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28/11/2019 | FRANCE | N°17VE02120

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 17VE02120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY, liquidateur du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à ce groupement au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 9 363 884 euros.

Par une ordonnance n° 1409597 du 23 octobre 2014, le président du Tribunal administratif de Montreuil a transmis cette d

emande au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY, liquidateur du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à ce groupement au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 9 363 884 euros.

Par une ordonnance n° 1409597 du 23 octobre 2014, le président du Tribunal administratif de Montreuil a transmis cette demande au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des articles R. 312-1 et R. 351-3 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1410472 du 4 mai 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2017 et le 26 février 2018, la FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY, agissant en qualité de liquidateur du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007, représentée par la Selarl C..., Barthes et associés, prise en la personne de Me B... et de Me C..., avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à ce groupement au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 9 363 884 euros ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit d'organiser le tournoi n'a pas été concédé par la société Rugby World Cup au GIP, ce droit appartenant à la seule FFR ; la redevance de tournoi n'est pas la contrepartie du droit d'organiser le tournoi ;

- la prime de participation est hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- subsidiairement, elle a droit à la déduction intégrale de la taxe assortie à ses opérations ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels le groupement a été assujetti méconnaissent les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, ainsi que le principe de confiance légitime.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code du sport ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat du 10 avril 2003, la société irlandaise Rugby World Cup (RWC) Limited, propriétaire du tournoi de la coupe du monde de rugby et tous les droits y associés, a confié à la fédération française de rugby (FFR) l'organisation de la 6ème édition de cette compétition, du 7 septembre au 20 octobre 2007. Ce contrat prévoyait notamment le versement à la société RWC d'une redevance de tournoi et d'une prime de participation. Après avoir, dans un premier temps, assumé seule la préparation de cet événement sportif, la FFR a accepté de constituer, par une convention en date du 22 octobre 2004, un groupement d'intérêt public (GIP) avec l'Etat et le comité national olympique et sportif français, aux fins de la préparation, du financement et de l'organisation du tournoi. En février 2008, en exécution du contrat du 10 avril 2003, le GIP - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007 a versé à la société RWC, la somme de 48 millions de livres sterling (64 239 241 euros), au titre de la redevance de tournoi, ainsi que la somme de 4 millions de livres sterling (5 352 768 euros), au titre de la prime de participation. A l'occasion de la vérification de la comptabilité du GIP, menée au titre de la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, l'administration fiscale a estimé que les sommes correspondantes devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, des rappels de cette imposition, ainsi que des pénalités, ont été assignés au groupement. La FFR, liquidateur du GIP - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007, relève appel du jugement n° 1410472 du 4 mai 2017, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des sommes correspondantes.

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la redevance de tournoi :

2. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires (...) ".

3. Si la FFR tient du 1° de l'article L. 131-15 du code du sport la mission d'organiser en France les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, c'est sans préjudice des droits détenus par les associations sportives internationales et, le cas échéant, par les personnes morales en dépendant. Il en va ainsi de l'organisation de la coupe du monde de rugby, le préambule du contrat du 10 avril 2003, précité au point 1, rappelant que la société RWC est propriétaire du tournoi de la coupe du monde, du " droit de le planifier et de l'organiser ", ainsi que " des marques, droits commerciaux, du droit sur les revenus des droits commerciaux et de tous les autres droits liés au tournoi ".

4. Le contrat du 10 avril 2003 a notamment pour objet de concéder à la FFR, selon les conditions imposées par la société RCW, le droit d'organiser le tournoi, alors que les droits commerciaux, comprenant notamment les droits publicitaires, de retransmission de la compétition, et de marchandisage, restent, sauf exception consentie par la société, exclusivement exploités par cette dernière. L'organisation du tournoi confiée à la FFR a pour corollaire le droit, pour celle-ci, de percevoir les droits de la billetterie, dont elle détermine les prix, et l'obligation de supporter l'intégralité des coûts du tournoi, en vertu des stipulations des articles 3.2 et 3.3 du contrat et de ses annexes 3A et 6. Si la redevance de tournoi en litige est définie par le contrat comme le " montant déterminé (...) pour couvrir les frais encourus par la société dans le cadre du tournoi... ", son montant a été fixé forfaitairement à 48 millions de livres sterling, étant entendu entre les parties que la somme de 20 millions de livres sterling était le minimum garanti payable par la FFR. Ainsi, sous couvert de dédommager la société RWC de ses frais, il apparaît que cette redevance a pour objet de rémunérer la concession du droit incorporel d'organisation de la compétition. Ce droit a le caractère d'un des droits similaires mentionnés au 1° de l'article 259 B précité du code général des impôts. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a assujetti la redevance de tournoi à la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la prime de participation :

5. Aux termes de l'article 259 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 4° Les prestations ci-après lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France : / a. prestations (...) sportives (...) ainsi que leur organisation (...) ".

6. Au nombre des coûts du tournoi que la FFR supporte, figure une prime de participation à verser à la société RWC, avant que celle-ci, conformément à l'article 3.4.4 du contrat du 10 avril 2003, ne la reverse aux fédérations de rugby participantes à une ou des dates qu'elle aura déterminées. S'il est constant que cette prime de 4 millions de livres sterling est répartie par la société entre les fédérations selon une répartition négociée entre la société et ces fédérations, en fonction du niveau de la compétition atteint par les équipes, il n'est pas contesté par l'administration que l'objet de la prime, outre le paiement des joueurs, est l'aide au développement de la pratique du rugby dans les pays concernés. Ainsi, en tout état de cause, cette prime n'a pas pour unique objet de rémunérer une prestation sportive individualisable, mais constitue également une subvention. Au surplus, à supposer même qu'une telle prestation soit individualisable, elle n'est rendue ni par la société RWC, ni même par les fédérations, mais par les équipes participantes. En l'absence de prestation individualisable, et de lien entre l'éventuel avantage retiré et la contre-valeur versée à la société RWC, la prime ne saurait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner ni le moyen soulevé à titre subsidiaire par la FFR sur le terrain de la loi fiscale, ni ceux soulevés sur le terrain de son interprétation par l'administration fiscale, l'appelante est fondée à demander la décharge du rappel procédant de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la prime de participation.

En ce qui concerne la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les recettes de billetteries :

7. D'une part, le 3° de l'article 261 E du code général des impôts, en vigueur au cours de la période d'imposition litigieuse, exonérait de taxe sur la valeur ajoutée les droits d'entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements.

8. D'autre part, aux termes de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 susvisée, qui reprend les dispositions du b) du 3 de l'article 28 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " Les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, peuvent continuer à les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date. " Le 1) de la partie B de l'annexe X à cette directive mentionne " la perception de droits d'entrée aux manifestations sportives ".

9. A titre subsidiaire, la FFR soutient que les recettes tirées de la vente de billets ouvrent droit à déduction dès lors que, quand bien même elles seraient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu du droit interne, elles sont soumises à cette taxe, en vertu du droit communautaire. Toutefois, les dispositions précitées de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ont pour seul objet d'interdire aux Etats membres de l'Union européenne d'introduire de nouvelles exonérations de taxe sur la valeur ajoutée ou d'étendre la portée des exonérations existantes postérieurement au 1er janvier 1978. Conforme au droit communautaire, l'exonération du 3° de l'article 261 E du code général des impôts faisait obstacle à l'exercice du droit à déduction, de sorte qu'en tout état de cause, la FFR n'est pas fondée à soutenir que le coefficient de déduction de la taxe grevant les ventes de billets devrait être d'un, afin de pouvoir déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses charges.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

11. La FFR se prévaut de réunions de travail entre le GIP et l'administration, à l'issue desquelles un représentant du cabinet du ministre aurait indiqué que les sommes versées à la société RCW ne seraient pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Pour établir l'existence et le contenu des assurances qui auraient été données au GIP, la FFR se prévaut notamment des procès-verbaux des conseils d'administration de ce groupement, en date des 6 mars, 27 avril et 29 juin 2006, au cours desquels le principe d'un non-assujettissement des prestations a été abordé, ce principe ayant l'assentiment du contrôleur de l'Etat et du commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports. Toutefois, il est constant que le courrier du 6 juin 2005 de demande de rescrit adressé par le GIP est resté sans réponse. De plus, il résulte du procès-verbal du conseil d'administration du 6 mars 2006 que si l'analyse fiscale faite par le GIP, et sur laquelle il entendait s'appuyer pour revoir son budget, a été communiquée à l'administration fiscale, aucune réponse n'a été apportée par celle-ci. Par ailleurs, et en tout état de cause, ni le représentant du cabinet du ministre, ni le contrôleur de l'Etat, ni le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports ne peuvent être regardés comme des fonctionnaires de l'administration fiscale compétents pour prendre formellement position sur le traitement fiscal, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, de la redevance de tournoi et de la prime de participation. Dans ces conditions, la FFR ne saurait utilement se prévaloir d'une telle prise de position qu'elle pourrait opposer à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales précitées. Enfin, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire, ce qui n'est pas le cas des modalités par lesquelles l'administration fiscale prend position sur la situation de fait d'un contribuable au regard d'un texte fiscal.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la FFR est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, en tant qu'il procède de l'assujettissement à cette imposition de la prime de participation versée à la société RCW Limited.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la FFR et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007 est déchargé, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, en tant qu'il procède de l'assujettissement à cette imposition de la prime de participation versée par ce groupement à la société RCW Limited.

Article 2 : Le jugement n°1410472 du 4 mai 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent jugement.

Article 3 : L'Etat versera à la FEDERATION FRANCAISE DE RUBGY, agissant en qualité de liquidateur du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - COUPE DU MONDE DE RUGBY 2007, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

6

N° 17VE02120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02120
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELARL CATED CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-28;17ve02120 ?
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