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30/01/2020 | FRANCE | N°17VE01800

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 janvier 2020, 17VE01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1407400, d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 15 juillet 2014 prononçant son affectation provisoire en fonction des postes disponibles à la rentrée scolaire 2014-2015 ;

- sous le n° 1408722, d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 21 août 2014 prononçant son affectation provisoire au collège République à Nanterre au titre de l'année scolaire 2014-2015 ;



- sous le n° 1507586, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 31 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1407400, d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 15 juillet 2014 prononçant son affectation provisoire en fonction des postes disponibles à la rentrée scolaire 2014-2015 ;

- sous le n° 1408722, d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 21 août 2014 prononçant son affectation provisoire au collège République à Nanterre au titre de l'année scolaire 2014-2015 ;

- sous le n° 1507586, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 31 août 2015 prononçant son affectation provisoire au collège Eugène Cotton d'Argenteuil au titre de l'année scolaire 2015-2016 ;

- sous le n° 1609665, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 12 octobre 2016 prononçant son affectation à temps partiel au collège Les Chènevreux à Nanterre pour la période du 13 octobre 2016 au 2 décembre 2016.

Par un jugement n° 1407400-1408722-1507586-1609665 du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 6 juin 2017 et 7 septembre 2018, M. C..., représenté par Me Fages, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions des 21 août 2014, 31 août 2015 et 12 octobre 2016 ;

3° d'enjoindre au recteur de l'affecter au collège Voltaire à Asnières-sur-Seine ;

4° de mettre à la charge du rectorat de l'académie de Versailles la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les changements d'affectation en litige revêtent un caractère disciplinaire mais n'ont pas été précédés des garanties procédurales requises en matière disciplinaire et ont conduit à la violation du principe " non bis in idem " ; elles présentent le caractère de sanction déguisée ;

- ils constituent une mesure de mutation d'office qui n'a pas été précédée des garanties requises ;

- ils ne présentent pas le caractère de mesures d'ordre intérieur car ils modifient sa situation professionnelle et matérielle ; il existe de fortes différences dans les conditions de travail entre les titulaires affectés à titre définitif dans un établissement et les TZR affectés à titre définitif sur une zone de remplacement ; en tant que TZR, il peut être appelé à assurer des suppléances à tous niveaux de classe et dans tous les types d'établissement du second degré ; il doit être mobilisable dans un délai de quarante-huit heures pour remplacer un professeur absent ; les affectations en zone de remplacement sont éloignées de son domicile et induisent des temps de déplacement à chaque fois différents ; il ne peut jamais s'inscrire dans la durée, lier des liens avec les collègues et mettre en place des projets interdisciplinaires ;

- la commission administrative paritaire aurait dû être saisie en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, de l'article 3 du décret du 17 septembre 1999 et du 8ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;

- il a été privé de la possibilité de consulter son dossier personnel en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- les décisions attaquées révèlent un détournement de pouvoir ;

- il a fait l'objet de mesures discriminatoires et humiliantes de la part de son chef d'établissement et du rectorat.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la loi du 22 avril 1905, et notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Cabon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur titulaire certifié d'histoire-géographie, fait appel du jugement n° 1407400-1408722-1507586-1609665 du 4 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions d'affectation dans différents collèges des Hauts-de-Seine.

Sur la légalité des décisions d'affectation :

2. En premier lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

3. M. C... soutient les affectations en litige modifient sa situation professionnelle et matérielle dès lors qu'en tant que titulaire de zone de remplacement (TZR), il peut être appelé à assurer des suppléances à tous niveaux de classe et dans tous les types d'établissements du second degré, doit être mobilisable dans un délai de quarante-huit heures pour remplacer un professeur absent, que les affectations en zone de remplacement sont éloignées de son domicile et induisent des temps de déplacement à chaque fois différents et qu'il ne peut jamais s'inscrire dans la durée au sein des établissements scolaires. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les affectations de M. C... en zone de remplacement n'ont pas eu pour effet de le priver de sa qualité de professeur titulaire au collège Voltaire à Asnières-sur-Seine. Dans un courrier du 2 juin 2017, le recteur a précisé à l'intéressé, reprenant les mêmes termes que ceux utilisés dans de précédents échanges qu'il restait " affecté comme les années précédentes sur la zone de remplacement la plus proche de votre domicile et [resterait] titulaire de [son] poste au collège Voltaire et [conserverait] les caractéristiques de cette affectation telle que l'ancienneté de son poste ". Dans ces conditions, alors que les difficultés relationnelles entre M. C... et le chef d'établissement du collège Voltaire n'ont pas permis au requérant de réintégrer cet établissement, les affectations provisoires en qualité de TZR n'ont pas eu, contrairement à ce que soutient le requérant, pour effet de modifier sa situation statutaire. Par ailleurs, si les fonctions de TZR induisent des conditions de travail différentes à certains égards de celles d'un enseignant titulaire d'un poste au sein d'un établissement, ces affectations en zone de remplacement ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives que M. C... tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération.

4. En deuxième lieu, M. C... soutient que les arrêtés d'affectation en litige traduisent l'existence d'une sanction.

5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui avait été affecté au collège Voltaire à Asnières-sur-Seine à compter du 1er septembre 2003, a fait l'objet d'une mesure de suspension de quatre mois puis d'un blâme le 3 mai 2012 à la suite d'une altercation avec le chef d'établissement en novembre 2011. En raison de la persistance de la situation conflictuelle, le service d'appui aux ressources humaines du rectorat a proposé à M. C..., qui l'a accepté, un stage pédagogique externalisé du 3 décembre 2012 et le 8 février 2013, puis une affectation sur zone de remplacement jusqu'à la fin de l'année scolaire au sein du collège Jean Jaurès à Clichy. S'agissant de l'année scolaire 2013/2014, les services du rectorat ont proposé au requérant, qui a donné son assentiment, une affectation sur zone de remplacement au collège Georges Seurat à Courbevoie. Toutefois, de nouvelles tensions ont eu lieu avec le chef d'établissement et à l'issue d'une procédure disciplinaire, M. C... a fait l'objet d'un nouveau blâme le 17 juillet 2014. L'arrêté attaqué du 21 août 2014 par lequel le recteur a affecté le requérant au sein du collège République à Nanterre au titre de l'année scolaire 2014-2015 a ainsi eu pour objet de mettre fin au conflit au sein du collège Georges Seurat de Courbevoie. Par la suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les affectations ultérieures de l'intéressé au collège Eugène Cotton à Argenteuil au titre de l'année 2015-2016 par l'arrêté attaqué du 31 août 2015 puis au collège Les Chènevreux de Nanterre pour la période du 13 octobre 2016 au 2 décembre 2016 par l'arrêté du 12 octobre 2016 auraient été décidées pour d'autres considérations de celles attachées aux nécessités de service en fonction des besoins en zone de remplacement. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces affectations successives seraient en lien avec des griefs formulés à l'encontre de M. C... sur sa manière de servir et qu'elles présenteraient le caractère de sanctions déguisées.

6. Dès lors que les arrêtés d'affectation en litige ne présentent pas le caractère de sanctions déguisées, M. C... ne peut utilement soutenir qu'il a été privé des garanties procédurales qui entourent ces mesures, notamment la consultation du dossier de l'agent prévu par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, ni qu'il aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits en violation du principe " non bis in idem ".

7. En troisième lieu, M. C... soutient que les arrêtés d'affectation en litige traduisent l'existence d'un détournement de pouvoir et d'une discrimination.

8. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses auraient été prises dans un but autre que celui de l'intérêt du service et de l'existence d'une situation conflictuelle dans les établissements au sein desquels M. C... exerçait ses fonctions. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

10. D'autre part, M. C... fait valoir qu'il a fait l'objet de mesures discriminatoires et humiliantes de la part de son chef d'établissement et du rectorat et notamment qu'il s'est vu attribuer l'ancienne salle informatique désaffectée et au surplus éloignée des salles d'histoire-géographie. Toutefois, s'il est constant que les relations entre le requérant et deux chefs d'établissement ont été très conflictuelles, les éléments avancés par le requérant ne permettent pas de présumer que l'intéressé aurait fait objet d'un traitement discriminatoire.

11. En quatrième lieu, M. C... soutient que les affectations en litige constituent une mutation d'office.

12. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation, titulaires et stagiaires, peuvent être chargés, dans le cadre de l'académie et conformément à leur qualification, d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant ". L'article 2 de ce décret dispose que " Pour l'application du présent décret, le recteur détermine au sein de l'académie, par arrêté pris après avis du comité technique académique, les différentes zones dans lesquelles les personnels mentionnés à l'article 1er ci-dessus exercent leurs fonctions ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " L'arrêté d'affectation dans l'une des zones prévues à l'article 2 ci-dessus des personnels mentionnés à l'article 1er indique l'établissement public local d'enseignement ou le service de rattachement de ces agents pour leur gestion. Le territoire de la commune où est implanté cet établissement ou ce service est la résidence administrative des intéressés. / Le recteur procède aux affectations dans les établissements ou les services d'exercice des fonctions de remplacement par arrêté qui précise également l'objet et la durée du remplacement à assurer. / Ces établissements ou services peuvent être situés, lorsque l'organisation du service l'exige, dans une zone limitrophe de celle mentionnée à l'alinéa 1er ci-dessus. / Les instances paritaires compétentes sont consultées sur les modalités d'application des dispositions du présent article ".

13. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions ".

14. Il ressort des pièces du dossier que les changements d'affectation en litige n'ont entraîné aucune modification de la résidence administrative du requérant, celui-ci continuant à être affecté dans le collège Voltaire d'Asnières-sur-Seine. Ainsi, de tels changements ne peuvent être regardés comme constituant une mesure de mutation d'office. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ces affectations devaient être préalablement soumises à l'avis de la commission administrative paritaire en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. En outre, ni les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 17 septembre 1999, ni celles du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 n'imposent la consultation préalable de la commission administrative lorsque le recteur procède aux affectations dans les établissements ou les services d'exercice des fonctions de remplacement.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions d'affectation en litige comme irrecevables. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

2

N° 17VE01800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01800
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : FAGES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-30;17ve01800 ?
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