Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 1710177 du 21 novembre 2017, le président du Tribunal administratif de Montreuil a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête de Mme A... au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise où elle fut enregistrée le 16 novembre 2017.
Par un jugement n° 1710998 du 22 mars 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 16 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise, enjoint à ce dernier ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence de Mme A... de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2018, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Le préfet du Val-d'Oise soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit au motif qu'au regard de plusieurs éléments précis et concordants issus du procès-verbal de l'audition de M. C... D... par les services de police du Mans en date du 26 octobre 2016, il existe un doute sérieux quant à la réalité et à la sincérité de la reconnaissance de paternité de M. D... en faveur de l'enfant E... D... ;
- en tout état de cause, lorsqu'un procès-verbal d'audition révèle des reconnaissances de complaisance ou à caractère frauduleux, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français s'impose ;
- Mme A... est célibataire, ne justifie d'aucune vie privée et familiale stable et ancienne sur le territoire français et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère et dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. De plus, son enfant étant très jeune, rien ne fait obstacle à ce qu'elle l'emmène avec elle. Son retour dans son pays d'origine ne porterait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale ni à l'intérêt supérieur de son enfant.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... A..., ressortissante ivoirienne, a déclaré être entrée en France le 7 août 2012 et que, de sa relation avec M. C... G... D..., ressortissant français d'origine ivoirienne, est née le 3 janvier 2015 à Pontoise une fille dénommée E..., Ange-Laurianne D..., reconnue par anticipation par Mme A... et M. D... le 30 octobre 2014. Mme A... a demandé au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 octobre 2017, le préfet du Val-d'Oise a refusé de faire droit à sa demande au motif que la reconnaissance par M. D... de l'enfant revêt un caractère frauduleux, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 16 octobre 2017 et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal d'audition de M. D..., de nationalité française, dressé le 26 octobre 2016 par les services de police du Mans où il réside, que l'intéressé, qui a reconnu près de dix enfants nés de relations réelles ou supposées avec des femmes différentes, a indiqué concevoir des doutes sur la paternité, qu'il a pourtant reconnue, à l'égard de la fille E... D..., née le 3 janvier 2005. Il a également précisé attribuer cette paternité à un autre homme, M. H... E..., qui vit avec la mère de l'enfant en région parisienne, et n'avoir pas de contact avec cet enfant depuis cinq à six mois. Le prénom de cet enfant correspond d'ailleurs au nom de famille du compagnon de la mère de l'enfant. De tels éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité réalisée par M. D... à l'égard de la jeune E... D..., alors même qu'il aurait contribué à l'entretien de l'enfant à hauteur de 50 euros par mois depuis la naissance de l'enfant jusqu'en février 2016. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le motif tiré de ce que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité n'était pas établi pour annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme A....
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
6. Il ressort de l'arrêté du 16 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise, notifié par voie postale, qu'il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.
7. Contrairement aux allégations de Mme A..., et alors même qu'il indique par erreur que celle-ci est " sans charge de famille ", l'arrêté préfectoral litigieux du 16 octobre 2017 mentionne à deux reprises l'existence de l'enfant auquel l'intéressée a donné naissance le 3 janvier 2015. Par ailleurs, si Mme A... justifie avoir fourni aux services préfectoraux un certificat médical concernant l'état de santé de sa fille, le défaut de mention dans l'arrêté préfectoral de ces considérations familiales ne révèle pas un défaut d'examen du dossier de l'intéressée, dans la mesure où sa demande tendait à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, dont l'examen n'impliquait pas la prise en compte de l'état de santé de l'enfant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme A... doit être écarté.
8. Le moyen tiré de l'erreur de droit au motif tiré de ce que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité n'est pas établi doit être écarté pour les motifs mentionnés au point 4.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;/ (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /(...). ". Aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale./ (...). ".
10. Mme A... se prévaut de sa présence en France depuis 2012 et de la nationalité comme de l'état de santé de sa fille née en 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée dispose d'attaches familiales en Côte d'Ivoire où réside sa mère et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. En outre, la nationalité française revendiquée pour l'enfant de Mme A... n'est pas établie du fait du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité la concernant, comme il est dit au point 4. Dès lors, la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Dans la mesure où la décision de refus de séjour n'a pas pour objet ni pour effet de séparer Mme A... de son enfant et où la requérante n'établit pas, par les seuls certificats médicaux produits, que sa fille, née prématurée, ne pourrait pas faire l'objet en Côte-d'Ivoire du traitement médical continu et adapté qui lui est nécessaire jusqu'à l'âge de ses sept ans, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant, garantissant l'intérêt supérieur de l'enfant doit être écarté. Par suite, pour ces motifs et ceux analysés au point 10, le moyen tiré de ce que la décision rejetant la demande de séjour présentée par Mme A... est affectée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 16 octobre 2017 portant rejet de la demande de titre de séjour présentée par Mme A....
En ce qui concerne les autres décisions distinctes :
13. Du fait de l'absence d'illégalité de la décision relative au séjour et pour les motifs mentionnés au point 11, la décision du 16 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise portant obligation de quitter le territoire français de Mme A... n'est pas illégale.
14. Du fait de l'absence d'illégalité de la décision relative au séjour et de la mesure d'éloignement ci-dessus, la décision du 16 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise portant détermination du pays à destination duquel Mme A... serait renvoyée n'est pas illégale.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 1710998 du 22 mars 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être annulé et que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, la demande présentée devant ce tribunal par Mme A... doit être rejetée ainsi que ses conclusions d'appel à fins d'annulation et d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1710998 du 22 mars 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
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N° 18VE01445