dernière avait acquis les titres de la société Sopodis à un prix supérieur à leur valeur vénale, que les moins-values constatées à l'occasion de la cession de ces titres au titre des exercices 2011 et 2012 étaient constitutives d'un acte anormal de gestion et les a en conséquence réintégrées dans les résultats de la société. Les suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de contribution exceptionnelle à cet impôt ont été mis à la charge de la SC des Mousquetaires en sa qualité de société mère intégrante. La SC des Mousquetaires relève appel du jugement du 23 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires.

2. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'administration s'appuie sur des renseignements obtenus auprès de tiers pour fonder une imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a eu recours aux éléments obtenus auprès des anciens dirigeants de la société Sopodis au cours d'un entretien qui s'est déroulé le 5 décembre 2014, pour apprécier la normalité du prix d'acquisition de cette société par la société ITM Alimentaire Centre Ouest, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

3. En second lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Le prix de revient d'un élément d'actif n'est opposable à l'administration, notamment pour la constatation directe d'une moins-value de cession, que dans la mesure où la décision d'acquérir cet élément d'actif, lorsqu'elle a été prise, ainsi que le prix alors consenti au vendeur peuvent être regardés comme se rattachant à une gestion commerciale normale. Le fait, pour une entreprise, d'acquérir auprès d'un tiers des actions à un prix notablement supérieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette acquisition constitue un acte anormal de gestion à concurrence de l'excédent du prix stipulé, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. La valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. En l'absence de transactions portant sur des sociétés similaires à celle pour laquelle l'administration doit calculer la valeur vénale des titres, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes d'analyse comptable.

4. Pour déterminer la valeur vénale de la société Sopodis en janvier 2011, l'administration a, d'une part, eu recours à trois méthodes d'évaluation, celle de la survaleur, celle du résultat et celle de la marge brute d'autofinancement, aboutissant à une valeur des titres nulle dès lors que tant les capitaux propres que les résultats d'exploitation de la société Sopodis étaient négatifs. L'administration s'est, d'autre part, référée au contrat de cession des titres du 16 décembre 2011, dans lequel il est indiqué un prix unitaire de l'action de 15,748 euros, fixé, selon les termes même de l'acte, après étude du bilan de la société Sopodis, arrêté au 31 décembre 2009, et tenant compte de capitaux propres pour un montant garanti de 758 485 euros. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration a retenu une valeur unitaire de l'action de la société Sopodis telle qu'elle ressort des données propres de l'entreprise, qu'elle a fixé à 15,74 euros au 3 janvier 2011. La SC des Mousquetaires relève que la valeur vénale de la société Sopodis aurait dû être déterminée principalement par comparaison avec des cessions similaires et non par combinaison de plusieurs méthodes d'évaluation. Cependant, elle ne donne aucun élément de comparaison sur lequel l'administration aurait pu se fonder. En outre, ainsi qu'il a été dit, la valeur finalement retenue résulte des données propres de l'entreprise. La SC des Mousquetaires relève par ailleurs que la survaleur payée au moment de l'acquisition des titres de la société Sopodis se justifiait par la nécessité de conserver un réseau local de distribution proche du consommateur. A ce titre, elle précise que les anciens dirigeants de la société Sopodis, qui n'étaient plus tenus par un engagement contractuel avec le groupe, pouvaient librement démarcher le secteur concurrentiel pour vendre leurs titres. Toutefois, la société requérante ne fournit aucun élément laissant supposer que les anciens dirigeants de la société Sopodis auraient reçu des propositions, ou auraient même entamé des démarches, pour céder leur entreprise à un groupe de distribution concurrent. La SC des Mousquetaires relève également que les marges réalisées en amont par la société ITM Entreprises, holding opérationnelle du groupement, représentent 18 à 20% du chiffres d'affaire réalisée par les supermarchés et, qu'en l'espèce, celui exploité par la société Sopodis générait au titre de ces marges, une somme de 2 520 000 euros, très inférieur au prix d'acquisition. Toutefois, le taux de marge en amont retenu par la société requérante ne résulte que d'une attestation du directeur financier d'une société du groupe datant du 24 mai 2006, qui n'est appuyée par aucun document comptable ou financier démontrant que ce taux serait identique en janvier 2011. En outre, le maintien de la marge en amont réalisée par ITM Entreprises n'est pas de nature à démontrer l'intérêt propre de la société ITM Alimentaire Centre Ouest à acquérir les titres de la société Sopodis à un prix supérieur à leur valeur vénale. La SC des Mousquetaires fait également valoir que le portage des actions d'un point vente permet à l'ITM Région de préserver un réseau garantissant le maintien de son chiffres d'affaires. Mais elle n'assortit pas son argument, de portée générale, par des données chiffrées sur la part de l'exploitation du supermarché en cause sur le chiffre d'affaires de la société ITM Alimentaire Centre Ouest. La SC des Mousquetaires relève par ailleurs que le prix d'acquisition doit tenir compte des capacités de développement futures du supermarché exploité par la société Sopodis. Cependant, au mois de janvier 2011, le chiffre d'affaires de la société Sopodis diminuait régulièrement, passant de 21 000 000 euros en 2007, 17 600 000 euros en 2008, 15 164 3749 euros en 2009 et 14 216 558 euros en 2010. Il résulte en outre de l'instruction que cette baisse d'activité était contemporaine de l'implantations dans des communes limitrophes, des enseignes concurrence Super U, Leclerc et Lidl. Enfin, la SC des Mousquetaires ne peut pas s'appuyer sur l'évolution constatée du chiffre d'affaires postérieurement à la vente des titres en décembre 2011 pour justifier, en janvier 2011, de l'existence de perspectives favorables d'évolution dont il devait être tenu compte dans la détermination du prix d'achat des titres de la société Sopodis. Il résulte de ce qui précède que la SC des Mousquetaire n'établit pas l'existence de contreparties, pour la société ITM Alimentaire Centre Ouest, à la survaleur du prix d'acquisition des titres de la société Sopodis en janvier 2011. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'avantage ainsi consenti au cédant a revêtu le caractère d'un acte anormal de gestion. C'est donc à bon droit qu'elle a remis en cause les moins-values dégagées à l'occasion de la revente des titres en cause.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SC des Mousquetaires n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile des Mousquetaires est rejetée.

N° 18VE02103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02103
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELAFA JEAN-CLAUDE COULON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-25;18ve02103 ?
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