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11/02/2020 | FRANCE | N°18VE01455

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 février 2020, 18VE01455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situati

on, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astrei...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708968 du 27 mars 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, M. B..., représenté par

Me D..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté attaqué ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la préfète de l'Essonne s'est crue, à tort, liée par l'avis de la DIRECCTE et n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle au regard de l'article R. 5221-10 du code du travail ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également le 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 5 février 1979 à Aklim (Maroc), fait appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

4. La décision attaquée, motivée, ainsi que cela résulte de l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du 28 juin 2017, par le non-respect de la législation du travail par la société de Service de Jardinage, souhaitant embaucher M. B... en qualité d'ouvrier jardinier en contrat à durée indéterminée à temps plein assorti d'une rémunération brute mensuelle de 1 480,30 euros alors que ce même employeur indique, dans sa lettre de motivation du 29 mai 2017, " compter éventuellement " lui proposer un poste de chef de chantier dont le montant minimal de salaire mensuel doit s'élever à 1 583,43 euros pour un position O5 selon la convention collective nationale des entreprises du paysage du 10 octobre 2008, trouve ainsi un fondement légal dans l'exercice, par la préfète, du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont elle dispose, ainsi qu'il a été dit au point 3. ci-dessus.

5. D'une part, si le préfet n'est pas tenu de saisir la DIRECCTE dans le cadre d'une demande de titre de séjour sur le fondement de son pouvoir de régularisation discrétionnaire, il lui est toujours loisible de le faire pour avis dans le cadre de son pouvoir d'instruction afin notamment de vérifier les allégations de l'étranger. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Essonne, qui après s'être réappropriée les motifs formulés par la DIRECCTE, a précisé qu'" au regard de l'ensemble de ces éléments, et notamment de son ancienneté de séjour et de travail, [M. B...] ne peut être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation en qualité de salarié ", se soit, à tort, estimée liée par cet avis. Le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète doit, dès lors, être écarté.

6. D'autre part, il résulte de ce qui a été indiqué au point 3. que M. B... ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui de sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", s'agissant d'un point traité par l'accord

franco-marocain, qu'il ne peut davantage se prévaloir utilement de la méconnaissance de ces dispositions devant le juge. Au demeurant et à supposer même que la préfète aurait à tort estimé que le montant de la rémunération proposée à l'intéressé était inférieur au montant obligatoire de la convention collective nationale pour l'emploi envisagé, le contrat de travail conclu le

2 juin 2017 avec la société de Service de Jardinage, lequel fait suite à un précédent contrat daté du 7 novembre 2016, et la circonstance qu'il ait travaillé au sein de cette société à compter du mois de mars 2016 pour des rémunérations variant entre 400 et 1 300 euros, ne permettent pas à eux seuls et compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. B..., d'établir que l'autorité administrative aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir général de régularisation et de délivrer à l'intéressé un titre de séjour en qualité de salarié.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

" Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ".

8. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis l'année 2009 et se prévaut de son insertion socio-professionnelle. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le requérant se trouve seul, sans charge de famille en France, alors qu'il dispose d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans et où résident son épouse, ses parents, ses trois frères et sa soeur. En outre, il ne fait état d'aucune forme d'intégration dans la société française autre que l'exercice d'une activité professionnelle depuis l'année 2016. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

4

N° 18VE01455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01455
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : WAK-HANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-11;18ve01455 ?
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