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11/02/2020 | FRANCE | N°16VE01682

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 février 2020, 16VE01682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, par cinq demandes distinctes, de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle affirme disposer au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2014, à due concurrence de la somme totale de 9 839,22 euros.

Par un jugement nos 1502934, 1502968, 1502983, 1504332, 1504333 du 5 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ces cinq demande

s, en a prononcé le rejet.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, par cinq demandes distinctes, de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle affirme disposer au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2014, à due concurrence de la somme totale de 9 839,22 euros.

Par un jugement nos 1502934, 1502968, 1502983, 1504332, 1504333 du 5 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ces cinq demandes, en a prononcé le rejet.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2016, la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA, représentée par Me Berger, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement des montants de crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle établit devant la Cour avoir disposé, au titre de la période vérifiée, de véhicules de transport routier lui appartenant en propre ainsi que de véhicules mis à sa disposition par la société TRS Antonio José Monteiro Sociedade Unipessoal LDA, et fournir ainsi les éléments complémentaires que lui avait demandés l'administration fiscale en vertu des dispositions du I de l'article 242-0 W de l'annexe II au code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement, mais dans un autre État membre ;

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- l'arrêt C-133/18 du 2 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit portugais TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA exerce une activité de transport routier de marchandises. Elle a présenté auprès de l'administration fiscale cinq demandes tendant au remboursement, à hauteur de la somme totale de 9 839,22 euros, de crédits de taxe sur la valeur déductible correspondant aux montants de taxe ayant grevé, selon elle, des achats de carburant qu'elle a effectués en France dans le cadre de son activité de transport au cours de la période du 1er juillet au 30 septembre 2014. L'administration fiscale a rejeté ces demandes par décisions du 6 mai 2014, après avoir demandé, en vain, à la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA, en vertu des dispositions du II de l'article 242-0 W de l'annexe II au code général des impôts, des renseignements complémentaires relatifs aux opérations imposables que cette dernière affirme avoir réalisé, tenant à la preuve de ce qu'elle disposait au titre de la période en cause de véhicules de transport routier. La société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA fait appel du jugement du 5 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté, par un même jugement, ses cinq demandes tendant au remboursement des montants de crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Sur la demande de remboursement :

2. Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts :

" V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France (...) ".

3. L'article 242-0 N de l'annexe II au même code dispose : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : /1° les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ; /

2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 2420 O ". Aux termes de l'article 242-0 R de cette même annexe : " I. - Pour bénéficier du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'assujetti non établi en France doit adresser au service des impôts une demande de remboursement souscrite par voie électronique au moyen du portail mis à sa disposition par l'Etat de l'Union européenne où il est établi. / II. - L'assujetti mentionné au I doit joindre par voie électronique à la demande de remboursement une copie de la facture ou du document d'importation lorsque la base d'imposition figurant sur la facture ou le document d'importation est égale ou supérieure à un montant de 1 000 euros. Toutefois, lorsque la facture porte sur des dépenses de carburant, ce seuil est fixé à 250 euros ". L'article 41 decies de l'annexe IV au même code précise enfin la nature des informations que doit fournir l'assujetti introduisant une telle demande de remboursement.

4. En vertu de l'article 242-0 W de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Le service des impôts peut demander par voie électronique dans le délai mentionné au II de l'article 242-0 V des informations complémentaires, notamment auprès du requérant ou des autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel il est établi, lorsqu'il estime ne pas être en possession de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la totalité ou une partie de la demande de remboursement introduite par le requérant. Lorsque ces informations complémentaires sont demandées à une autre personne que le requérant ou que les autorités compétentes d'un Etat membre, la demande doit être transmise par voie électronique si le destinataire de la demande est équipé en conséquence. / S'il le juge utile, le service des impôts peut demander de nouvelles informations complémentaires. /Dans le cadre de ces demandes, le service des impôts pourra solliciter du requérant la communication de l'original d'une facture ou d'un document d'importation lorsqu'il a des raisons de douter de la validité ou de l'exactitude d'une créance particulière. La demande peut viser toutes les opérations sans considération de leur montant. / II. - Les informations complémentaires exigées conformément aux dispositions du I doivent être fournies dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'informations par le destinataire ".

5. Ces dispositions se bornent à transposer en droit interne la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre du remboursement mais dans un autre Etat membre, et notamment ses articles 7, 8, 10 et 20. Dans un arrêt C-133/18 du 2 mai 2019, Société Sea Chefs Cruise Services GmbH, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement, mais dans un autre État membre, doit être interprété en ce sens que le délai d'un mois prévu à cette disposition pour fournir à l'État membre du remboursement les informations complémentaires demandées par cet État membre n'est pas un délai de forclusion qui implique, en cas de dépassement de ce délai ou d'absence de réponse, que l'assujetti perde la possibilité de régulariser sa demande de remboursement par la production, directement devant le juge national, d'informations complémentaires propres à établir l'existence de son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée.

6. La société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA produit, pour la première fois en appel, les certificats d'immatriculation au Portugal concernant les véhicules de marque Iveco, immatriculés 78-NO-89-2, 37-NI-59-3 et 76-OZ-10-2 et dont les mentions sont de nature à établir que ces trois véhicules ont été acquis par la société, respectivement, le 21 mars 2013, le 14 juin 2013 et le 1er août 2014. L'administration fiscale, en se bornant à faire valoir que la société requérante a déjà, par le passé, produit des documents frauduleux ou falsifiés à l'appui de ses demandes antérieures auprès du fisc, ne remet pas en cause la régularité et la valeur probante de ces trois certificats d'immatriculation. Ainsi, et bien que, par ailleurs, la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA ne démontre pas, par les documents qu'elle produit, qu'elle aurait également utilisé au cours de la période litigieuse des véhicules de transport qui auraient été mis à sa disposition par la société TRS Antonio José Monteiro Sociedade Unipessoal LDA, elle établit cependant, comme le demandait l'administration fiscale dans le cadre de l'instruction de ses demandes, avoir disposé des moyens lui permettant de réaliser les opérations imposables de nature à lui ouvrir droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses achats de carburant en France. La société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA est, par suite, fondée à soutenir, eu égard aux éléments nouveaux qu'elle produit devant la Cour, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne justifiait pas avoir eu la disposition des véhicules nécessaires à l'exercice de l'activité de transport au titre de laquelle ont été exposées les dépenses de carburant en cause et, pour ce motif, ont rejeté ses demandes, et à demander l'annulation du jugement attaqué.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner avant de statuer sur les conclusions de l'appelant tous les moyens opérants soulevés par l'intimé devant les premiers juges, à la seule exception de ceux qu'ils ont expressément abandonnés, ainsi que les moyens soulevés en appel.

8. Il résulte de ce qui est dit au point 5. du présent arrêt que la circonstance que l'assujetti qui ne fournit pas à l'administration fiscale les renseignements complémentaires que celle-ci a sollicité en vertu des dispositions du I de l'article 242-0 W de l'annexe II au code général des impôts dans le délai d'un mois prévu par le II de ce même article n'a pas pour effet de rendre sa demande de remboursement irrecevable et qu'il peut justifier à tout moment, y compris pour la première fois dans le cadre d'un recours contentieux, de son droit au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'il sollicite en fournissant de tels renseignements. En l'espèce, et ainsi qu'il a été dit précédemment, la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA établit devant la Cour qu'elle disposait effectivement des véhicules nécessaires à l'exercice de son activité de transport et, ainsi, avoir été en mesure de réaliser les opérations imposables au titre desquelles elle a supporté en France des dépenses de carburant grevées des montants de taxe sur la valeur ajoutée en cause. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale qui n'oppose aucun autre motif de refus, elle est fondée à demander le remboursement des crédits de taxe en litige sans que puisse utilement lui être opposée la tardiveté de la production de ces renseignements complémentaires.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à ses demandes. Il y a lieu, par suite, de prononcer le remboursement, à hauteur de la somme totale de 9 839,22 euros, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont la société requérante a demandé la restitution.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1502934, 1502968, 1502983, 1504332, 1504333 du Tribunal administratif de Montreuil du 5 avril 2016 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA le remboursement, à hauteur de la somme de la somme totale de 9 839,22 euros, des crédits de taxe sur la valeur déductible correspondant aux montants de taxe ayant grevé, les achats de carburant qu'elle a effectués en France dans le cadre de son activité de transport au cours de la période du

1er juillet 2013 au 30 septembre 2014.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société TRIUNFALEGRIA UNIPESSOAL LDA est rejeté.

2

N° 16VE01682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01682
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP LE METAYER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-11;16ve01682 ?
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