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28/11/2019 | FRANCE | N°18VE02046

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 18VE02046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Sch

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Par un jugement n° 1804210 du 9 mai 2018, le magistrat désigné par la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1804210 du 9 mai 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Le préfet soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est fondée ;

- les moyens de la requête de M. D... devant le Tribunal administratif ne sont pas fondés.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant togolais né le 22 octobre 1975, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, par un arrêté du 4 mai 2018 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS. Par un jugement n° 1804210 du 9 mai 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. D... doit être regardé comme demandant l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Montreuil :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5 ". Selon l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable, en vertu de l'article L. 213-3 de ce code, à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et à qui l'entrée sur le territoire a été refusée en application des dispositions du règlement précité : " (...) La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 221-1 du même code : " L'étranger (...) qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ. (...) ". En vertu de l'article L. 221-2 du même code : " La zone d'attente est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, (...) un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. (...) La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale. ". Il résulte en outre des dispositions des articles L. 221-3, L. 222-1 et L. 222-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le maintien en zone d'attente ne peut excéder quatre jours mais peut être prolongé au-delà de cette durée par le juge des libertés et de la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours et, à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ, pour une durée supplémentaire de huit jours maximum. Enfin, aux termes de l'article L. 224-1 du même code : " Si le maintien de l'étranger en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer en France sous couvert d'un visa de régularisation de huit jours. Il devra avoir quitté le territoire à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour, ou un récépissé de demande de carte de séjour ou une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande d'asile. ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) ". Aux termes du II du même article : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être considéré comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

4. En premier lieu, la situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions citées ci-dessus du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre III du titre 1er de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre V de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, dès lors qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, il peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions précitées des articles L. 213-2 et L. 213-3 de ce code, mais non d'une obligation de quitter le territoire français, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d'entrer sur le territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait.

5. En second lieu, le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à un réacheminement pris pour l'application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente. Doit également être regardé comme entré sur le territoire français l'étranger ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée, et pénétrant sur le territoire en application des dispositions précitées de l'article L. 224-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'issue de la dernière prolongation par le juge des libertés et de la détention de son maintien en zone d'attente.

6. En l'espèce, M. D... est arrivé le 24 avril 2018 à l'aéroport de Paris-Charles-De-Gaulle, où il a été placé immédiatement en zone d'attente. Un refus d'entrée en France et une décision de maintien en zone d'attente lui ont été notifiés le même jour. Par une ordonnance du 28 avril 2018, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny a prolongé son maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours. Cependant, le 3 mai 2018, après avoir refusé à deux reprises d'obtempérer à son réacheminement en direction du Togo, M. D... a été placé en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières situés en dehors de la zone d'attente. De ce fait, il est entré sur le territoire français. Par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS pouvait édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 4 mai 2018, le premier juge a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit.

7. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif et la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par M. D... à l'encontre de l'arrêté du 4 mai 2018 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de la légalité externe :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... G..., attachée principale d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, disposait, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature consentie par arrêté n° 18-0110 du 12 janvier 2018 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F... B..., directrice des migrations et de l'intégration, notamment, les obligations de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ, ainsi que celles fixant le pays de renvoi et celles d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, la mesure d'éloignement contestée comporte les considérations de droit et les éléments de fait la fondant. La circonstance que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ne fasse pas état des craintes exprimées par M. D... pour sa vie en cas de retour au Togo, qui intéressent l'examen de sa situation au regard de la décision fixant le pays de renvoi, est sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation, et sur celui de l'examen de sa situation particulière, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été insuffisant. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et d'examen de la situation particulière invoqués par M. D... au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés.

10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

11. Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En l'espèce, il ressort du procès-verbal de garde à vue du 3 mai 2018 que M. D... a été mis à même de présenter toutes observations utiles relatives à sa situation personnelle et familiale, et à son réacheminement. Dès lors, le moyen tiré la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

12. En premier lieu, en admettant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ait entendu fonder son arrêté sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les motifs exposés au point 6 et retenus par l'autorité préfectorale suffisent à le fonder légalement.

13. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. D... est entré sur le territoire français du fait de son placement en garde à vue en dehors de la zone d'attente, avant l'expiration de la période de maintien. Sa situation n'entre donc pas dans les prévisions de l'article L. 224-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc inopérant. N'est pas davantage opérant, à l'encontre de la décision contestée, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme E... G... était compétente pour signer la décision attaquée. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

15. En second lieu, la décision attaquée vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que M. D... s'est soustrait à un refus d'entrée en France et qu'il ne présente pas de garanties de représentation, dès lors qu'il est dépourvu de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'un domicile certain. Elle comporte donc les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sans que l'absence de visa de l'alinéa de l'article susmentionné fondant la décision ne caractérise une insuffisance de sa motivation en droit. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

16. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

17. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme E... G... était compétente pour signer la décision attaquée. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, qui manque en fait, doit donc être écarté.

18. En deuxième lieu, la décision contestée vise l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, nécessairement, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle énonce que M. D... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations susmentionnées en cas de retour dans son pays d'origine ou de résidence habituelle où il serait effectivement admissible. Dès lors, comportant les considérations de droit et les éléments de fait la fondant, cette décision satisfait aux exigences de motivation des actes administratifs. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D.... Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.

19. En dernier lieu, M. D... allègue de risques pour sa vie, en raison de son engagement au sein du parti d'opposition au pouvoir en place au Togo, mais également de soupçons de trahison dont il est l'objet au sein de son parti. Toutefois, en l'absence de tout élément susceptible d'étayer les craintes que l'étranger nourrit pour sa vie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point 16 doivent être écartés.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

20. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français fixée par l'autorité administrative.

21. En premier lieu, l'arrêté relève, outre l'absence de liens personnels, professionnels et familiaux de l'intéressé en France, que les craintes, exprimées par M. D..., pour sa vie en cas de retour au Togo ne sont pas établies. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée en fait.

22. En deuxième lieu, en l'absence d'établissement, par M. D..., des craintes qu'il dit avoir pour sa vie en cas de retour au Togo et en l'absence de délai de départ accordé, c'est à bon droit que l'autorité préfectorale a assorti l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'intéressé de la mesure contestée.

23. En dernier lieu, pour fixer à deux ans la durée de la décision attaquée, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS s'est fondé sur l'irrégularité du séjour sur le sol français de M. D..., l'absence de liens en France mentionnée au point 20, et le refus répété de l'intéressé d'embarquer à destination de Lomé, manifestant sa volonté de se soustraire à une mesure d'éloignement. Ainsi, en dépit de la double circonstance que M. D... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il se serait soustrait et que sa présence en France ne présente pas une menace pour l'ordre public, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à deux ans.

24. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par M. D... doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'injonction présentées par la voie de l'appel incident, ensemble ses conclusions relatives aux frais du litige.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 4 mai 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804210 du 9 mai 2018 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil, ainsi que ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

8

N° 18VE02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02046
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-28;18ve02046 ?
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