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30/01/2020 | FRANCE | N°17VE01798

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 janvier 2020, 17VE01798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 29 mars 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de reconnaître cette imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 1603527 du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés respectivement les 6 juin 2017 et le 7 septembre 2018, M. C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles du 29 mars 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de reconnaître cette imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 1603527 du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 6 juin 2017 et le 7 septembre 2018, M. C..., représenté par Me Fages, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cette décision ;

3° d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ;

4° de mettre à la charge du rectorat de Versailles la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation du rapport d'expertise du docteur Gasman et de l'avis de la commission de réforme ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de ce que l'administration a cru à tort qu'elle se trouvait en situation de compétence liée ;

- la décision du 29 mars 2016 est insuffisamment motivée ; en outre, l'administration était tenue de joindre le rapport d'expertise du docteur Gasman auquel la décision attaquée faisait référence ;

- le recteur n'a pas procédé à un examen particulier et circonstancié de sa situation ;

- en l'absence de médecin spécialiste, la composition de la commission de réforme était irrégulière dès lors que l'article 5 du décret du 14 mars 1986 impose la présence d'un spécialiste ; la présence d'un médecin spécialiste constitue une garantie pour l'agent ;

- il n'a pas été informé de son droit de se faire assister par un médecin de son choix ; les courriers de convocation mentionnaient seulement la possibilité de faire entendre la personne de son choix ;

- le recteur s'est cru à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du docteur Gasman et de la commission de réforme ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service ; l'éventuelle faute de l'agent ou de l'employeur sont sans incidence sur la reconnaissance de l'imputabilité au service ; les sanctions dont il a fait l'objet ne peuvent exclure la possible imputabilité de son état de santé au service ; son état dépressif est en lien direct avec son travail ; il n'existe pas d'antécédents médicaux.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Cabon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur certifié d'histoire-géographie, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 avril 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Versailles du 29 mars 2016 rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a connu des conflits avec les chefs d'établissement des collèges où il était affecté en 2011 puis en 2013, conflits sanctionnés par deux blâmes infligés en mai 2012 et juillet 2014, et que l'intéressé a rencontré diverses difficultés professionnelles. A la suite de ces conflits et des sanctions qui les ont suivis, le requérant a été placé en arrêt maladie à compter du 8 décembre 2014 et a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie le 16 décembre 2014 par un certificat médical de son médecin traitant qui relevait alors un " stress professionnel compliqué de syndrome dépressif secondaire à des sanctions, des convocations et des expertises régulières dont le motif est souvent difficilement compréhensible ". A l'issue de l'expertise qu'il a conduit dans le cadre de la saisine de la commission de réforme, le docteur Klein, médecin psychiatre agréé, s'est clairement prononcé en faveur de l'existence d'un lien entre la maladie du requérant et l'exercice de son activité en retenant notamment que " la relation entre les troubles et l'activité professionnelle est nette ". Par un avis du 13 octobre 2015, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie du requérant. Toutefois, les services de l'académie de Versailles ont sollicité du docteur Klein une deuxième expertise au vu d'éléments nouveaux figurant dans le dossier de M. C.... A la suite de cette expertise du 10 décembre 2015, le docteur Klein a confirmé son avis en estimant que " la décompensation est liée à des dysfonctionnements au niveau du travail ". A l'issue de sa réunion du 12 janvier 2016, la commission de réforme a demandé la réalisation d'une autre expertise en raison de " la discordance entre les expertises médicales et le dossier administratif de l'agent ". Le docteur Gasman, médecin psychiatre agréé, a pour sa part estimé que la maladie n'était pas imputable au service. Cependant, le docteur Gasman, qui au demeurant avait estimé, dans une précédente expertise en juillet 2015, que M. C... souffrait d'un " épisode dépressif anxieux réactionnel " imputable au service, ne donne dans sa dernière expertise aucun élément permettant de retenir ou au contraire d'exclure l'existence d'un lien entre la pathologie de M. C... et son activité professionnelle et ses conditions de travail alors même qu'il est constant que le requérant ne souffrait pas précédemment de troubles psychiques. Dans ces conditions, la maladie de M. C... doit être regardée comme présentant un lien avec l'exercice de ses fonctions.

4. D'autre part, s'il n'est pas contestable que le requérant a contribué à la naissance et à la persistance d'une situation conflictuelle au travail notamment par ses refus répétés de respecter les règles de fonctionnement des établissements scolaires où il a été successivement affecté et son attitude vis-à-vis de ses supérieurs, toutefois, de tels comportements ne sauraient, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme étant détachables du service.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 avril 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de la décision du 29 mars 2016 du recteur de l'académie de Versailles rejetant sa demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure (...) ".

7. L'exécution du présent arrêt implique que le recteur de l'académie de Versailles reconnaisse l'origine professionnelle de l'affection dont souffre M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du rectorat de Versailles, partie perdante dans la présente affaire, une somme de 2 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1603527 du 4 avril 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du 29 mars 2016 du recteur de l'académie de Versailles rejetant la demande de M. C... tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Versailles de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le rectorat de Versailles versera la somme de 2 000 euros à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 17VE01798


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01798
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : FAGES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-30;17ve01798 ?
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