Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1807671 du 19 octobre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de Mme C... et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 et 30 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me Abel, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 2 de ce jugement rejetant le surplus de sa demande ;
2° d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de la convoquer pour réexaminer sa demande de régularisation de son séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant du refus de délivrance d'un titre de séjour, le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'Ile-de-France ; cette décision est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen complet, d'erreurs de fait, d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas de base légale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 9 janvier 1971, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis, ce que cette autorité a refusé, par un arrêté du 25 juillet 2018, portant également obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, et interdiction de retour en France pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 1807671 du 19 octobre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces deux dernières décisions. Mme C... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande, tendant à l'annulation de l'arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
3. En tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour, l'arrêté litigieux relève notamment que Mme C... a démissionné du poste qu'elle occupait le 5 janvier 2018, et qu'elle " ne justifie pas d'une insertion professionnelle pérenne ni même d'une perspective réelle d'embauche " pour pouvoir prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été recrutée par l'association Maavar selon un contrat à durée déterminée à compter du 8 février 2018, transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril suivant, et qu'il n'est pas contesté que l'employeur de l'intéressée en avait informé le préfet de la Seine-Saint-Denis, avant que celui-ci ne statue sur sa situation. Il résulte de ce qui précède que l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen complet de la situation de Mme C... au regard de sa situation professionnelle. Dès lors, la décision contestée doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif sur lequel elle se fonde, l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il refuse la délivrance à Mme C... d'une carte de séjour temporaire implique qu'il soit procédé au réexamen de sa demande de titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... de la somme de 1 000 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1807671 du 19 octobre 2018 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 25 juillet 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il refuse la délivrance à Mme C... d'une carte de séjour temporaire et l'oblige à quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
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N° 18VE03815