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28/11/2019 | FRANCE | N°18VE02311

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 18VE02311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1802151 du 1er juin 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

4 juillet 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler ce jugement et de reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1802151 du 1er juin 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- M. B... ne jouissait plus du droit de se maintenir sur le territoire, à la date de son arrêté ;

- le moyen de première instance tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement n° 1802151 du 1er juin 2018, par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 9 février 2018 faisant obligation à M. B..., ressortissant bangladais, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Montreuil :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L.743-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Et aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

4. Au soutien de son recours, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS produit en appel un extrait de la base de données " Telemofpra ", relative à l'état des procédures de demandes d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 13 novembre 2017, rejetant la demande d'asile de M. B..., lui a été notifiée le 23 novembre 2017. En l'absence d'observations de M. B..., en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, il est réputé avoir acquiescé à l'exactitude matérielle de ces informations. Il résulte de ce qui précède qu'ayant été débouté définitivement de l'asile, M. B... n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français, et pouvait être légalement éloigné sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Par conséquent, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 9 février 2018.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... à l'encontre de l'arrêté du 9 février 2018 :

6. En premier lieu, après avoir indiqué que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par une décision datée du 30 juin 2017 de l'Office français de protection des étrangers et des apatrides (OFPRA), confirmée par la décision de la CNDA mentionnée au point 4, la décision contestée mentionne que M. B... ne justifie pas, en France, d'une situation familiale et personnelle telle qu'elle y porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Elle comporte donc les éléments de fait la fondant. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... Dès lors, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation en fait et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.

7. En second lieu, le droit à être entendu, qui constitue un droit fondamental de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français au titre de l'asile, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient donc, lors du dépôt de sa demande, de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par conséquent, le droit de l'intéressé d'être entendu implique seulement que l'autorité administrative prenne en compte ces nouveaux éléments, mais n'impose pas à cette dernière, en particulier lorsque, comme en l'espèce, elle fait application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur cette mesure d'éloignement.

8. Lors de l'instruction de sa demande d'asile, M. B... a nécessairement été informé du fait qu'en cas de refus, il était susceptible d'être éloigné vers son pays d'origine. Il n'allègue pas avoir été empêché de faire valoir toutes observations utiles sur ce point, à l'occasion de cette instruction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne à être entendu doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision susvisée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

12. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise, notamment, les articles L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, même si les motifs de l'arrêté constatant que M. B... ne justifie d'aucune menace pour sa vie de nature à faire obstacle à son éloignement se réfère à la seule convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'autorité préfectorale a nécessairement examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans s'estimer liée par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA mentionnées ci-dessus. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.

13. En dernier lieu, M. B... allègue de risques pour sa vie, son intégrité physique et sa liberté en cas de retour au Bangladesh, du fait de condamnations prononcées à tort à son encontre. Toutefois, en l'absence de tout élément propre à sa situation personnelle susceptible d'étayer ces craintes, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision susvisée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 9 février 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802151 du 1er juin 2018 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

5

N° 18VE02311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02311
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-28;18ve02311 ?
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